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Full text of "La médecine raisonnée de M. Fr. Hoffmann. Premier Médecin du Roi de Prusse, etc. / vol. III"

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MEDECINE 

RAISONNE'E 

D E 

M. FR- HOFFMANN, 

Premier Médecin du Roi 
de Prude, &c. 

Trduiu t*r M. Jac Q ues-Jean Bruh.eR, 
Dofteur en Medectne, 



m e 


PARIS, 

Br i as s on. Libraire, raë Sait! 

lues, à la Science & à 1 AngeGar ien« 


M. D C C. X L 11. 
jljtc jippTobaton, & ïrmltgt iu K«<- 


L A 


PATHOLOGIE 

O U 

PHILOSOPHIE 

DU CORPS HUMAIN 

CONSIDERE’ COMME MALADE, 
CEST-A-DIRE, 

L'explication des caufes des maladies , déduite , 
fuivant la méthode des Géomètres , d’ohferva- 
tions exactes , & de principes certains , puifes 
dans la Phjfique , Méchanique , é* 

E T 

Les véritables fonderons de la Pathologie , & 1» 
maniéré de préferver le corps des maladies 
de toute ejptce. 



PREFACE 

DU TRADUCTEUR. 

E ne puis , fans man¬ 
quer aux devoirs d’une 
jufte reeonnoiiïance , 
donner au Public la fuite de 
la Medecine Raifonnée , fans 
le remercier de l’accueil qu’il a 
fait aux deux premiers Tomes, 
Il eft bien flatteur pour moi 
de voir l’horofcope que j’en 
a vois tirejuftifie par l’événe¬ 
ment, êc pour l’Auteur, d’être 
applaudi par une Nation auflî 
éclairée que la nôtre, &àqui 
Tome III. a 





ij PRE F AC E. 

Ion peut, foit difant lui dé¬ 
plaire , reprocher plutôt trop 
de féverité 3 que trop d'indul¬ 
gence pour ce qui ne vient pas 
d’un de Tes enfans. 

On me dira peut-être que 
je ne rifquois pas beaucoup à 
tirer cet horofcope > aflhré que 
j etois du fuccès par celui que 
le fyftême de Medecine de 
M. Frédéric Hoffmann a eu 
dans toute l'Europe. 

Je pourrois répondre que 
l’experience nous apprend que 
des Ouvrages qui ont eu un 
cours prodigieux dans le tems, 
ôc le païs^de leur naifïance 3 
font tombes dans un difcredic 
égal à leur fortune - que dau¬ 
bes ont échoué dans un pais * 


PREFACE . i} 
après avoir été élevé jufqu aux 
deux dans d’autres ; enfin que 
comme je n’étois pas sûr du 
jugement de ma Nation, il eft 
glorieux pour moi de l’avoir 
prévenu. Mais mon amour 
propre trouvera mieux fon 
compte dans une conféquence 
qui fuitnecefTairementde cette 
obje&ion, c’eft que l’Ouvrage 
de M. Hoffmann n’a rien per- 
<iu de fon mérité pour être 
paffé par nos mains. Ceft à. 
quoi le Traducteur doit bor¬ 
ner toute fa gloire. Il a bien 
entendu fon Auteur 3 puifqu’il 
le fait bien entendre. Il n’a 
donc pas trop préfumé de -fes 
forces. 

J’ai avancé avec confiance 



iv PREFACE. 
dans ma Préface des deux pre¬ 
miers Tomes 3 qu’il feroit très- 
avantageux aux Médecins que 
tous les hommes eufîent une 
bonne teinture de l’Art qu’ils 
profeffent ; d’où je concluois 
qu’il falloir le mettre à la por¬ 
tée de tout le monde. Les rai- 
fonnemens 3 & autorités 3 fur 
lefquels je me fuis appuié n’ont 
point étéuniverfellement goû¬ 
tés. Peut-être changera - t’on 
d’avis quand on faura l’effet 
qu’a produit la Medecine Rai- 
fonnée. 

Elle efl devenue Pétude } êc 
le délaflement de gens de mé¬ 
rite , d’une profefhon 3 non- 
feulement étrangère à la Mé¬ 
decine , mais même à la Litte- 


' PR E'FACE. v 
rature. Ils ont appris a refpec- 
ter, 8c aimer, des vérités d’un 
aufli grand ufage que celles à 
qai nous Tommes voués ; 6c ce 
refpedfc, 8c cet amour , Te font 
étendus jufquauxorganes par 
lefquelles elles ont palTé juC* 
qu’à eux. Il y a plus : à force 
de méditations ils en décou¬ 
vrent tous les jours de nouvel¬ 
les j qui leur étoient échappées, 
ou qui font des conféquences 
néce flaires des premières que 
cet Ouvrage leur a mis Tous les 
ïeux. 

Mais ce qui me flatte le plus, 
ceft le jugement qu’en ont 
porté des Géomètres. Qui dit 
un Géomètre , dit, comme 
tout le monde le fait, une per- 



VJ PRE F JC E. 

fonne tellement habituée avec 
vérité 3 qu’il ne daigne jetter 
lesieux que fur l’évidence, ou 
h démonftration. Or voici ce 
<|ue m’écrivit au fujet de la 
Medecine Raifonnée, un de 
mes amis, qu’un goût domi¬ 
nant pour les Mathématiques 
rend moins indulgent qu’un 
autre pour tout ce qui eft obf- 
cur 3 ou incertain. Je regarde 
les Medecins avec refpecl , depuis 
que vous m’avés fait préfent de la 
Médecine Raifonnée. Je n'ai point 
encore achevé de la lire , parce 
qu il y a une infinité de termes que 
je n entens pas. J aïfixé mon étude 
en Medecine a deuxThéoremes par 
jour 3 à caufe du tems quai me faut 
pour chercher ces termes dans le 



PREFACE. vij 
Dictionnaire. Je ne fais grâce a 
aucun \ moiennant cela Je trounje 
que tout efl bien prouvé j & moi 3 
LeEleur Géomètre Je fuis content t 
& fatisfait .de mon étude. 

Tels font les termes dont 
s’eil fervi inon ami. Mais ce 
titre ne doit point rendre fon 
jugement fufped. Il ne porte 
fur rien qui m’appartienne en 
propre ; ôc d’ailleurs il eftbien 
perfua.dé quejene lui ferais pas 
moins attaché quand il penfe- 
roit fur la Medecine dune ma» 
niere auffi peu favorable que 
beaucoup de gens de mérité. 
Je vois toujours avec plaifîr j 
par la cdnverfion de mon ami, 
queJa leur n’eft point défef- 
perée. Je reviens à fa Lettre. 

a iiij 


rilj PRE F JC E. 

Que cët Extraie dcfiineroié 
lieu a un beau Commentaire - 
iî je n eerivois pas poiif cëiix 
a qui il fer oit fuperlu t Mais 
on me permettra d’en ttetm# 
feulé conféquence , c’ëft que 
1 aveuglement 5 & les teS& 
bresj rie font pas le feùl gsi* 
£age des Médecins j êc çflé. les 

Matbemàtiques ne dédaignent 

pas de teconnokiQ k Me- 
àecine pour une de léüfs êl 
les. Or avec ee paiffafii fe* 
cours j Quelles attaques neft, 
elle point en état dé repoüfe 
fer ! Quels coups n’eft. elle 
point en état de parer ! 

Si les deux premiers Tomes 
de k Médecine Râifcnnea 
ont produit à la Medëetn® ün 


P RE F JC Ê. îx 

avantage auflï confiderable 
que n’a-t on pas droit d’atten¬ 
dre de la fuite ? J’ofe le dire , 
ceux que je donne aujourd’hui 
font encore fuperieurs aux pre¬ 
miers j & je ne balancerois pas 
à leur donner la préférence fur 
tous les Ouvrages de principes 
qui ontparu jufqu a nos jours* 
s’ils ne le cedoient y du moins 
à mon goût ; à ceux qui doi¬ 
vent les fuivre. 

Je rend rois compte au Pu¬ 
blic des raifons qui m ont em¬ 
pêché de faire paroitre plutôt 
ceux-ci^ fi elles étaient inté- 
reffantes pour d’autres que pour 
moi. Il eft cependant bon 
qu il fâche que ce delai a pro- 


X PREFACE. 
curé deux avantages à l’Ou¬ 
vrage *, le premier d'avoir été 
relu avec plus de foin ; le fé¬ 
cond * de l’avoir été fur la 
nouvelle édition que M. Hoff¬ 
mann a fait faire de toutes fes 
Oeuvres. Ces trois volumes 
étoient entièrement prêts à 
donner à l’Imprimeur,, lorf- 
qu’un voyage trop long-tems 
prolongé , fufpendit l*impref- 
fîon 5 & donna letemsà l’Edi¬ 
tion latine de Geneve , de 
paraître. Mon Libraire in¬ 
formé que cette édition avoir 
été revue par l’Auteur , fouhai- 
ta que je lui confrontaffe ma 
tradu&ion 3 &: je trouvai fes 
vues fi raifonnables que je n’ai 



PREFACE. xj 
pu refufer de my prêter, mal¬ 
gré 1 ennui de cette opération, 
qui a été a autant plus infruc- 
tueufe pour le Public, & def- 
agréable pour moi, que Y Au¬ 
teur; n’a rien changéni rien 
augmenté à fa Pathologie. Je 
n y ai cependant aucun règret, 
parce quelle s’eff faite dans la 
vûe d’un plus grand avantage 
pour les Le&eurs , & que ce 
fera toujours l’objet que je me 
propoferai en travaillant. 

Il me refte à parler de ce 
qui compofe les trois Tomes 
que je lui | préfente aujour¬ 
d’hui. 

On y trouvera en tête le 



Xij PRE’ F ACE. 
portrai ce l’Auteur 3 confor¬ 
mément à Tes intentions. 
Mais comme on n’eft pas 
moins curieux des actions des 
grands hommes, que de com 
îxoître leurs traits 4 fai crû 
qu’on me fauroit gré d’y 
joindre l’hiftoire de fa vie 
telle que M. Schulze l’a mife 
à la tête de la colledion 
des Ouvrages "de M, Hoff¬ 
mann. Je laifle au Ledeur les 
réflexions fur ce morceau d’hif- 
toire. Je me contente de le 
prévenir 5 que le Chrétien 3 le 
Citoien 3 ôc le Médecin y 
trouveront de quoi faire leur 
profite 


PRE F JC E. xiij 

A cette pièce intéreflante 
j’ai'cru devoir joindre une Di f- 
fertation qui fert de Préface à 
la collégien dont je viens de 
parler , & dont le fujet mérité 
une attention particulière. Elle 
traite des qualités requifes pour 
être bon Médecin. Jamais cir- 
confhnces n’ont été plus fa¬ 
vorables pour faire paroitre un 
Ouvrage de cette nature. Tout 
le monde eft Médecin, & tout 
le monde efc crédule. On ver¬ 
ra à combien peu d’honnêtes 
gens ce titre convient, & quel 
prodigieux nombre de duppes 
on peut compter dans le 
monde. 

La fon^ion de ces deux 
Ouvrages au Traité de la Par 



xiv PREFACE. 
thologie forme trois volumes 
raifonnables , qui font termi¬ 
nés par une Table des Marie- 
res très-ample?, & que j’ai corn- 
pofée avec toute l'exactitude 
dont je fuis capable. On peut 
compter qui! ny a rien d’in- 
- tereifant dans les trois volu¬ 
mes qui n’y foit rappelle au 
mot auquel il fe rapporte le 
plus naturellement. 

Il n'a point tenu à moi de 
rendre cette fuite encore plus 
jntérefîance , & plus inftruc- 
tive. Je comptois y ajouter une 
Diirertatîon 1 , ou Lettre , où 
M. Hoffmann, ainfî quil me 
lavoir promis, devoir dire fou 
fentiment fur la maniéré dont 
je conçois que fe fait la circu- 


F R. E FA C E, xv 
don de la bile, & que fai ex¬ 
pliquée dans la Préface des 
deux premiers Tomes. Ne re¬ 
cevant point de fes nouvelles, 
je lui ai écrit il y a huit mois 
pour le faire fouvenir de fa 
parole. Je lui demandai en 
même - tems des éclairciffe., 
mens fur quelques articles; de 
fa vie , ou la différence dès 
pais pourvoit m’avoir fait pren- 
dre à gauche en tràduifant. Ma 
Lettre lui eft Purement parve¬ 
nue , & cependant elle eft ref- 
ïée fans réponfe , auffi-bien 
que deux autres que je lui a! 
écrites depuis. 

Si M. Hoffmann n ? a rien 
trouvé dans tout cela qui fot 

digne de fon attention ^ du 


svj FKFFJÇE. 
moins ne dev oit-il pas juger 
4$ même de ce que je lui mam 
dois au fujet de fa liqueur ano- 
dîne minérale. Bile fe trouve 
à preftat communément dans 
nos boutiques* Mais elt-çe Heu 
la préparation 4e M. Hoff¬ 
man ? Pour en juger il n y a 
d’autre moien que la compa T 
raifon avec celle que l’Auteur 
comppfe. Je lui en demaedois 
un eflài ; àt je i’attens encore $• 
on , 3 pour mieux dire , je nel’atr 
sens plus. 

.Antre embarras au fujet 4* 
ce remede. Divers .Àpotkaires 
le préparent. Chacun prétend 
avoir le vrai ftçfeç. L’un don¬ 
ne pour quarante fois, ce que 
l’aucrq vend un Bouis, Je i’in-r 
formai 


PRE' PÀ G Ë. xvïj 
formai de ces citcon (lances. 
Elles nont pas fait plus d’im- 
preffion : cependant à qui le 
Public donnera - t’il fa con¬ 
fiance ? 

Si M. Hoffmann n’étoit pas 
annoncé -dans fa vie comme 
extrêmement défintereffé 3 je 
pourrais conje&urer que fon 
filence eftcaufë par la volonté 
où il eft de tte point répondre 
à un article de ma Lettre. J y 
copiais la cômpofitioft de fa 
fameufe liqueur anodine d a- 
près une Lettre d’un célébré 
Médecin Allemand , écrite I 
un Médecin François de ma 
connoifTaroe y êc jeïoi deman- 
dois fon fentiment fur cette 
préparation. Il falloir sexpli- 

Tome III. b 


xvlij PREFACE. 
quer, & peut être étoit-il diffi¬ 
cile de dire vrai fans trahir un 
fecret que M. Hoffmann a 
fans doute rêfolu de laiffer 
toujours dans 1 obfcurité. Du 
moins le Médecin Allemand 
affure- t’il bien pofitivement, 
que la préparation qu’il envoie 
eft la véritable. Je la mettrai à 
la fin de cette Préface en fa¬ 
veur de ceux qui en voudront 
faire leffai. Mais ce motifdé- 
mentiroit trop évidemment 
T Auteur de la vie de M. Hoff¬ 
mann , pour que j ofe lui im¬ 
puter fon fiîence. 

Dire auffi qu’il ignore ou 
meprife les loix d’une poli- 
teffe générale pour toutes les 
Nations 3 ce feroit avancer le 


PREFACE, xlx 

Paradoxe le plus étrange. 

Il me relie donc à fuppofer 
quil eft malade depuis le téms 
que je lui ai écrit, ou qu’il a 
terminé une carrière , qui eft 
communément beaucoup plus 
courte que la fienne. Mais fi 
fon filence n eft pas l’effet de 
l’une de ces caufes 5 & qu’il 
Toit préjudiciable au Public , 
je lui îaiffe le foin de fe juftb 
fier auprès de lui. 


XX PREFACE, 
Préparation 
De U Liqueur anodine rainer ale de 

Mettes dans une cucurbite 
de verre tmk parties d efprlt 
de vin très-reâifie; vedes-y peu 
à peu une partie d’huilê de vi¬ 
triol , remuant la ctkurbite 
chaque fois que vôûs fërés 
une nouvelle addition de cette 
huile, afin de rendre le mé¬ 
lange plus exadt. La cucurbite 
s échauffera peu à peu 3 êc la 
chaleur deviendra très-grande 
quand toute î%uile fera mê¬ 
lée. Apres l’effervefcence fi¬ 
nie, couvres la cucurbite d’un 
chapiteau aveugle, & la IaifTés 


PREFACE. xif 
en QÎgeâion pendant vingt- 
quatre heures dans un lieupeU 
chaud 5 puis diftillês au feu de 
fable très-doux j après avoir 
changé de chapiteau, Sc adapté 
un grand ballon au bec du der¬ 
nier. Quand l’opération fera 
finie, & les vaifièaux refroi¬ 
dis , verfés le produit fur une 
quantité arbitraire de terre fo- 
laire de Hefle, ou de cendrés 
gràveîlées 5 diftillês de nou¬ 
veau avec les mêmes précau¬ 
tions j & vous aurés la liqueur 
anodine minérale de M. Hoff¬ 
mann dans toute fa perfec¬ 
tion* 



xxïj P K EJ F A C E. 

On trouvera, dans un des Po~ 
lûmes qui fuivront ceux - ci les 
marques aufquelles on connoit que 
cette liqueur efi bien préparée. 


MEMOIRES 

Pour fervir à la Vie de Monsieur 

Frédéric Hoffmann 9 

CmfeiUn d’Etat du Roi de rr«tfe, & fi» 
Premier Profeflem en Meiecme dan IV 

me,filé de Hall, Comte du Palais de 
[Emferen, , Do,en de IVnmrfttede 
mû. Membre de CAcademie de, C«- 

mnudelaNatme dotAudrnte Ut- 

vénale de Petersbourg , de la Société 
totale de Londres , & de l Academie 
Pot ale des Sciences de Berlin î 

Compoféspar M. Jean - Henri fehuhe , 
Doffeur en Médecine , & Profefeur pu¬ 
blic de Blnlofopbie , & de Medectne a 
Hall. 

’Univerfité établie en 1694* a 
Iw Hall en Saxe, fous les aulçi- 
cos àc Frédéric 1 . Roi dePruffe 3 
&: Electeur de Brandebourg , qu* 
l’a bien voulu honorer de ion nom. 


ttiv M E*'M GIRES 
cft devenue fifloriflinte ,8c fi cé¬ 
lébré dans tout le monde favant ÿ 
que,bien que peu éloignée du tems 
de fa fondation , non - feulement 
éle l’emporte fur toutes les Socié¬ 
tés Littéraires qui fe trouvent dans 
les Etats dont le Roiaume de Prude 
eft compofë , quoique beaucoup 
plus anciennes , mais qu’elle ne 
cède en rien a aucune des Univer- 
fités de fon voifinage, foit par la 
réputation , & le mérité de fes 
Profedeurs , luit pour la qualité, 
& la quantité de ceux qui vien¬ 
nent s y inftruire. Si l’on recherche 
la cauie de cès fuccès heureux, de 
fi conformes aux vues de laugufte 
Fondateur, on né Verra du coté des 
hommes qu’une attention exacte 
nés le commencement à ne rem¬ 
plir les Chaires que de Sujets qui 
le font déjà rendus célébrés, & qui 
lont dans un âge cru il rede allez 
de forces pour remplir avec eXac- 
- tmèe les devoirs que ce choix leur 
impofe a 


Me'mOIRE-S. XXV 

impofe , bien qu’ils aient facrifié 
une bonne partie de leur vie à re¬ 
quérir les connoiflances qui leur 
ont mérité la place dont ils font 
honorés, il n’y a donc rien de 
merveilleux. v que, tant de perfon- 
nes choilles en tous genres réu¬ 
nifiant leurs efforts ,/& toutes lés 
forces de leur efprit pour rendre 
cette Univerfité célébré , il n’y ait 
aucune des Sciences divines , & 
humaines , fur laquelle on n’ait 
j etté un- nouveau j our 5 ce quiâ-caü- 
fé l’admication d’un grand nombre 
de fiijets, fait naître chez beau¬ 
coup d’entre eux la noble émula¬ 
tion de les fùivre de près; 

) Un de ceux qui aient fait le plus 
d’honneur à cette Univerfité par 
l’étendue , & la variété de fes uti- 
les- connoifîànces , ;par l’éclat des 
dignités & des. ralens, le mérite 
de. fes Ouvrages Je bonheur de 
fg. Pratique ,;eit ie:célébré M.-Fré- 

c 


xxvj M e’m o i h e s 
lais de l’Empereur, Confeiller d’E¬ 
tat, & Privé du Roi de Prude, & 
fou Médecin Confultant, Premier 
Profefïeur de Philofophie , & de 
Medecine dans cette Univerfité , 
Doïen de ceux qui y profefïent, 
Membre de l’Académie Impériale 
des Curieux de la Nature, de celle 
de Peterfbourg , de la Société 
Roiale de Londres, & -de - l’Aca¬ 
démie Roiale des Sciences de Ber¬ 
lin , mon Protecteur, & mon Maî¬ 
tre , dont les bontés me mettent 
hors d’état de donner des mar¬ 
ques convenables de reconnoiflan- 
ce. J’entreprens d’écrire fa vie avec 
d autant plus de confiance , que 
j ai eu le bonheur de le fréquenter 
pendant long-tems, que je fuisinf- 
triiiit de tout ce qui le touche , 6c 
qu d m a fait la grâce de me com¬ 
muniquer les Mémoires exacts qu’il 

a compofés fur tout ce qui lui eft 
arrive de remarquable. Avec ces 
iccours, qc ces avantages qui rue 


Mémoires, xxvîj 
font particuliers , & dont j’ai fait 
le meilleur ufage qu’il m’a été pof- 
lîble, il me paraît que je fuis plus 
propre qu’aucun autre à réuffir 
dans l’Ouvrage que j’entreprens , 
& que la foiblefle de mes talens , 
& la fmplicité de mon ftile , ne 
diminueront point fon mérité aa 
jugement de l’équitable Pofterité. 

Quand je jette les ïeux fur la 
Famille de M. Hoffmann , & fur 
fes Ancêtres , il me femble voir 
la Famille des Afclepiades. {a) Car 
à remonter de deux fiécJes , fes 
Aïeux-font , ou Médecins , ou 
Pharmaciens j pour commencer 
par le côté maternel, nous trou¬ 
vons d'abord le refpectable Wcî- 
fangus Holzwirth, fort! d’une Fa¬ 
mille diftinguée de notre païs, oit 

(a) On appelle ainfi les Defceadans d’Efcu- 
lapè, qui ont eu la tépuration d’avoir confervé 
la Medeciae dans leur famille fans interruption 
depuis Efculape jufqu’à Hippocrate, qui s’en di- 
foit le dix-huitiéme defcendagt. Voyez le Clerc, . 
Hijl. de la Médecine . 

Cij 


xxviij M e’ m oü e s, 
elle a rempli les places les plus ho¬ 
norables , qui cultivoit la Pharma¬ 
cie à "Witteberg , dans le même 
cems que Valerius Cordus y'êxpli- 
quoit Diofcoride avec tant de fuc- 
cès , èc d’honneur. La fcience de 
Cordus fit tant d’impreffion fur 
l’efprit d’Holzwth, qu’il le fui vit 
de Witteberg jufqu’à Rome , & 
qu’il n’en fut féparé que par la 
mort prématurée de ce célébré Pro- 
felïèur , arrivée en l’année 1554» 
Holzv'irth , heritier de la paffion 
qu’a voit Ion Maître Cordus pour 
l’Hiftoire Naturelle , après avoir 
pâlie deux ans à Rome, fut tenté 
de parcourir plus de païs, & de re^- 
cherchcr dans leurs terres natales 
les ■) médicamens lîmples quelles 
produifent j il s’embarqua donc à 
Venife , & paffa à Jerufalem, De 
retour dé fou voyage de long cours - 
en la- même année ' 5 54 il cpou la v 
dans [î c C berinê K< : pcr } 



Me’moire s. xxix 
lier de P Archevêché de Magde- 
bourg , dont il eut une fille nom¬ 
mée Elifabeth. 

Elifabeth Holzwirth fe maria en 
1579. à Laurent Hoffmann , né 
dans la célébré Métropole de l’E¬ 
vêché de Bamberg, êc qui avoir 
appris la Pharmacie à Leipfick* 
Ce Laurent Hoffmann eft le Bi- 
fayeul de celui de qui j’écris la vie, 
& la fouche commune de tous les 
Hoffmann de la Ville de Hall , 
qui font parens de notre Frédéric. 
Entre lesenfansde Laurent Hoff* 
niann , deux de fies filsr méritent 
fur-tout une diftinccion honora¬ 
ble - y ils s'appelloient Laurent, 6 c 
André. Le premier fut Premier 
Médecin de Jean - Georges, Elec¬ 
teur de Saxe 5 il s’efl fait parmi les 
Médecins Allemands un nom qui 
ne mourra jamais. Ceft lui qui a 
porté dans la Famille des Hoff¬ 
mann la noblefïè dont l’Empereur 
Ferdinand IL Pa honorée II a auffi 
c iij 


xxx Me’moires 
kifTé des preuves authentiques des 
connoifünces qu’il avoit acquifes. 
, a fortune d’André ne fut pas fi 
brillante. Il f e confaçra à la Phar¬ 
macie dans cette Ville, où de fon 
manage avec Gertrude Seyfert , 
fille de Frédéric Seyfert, Echevin 
de la Ville de Hall, il eut un fils 
nomme Frédéric Hoffmann, qui 
lut pere du nôtre. 

C eft ici le lieu de parler, avec 
tous les éloges qu’il mérite , de 
Ealtnaf&r Brunner , l’un des plus 
célébrés Médecins de fon tems 
& qm a rendu des fervices effen- 
tiels a 1 ? Famille des Hoffmann. 
Il etoit ne a Hall, où fon pere 
nomme Laurent Brunner , qui 
avoir reçu le jour à Brigs , Ville 
de Sileùe , & autrefois fiége d’un 
, uché , s croit venu établir & 
eto,ç Confeilkr. Balthafar Bmn- 
ncr ctoit très-eftimé de JeanCraton 
oe Kraftheim, fucceffivement Pre 
mier Médecin de trois Empereurs, 



Mémoire s. xxxj 
chez qui il avoit demeuré pendant 
quelque tems , & avoit été traité 
comme s’il eut été Ton fils. Il n’é- 
toit pas moins cher à Georges- 
Laurent , Premier Médecin des 
Electeurs , Marquis de Brande¬ 
bourg , qui lui avoit donné là 
Elle en mariage. Maisaiant perdu 
de bonne heure fomépoule, il 
avoit pris en fécondés noces Elifa- 
beth Holzwirth , veuve de Lau¬ 
rent Hoffmann , qui avoit plu- 
fieurs enfans , pour l’éducation 
defquels il fe donna tant de foins, 
que , loin de fentir qu’ils étoient 
tombes entre les mains d’un beau- 
pere, ils n’avoient pas- droit d’en 
>attendre davantage du pere le plus 
afïèétionné. Brunner maria une 
Elle unique qu’il avoit de fon pre¬ 
mier mariage à Laurent Hoffmann 
fon beau-fils , qu’il avoit fait inf- 
•struire dans toutes les fciences con- 
venaoles a un enfant de famille , 
qu’il avoit initié aux myfteres 


: xxxij Me’moi re s. 
de; la Médecine , & qu’il a voit an- 
puié de tout fqn crédit. C’eft ce 
que la reconnoiflahce met dans la 
‘ bouche de Laurent Hoffmann ; 
" comme' ori le voit dans la Préface 
qu’il a mife à la ; tête des'Confulta- 
‘ rions de fon beau-pere , lorfqii’on 
les impri ma chez nous en 1 61 8. 
Qn peutî juger du mérite de cêt 
-Ouvrage par la nouvelle édition 
qulena fait faire dépuis peu en Hol¬ 
lande le célébré-M. Herman Boer- 
liaavc. 

Nous pafîbns à Frédéric Hoff- 
. marin, fils d André, hé à Hall en 
1^26. lequel après avoir pris une 
teinture ftiffifante des Belles-Let» 
très y s appliqua à la Medecine a 
Jene , & à Witteberg. 11 fit de fi 
-grands progrès dans cette fcience, 
& l’exerça avec tant de fuccès, que 
le Prince Augufte, Duc de Saxe , 
& Directeur de l’Archevêché de 
Magdebourg, lui fit l’honneur de 
le choifir pour fon premier Mede- 


M e’ moires, xxxiif 
cim Il s’eft aufïi fait dans la Répu¬ 
blique des Lettres un nom qui ne 
mourra jamais , privilège que lui 
ont juftement mérité plufieurs Ou¬ 
vrages, & notamment fa Méthode 
de traiter les maladies , & fa Clef 
de Schroder. Frédéric Hoffmann 
avoit époufé Anne-Marie Knorri^ 
d’une Famille ancienne, & diftin- 
guée , fille de Frédéric Knorri , 
Gentilhomme de. naifîance , & 

‘ Confeiller , parente de fort près 
' au célébré Médecin, & Chimifte r 
Matthieu Unzer , qui eut auflî 
pour gendre Pilluflre André Niet~ 
ner , Premier Médecin du Prince 
Duc de Saxe , & Directeur de 
l’Archevêché de Magdebourg. Fré¬ 
déric Hoffmann eut plufieurs en- 
fans de fou mariage , entre autres, 
celui dont nous écrivons la vie , 
lecjuel eft né en 1670 , le 19 de 
Février 5 -& qui non-feulement a 
paffé de beaucoup par l’étendue de 
fes connoiffances, & de fes talens * 


xxxiv Mémoires, 

& par l’éclat de les dignités-, 6c de 
Tes honneurs, mais même par la 
longueur de fa vie, tous ceux qui 
font fortis des mêmes pere, 6c me- 
re j que dis-je ? tous fes Ayeux , à 
quelque degré de gloire qu’ils foient 
parvenus. 

Les premières années de la vie 
de M. Frédéric Hoffmann furent 
emploiées à i’inftruire des devoirs 
de fa Religion , 6c des élémens 
des Belles-Lettres, en fe propor¬ 
tionnant aux développemens fuc- 
ceffifs de fes fentimens, 6c defon 
efprit. Ses parens, outre leurs foins, 
ne négligèrent aucun des fecours 
qui pouvoient conduire leur fils à 
la perfection, 6c pour cet effet ils 
affocierent à leurs utiles travaux 
ceux qu’ils crurent les plus capa¬ 
bles de les féconder. Ces exercices 
domeftiques le conduifirent jufqu’à 
treize ans. Alors on l’envoia au 
College public de cette Ville, que 
le nombre des Étudians, 6c l’ha- 


Me’mo IRIS, XXXV 
bileté des Maîtres rendoit très- 
floriflant. Il y avoit entre autres 
Profeflèurs deux hommes excel- 
lens pour l’attention, & l’adrefle 
toute particulière à graver dans 
l’efprit des enfans , les principes 
qui mettent en état de tirer parti 
des Sciences plus élevées. C’étoit 
Meilleurs Pretorius, & Drechller. 
L’attention continuelle de ces Maî¬ 
tres , & du Dilciple pendant qua¬ 
tre années mirent le jeune Hoff¬ 
mann en état de parler, &: d’écrire 
avec pureté , & élégance , &; au 
fait non-feulementde toutesles par¬ 
ties de la Philofophie, mais meme 
d’une bonne partie des Mathéma¬ 
tiques. Je me fouviens de lui avoir 
entendu fouvent répéter à fes dif 
ciples , & plus fouvent encore à 
fes enfans, & à ceux pour qui il 
avoit une bienveillance particu¬ 
lière , que rien rie lui avoit été 
plus utile que de s’être appliqué 
de bonne heure à l’Arithmétique, 


xxxv j Mémoires. 
àc aux Mathématiques 5 6 c que 
c’eft la pratique de ces fciences qui 
lui a comme naturalifé le delïr des: 
idées claires, 6 c développées , 6 c 
qui lui a donné la méthode de 
démontrer , ou de déduire des vé¬ 
rités obfctires , '& inconnues , de 
principes clairs , & .certains , de 
maniéré que Toit en s’inftruifânt 
foit en inllruifant les autres , il 
nembrafibit jamais de parti , ou 
n’en propofoit point aux autres y 
. que celui où il trou voit la clarté, 
6 c. la certitude. Il avoir foin à ce 
propos de rappellerla Lettre d’Hip¬ 
pocrate à fon fils Theffalus , ou 
l’on trouve le détail des avantages 
que procurent ces fciences pendant 
tout le cours de la vie , 6 c l’on en 
recommande notamment Lufage à 
ceux qui veulent s’appliquer à la 
Médecine. Telle étroit en effet la 
difpofition de l’efpritde M. Hofi> 
mann , qu’il fè plaifoit principale¬ 
ment a l’étude des Sciences qui 


M E 1 M O I R. E S, xxxvij 
font appuiées fur des principes cer¬ 
tains , 6c liés par un certain or¬ 
dre , Se qu’il n’a voit pas de goût 
pour tout ce qui demande beau¬ 
coup de force , 6c de vivacité , de 
mémoire, ôc d’imagination, com¬ 
me la Poëfie , la Mufique, l'Elo¬ 
quence , bu une connoifiance éten¬ 
due des Plantes. Ce n’eft pas ce¬ 
pendant qu’il n’eftimât ces feienccs 
comme elles le méritent 5 mais le 
cas qu’il en fefoit ne le détourna 
pas dès fa tendre jeuneflè de Inap¬ 
plication aux études plus férieu- 
les , qui demandent du jugement, 
& de la réflexion 5 ôc c’efi: fur ces 
traces qu’il a marché tonte fa vie. 

L’inclination bienfelante de M. 
HofFmann pere , qui ne lui per- 
mettoit pas de fe relu fer à rien de 
ce qui pouvoir être utile aux au¬ 
tres', ne laiflbit point à fon fils le 
tems de fe livrer au repos , 6c à 
l’oihveté. Car fa maifion éroit tou, 
jeyrs remplie ckqeurïes Médecins ,. 


xxxviij Me’moî S.E s, 
qu’il inftruifoit dans toutes les par» 
ties de la Médecine. Le fils ne né- 
gligeoit point cet avantage , & il 
ne s’abfentoit guere des démonf- 
trations anatomiques , ou chimi¬ 
ques que le pere fefoit, Auffi en 
recevoit-il les avantages que re- 
cueilloient les enfans des anciens 
Afciepiades , lefquels } fe trouvant 
continuellement avec leurs peres 
toutes les fois qu’ils fefoient quel¬ 
que opération de l’Art , ou des 
exercices qui y eonduifent , profî- 
toient prefque fans s’en apperce- 
voir& le gravoient fi profondé¬ 
ment dans 1’efprit ce qu’ils a voient 
vû, entendu , ou travaillé de leurs 
propres mains, qu’il étoit auffi dif¬ 
ficile qu’iî-s oubliaient les élémens 
de la lecture, que ceux des fcien- 
ces qu’ils avoient , pour ainfi dire, 
fucés avec le lait. 

Il femble que le défaire arrivé 
en 1675. à la maifon de M. Hoff- 
mann auroit dû retarder les heu? 


M E* M p 1RES. XXXIX 
feux , & rapides progrès de celui 
dont nous fefons î’hiftoire. Dieu 
voulut qu’une maladie épidémique 
qui fefpit beaucoup dé ravages dans 
lé commencement du Printems de 
cette année enlevât en trois jours 
le pere, la mere, & la fille aînée. Je 
ne puis me difpenfer de rapporter 
en cet endroit ce que j’ai fouvent 
entendu dire à cette ocçafion à M, 
Hoffmann, avec autant de plaifir, 
qued édification. Il avoit coutume 
d’entretenir fouvent fes enfans, & 
les amis de cœur } des événemens 
qu’il regardoit autrefois comme des 
adverfîtés, bien que ce Ment des 
moiens très-efficaces que Dieu lui 
fournifïbit pour s’affurer un bon¬ 
heur véritable , & de tirer parti 
d J une faine Philofophie, & des lu¬ 
mières fécondes de notre feinte 
Religion, pour apprendre à met¬ 
tre a profit les malheurs que Dieu 
nous envoie : or tontes les'fois 
qu’il parloit du défaire de fa fa- 


xl Me 5 moires. 
mille, c’étoir toujours pour bénît 
la divine Providence > qui n’avoit 
permis ces trilles événemens que 
pour fon avantage , & celui des 
fieras. Ces parens refpe&ables 
avaient été enlevés à leur famille 
dans un âge critique , oii les en- 
fans ont le plus de befoin des con-" 
feils, des avis, & des fecours pour 
Paifance de la vie, qu’ils ont droit - 
d’attendre de la tendrelïe , & de la 
vigilance paternelle. Ils étoient 
morts avec une fortune allez bor¬ 
née, à qui le feu avoir fait une 
brèche alfez confidérable. Ce fu r 
rent ces mêmes circonllances qui 
firent prendre aux orphelins le re¬ 
ligieux parti de mettre plus que 
amais leur confiance en. Dieu, de 
ui adrelfer des prières plus fervent 
tes,, de s’attacher plus parfaitement^ 
â la pratique des vertus, & à des % 
profefïions honorables, & de liibf- 
tituer au fafte qu’ont beaucoup de \ 
peine a éviter ceux à qui la fortune 1 




M e’MO'I R E' Sv xlj; 
rit fans ceftè, une vraie modeftic, 
de un louable delir de fe rendre 
utiles à la focieté , vertus dont la 
pratique fit qu’avec un bien mé¬ 
diocre y de le fecours de Dieu, il 
ne fc trouva perfonne dans cette 
famille qui n’eut amplement de 
quoi fe foutenir avec honneur. Le: 
haut degré de feienee, où M.HofF- 
mann eft parvenu, eft une preuve 
fans réplique que les études auf* 
quelles il s’appiiquoit n 2 eii : ont 
point fouffert ; ce qui devoir affe 
naturellement arriver. Car aiant 
reçu de bonne heure de fon pere le 1 
goût de la Medecine, il y. avait 
tout lieu de craindre qu’il ne fe li¬ 
vrât trop tôt à ce qui eft propre à 
eette fcience , de que l’agrément: 
qu’il y trouveroit ne le fit fe porter 
plus nonchalament, ou du moinffi 
avec moins d’ardeur vers les ob¬ 
jets néceflaîres ponr parvenir ans 
feiences relevées 5 : de donner un tel 
ordre àies idées , qu’il ne fe faftk 


xîij M e’m dires, 
r>as de confufionqu’on puifïè 
les communiquer de même aux au¬ 
tres. 

M, Hoffmann refia au College 
de Hall jjufqu a la fin de l’année 
1678 , qu’aiant fait preuve de fa 
capacité dans une Thefe fur le 
Monde , où préfîdoit M. Preto- 
rius, & par un Difcours public, 
il prit un congé folemnel , & fe 
retira près de fes protecteurs, & de 
des amis , pour les confiulter fur le 
genre d’étude auquel il s'applique¬ 
rait , de fur l’Univerfité où il iroit 
étudier. L’inclination pour la Mé¬ 
decine , qui étoit comme hérédi¬ 
taire dans fa famille , l’a voit tou¬ 
jours porté vers cette profefîion j 
Sc comme le célébré George W ol- 
fiangus Wedeîius , qui enfeignoit 
dans l’Univerfité de Jene, étoit un 
des plus eftimés de fon tems , ce 
fut auffi de lui que tout le monde 
conseillaà M. Hoffmann d’aller 
prendre des leçons. 


Me’MO-IB, ES. xliij 
Comme il étoitperfuadé depuis 
long-tems que rien n’eft plus né- 
ceffaire à une perfonne qui fe def- 
tine à la Medecine quela.çonnoiff- 
fance des Mathématiques, & de la 
Philofophie naturelle, il ne négli¬ 
gea rien pour l’acquérir le plus par¬ 
faitement qu’il pût , afin de faire 
d’autant plus de progrès dans la 
Medecine, Il trouva à Jene tous les 
fecours qu’il pouvoit foühaiter , 
& qu’on a voit lieu d’attendre des 
inftruétions des célébrés Erhard 
Weigelius, cetArchimede de l’U- 
niverfité de Jene , Ôc Jean-André 
Schmid , qui devint en fuite Abbé 
de Marievaîl 5 & Théologien. 
d'Helmftad , a qui M. Hoffmann 
a toujours publié qu’il avoit de 
grandes obligations. Quant à la 
Medecine, c’étoit furtout à Wede- 
lius qu’il s’attachoit , fans préju¬ 
dice des lectures réfléchies, & mé¬ 
ditées des meilleurs Auteurs, dont 
il efpéroit tirer de grands avanta- 


xîiv Mémoires. 
ges, 11 fît une Thefe fous la préfî r 
dence dé ce Docteur en i 6 jy } 
dont le Sujet étoit le Dijfelvant de 
Vejlomac. ■■ i 

Après 1 avoir pafieunan àjene^ 
& prouvé fa capacité à tous ceux 
qui couroient la même carrière que 
lui, plu fieu rs de les amis le priè¬ 
rent de permettre qu’ils fuflènt les 
témoins des travaux chimiques auf- 
quels il s’appliquoit affiduement.. 
Il accepta le parti, tarit pour leur 
faire pîaifir , que pour le fortifier 
de plus en plus en enseignant, & 
s’apperçut, fenfiblement que ce 
cou rs d’opérations chimiques lui 
avoir Fait beaucoup de bien , èc à 
Ceux qu’il enfeignoit. Et comme 
il avoir trop d’envie de profiter au 
moien de la Chimie des avantages 
qu’un Médecin peut tirer de fa 
fcience , pont être en état de ? ré¬ 
primer uit defir fi violent, il prit 
au commencement de l’année 16 80 
le parti d’aller fe perfectionner fous 



Me’moires. .xlv 
Ckfpar Cramer, Profeflèur très-cé- 
lebre en cette partie dans l’Uni ver- 
fité d’Erford, & il Te comporta de 
maniéré avec lui, qu’il s’acquit fou 
amitié. Ikira de grands avantages 
des leçons publiques de Chimie 
que fefoit ce Profeflèur, &c auf- 
quelles il étoit très-affidu j mais fes 
conférences, àc fes conventions 
. particulières avec ce Doéteur lui 
firent beaucoup plus de bien. Dans 
cette retraite il travailloit princi- 
. paiement fuivant les idées de Van- 
Helmont,qui étoient pour lors do¬ 
minantes dans les Ecoles de Méde¬ 
cine, & qu’il ne tarda point à aban¬ 
donner quand il fut plus au fait de 
la Phyfique 5 il travailloit, dis-je, à 
fa Diflertation ,fur le délire qui fait 
attenter à fa vie , qu’il fit lire au cé¬ 
lébré W edelius, & qu’il fournit à fa 
cenfure à la fin de la même année, 
pour être foutenue publiquement 
fous fa préfîdence , s’il la jugeoit 
digne de voir le jour. 

Tome IIL * 


xlvj M E’M' 0 ï 3t É S, 

Cet Ouvrage plût fi fort à W&. 
delius.qu’il ne fit aucune difficulté 
de dire au jeune Auteur que des 

eiïàis fi heureux méritaient une 
plus digne récompenfe. Et, pour 
ne le pas laiUèr dans l’embarras de 
deviner fa penféc, il lui confeilla 
nettement de le mettre au nombre 
de deux qui demandoient le Bon¬ 
net de Docteur en Medecine -, 
qu’on devoir bien-rot leur donnera 
Quelquedéférencequ’eutM.HofF- 

manu pour fon ancien Maître, il 
crut ne devoir rien faire fans l’a¬ 
vis , èc le confentement, des per» 
fbnnes qui lui tenoient lieu de 
pere. Wedelius étoit trop honnête 
homme pour trouver à dire à cette 
délicatefîè, & fe fît un plaifir de 
délivrer à M. Hoffmann en qua¬ 
lité de Doïen de la Faculté de Me^ 
decine, place qu’il remplifîoit pour 
lors , une atteftation des plus ho¬ 
norable , pour qu’il pût l’envoier 
à fes protecteurs 5 &àfa famille. 



M É 3 M O ï R £ S MviJ 
On fe douce bien qu’il ne fe trou¬ 
va point d’oppofition à une de¬ 
mande autorifée par une perforine 
fi refpecfable. M. Hoffmann fubit 
donc les examens prefçrits par les 
ftatuts , cl aiant été reçu d’une 
Voix unanime le dernier jour de 
janvier de l’année 16S1 , il fou- 
tint , à la fatisfaccion de tous ceux 
qui l’entendirent , fa Thefey^r k 
délire qui fait attenter à ft vie ; èC 
le cinq Février fuivant ,■ n’aiant 
pas encore atteint le commence¬ 
ment de fa vingt ô£ unième année., 
il reçut les or.nemens do&oraux; 
de la main de fon ancien Maître ,, 
le célébré fWedelius , cérémonie 
précédée de l’éloge du Candidat 
prononcé par le même, 

11 y a beaucoup de perfonne$ 
qui, fatisfaites du témoignage ren¬ 
du publiquement à leur capacité 
par i’aggregation à une Faculté cé¬ 
lébré,fe fondent moins alorsd’aug- 
menter les connoifîànees qu’ils ont 
Tôwellh 



XÎ Vlij M E* M O I R. E S 

acquifes , ou de fe les inculquer 
profondément, que d'en tirer parti 
pour fe faire un établiffement avan¬ 
tageux j mais les penfées dè M, 
Hofïmann éoient bien différen¬ 
tes. A peine étoit-il Doéteur, qu’il 
brûla du défit, defir qu’on ne fini» 
roit trop louer, de faire connoître 
à tout le monde combien il étoit 
propre à enfeigner, ôc à remplir 
une Chaire. Il fit Peffid de fies for¬ 
ces le mois de Mai fuivant, & le ht 
avec tant de fuccès, que fa Thefe 
fur le Cmnahrs d’'antimoine , 1 a pre¬ 
mière à laquelle il ait préfidé "fut 
courue de tout le monde, qui ne 
pouvoir fe lafler d’admirer la pro¬ 
fondeur des connoifïànces chimi¬ 
ques qu’il y avoit prodiguées.Auffi 
fut-elle réimprimée m- 1 i à Ley- 
den en 1685, P ar ^ es foins du cé¬ 
lébré Paul Herman , & w -8 à 
Francfort fur le Mein en 1689. 

La réputation que cette Thefe 
acquit à M. Hoffmann lui attira 
la 


Mémoires. xlix 
la confiance d’un fi grand nombre 
d’Etudians, également charmés de 
là dextérité , & de fon habileté , 
foie qu’il fit des leçons de Chimie, 
ou qu’elles euilent pour objet les 
autres parties de la Medecine, que 
les Docteurs chargés par état d’en- 
ïeigner publiquement ces difFerens 
Traités, ne purent fedefFendre du 
poifon de la jaloufie. Mais M. HoiF 
manu n’avoit pas defîein de leur 
porter long-tems ombrage. Après 
avoir facrifié un an , & quelque 
peu de plus , au defiir de fe rendre 
utile aux Etu-dians qui fe trou- 
voient à Jene , il partit de cette 
Ville , mais non làns y avoir donné 
en public de nouvelles marques de 
ia capacité. C’eft ce qu’il fit dans 
une féconde Thefe fur une maladie 
eonvulfive , caufée par la vue d'un 
fpecïre. 

Des raifons importantes à notre 
jeune Docteur , autres que la ja¬ 
loufie de fes Confrères , l’obli- 

Tme IJL e 


1 Me’moikes. 
gerent à s’éloigner de Jene pour 
quelque tems. L’illuftre M. Joa- 
chin-Martin Unverfaerth , Con¬ 
seiller du Séréniffîme Electeur de 
Brandebourg, & Chancelier de la 
Principauté de Minden, allié, & 
très-attaché à M. Hoffmann ,1e 
preffoit depuis long-tems de le ve¬ 
nir ; voir., Ce voyage n’étoit pas 
moins néceflàire au rétabîiffement 
d’une Santé que le travail rendoit 
affez incertaine. Car il Se troiivoit 
dans le même cas , oh Sont tous 
ceux qui approfondirent avec trop 
d’attachement , & d’application 
les myfteres de la nature. Les veil¬ 
les , ôe le travail continuel avoient 
ruiné Ses forces. 11 Se fentoit une 
difpofition prochaine à la maladie 
hypochondriaque , & de trilles 
avant-coureurs le menaçoient d’u¬ 
ne phthilie du poumon. Mais il 
étoit à peine arrivé a Minden , 
qu’il vit avec étonnement Ses for¬ 
ces notablement rétablies , fans 


Me’mO I Ij 

doute par rapport aux agrémens du 
voiage. Ceux qu’il trouva dans la 
maifon de fon refpectable allié, & 
dans celle de fa fœur , où tout ré- 
pondoit à fcs dcfirs, lui firent pren¬ 
dre le parti d’y faire un féjour beau¬ 
coup plus long qu’il ne fe l’étoit 
propole j & n’aiant point tardé à 
s’appercevoir combien fa demeure 
dans la mai fon d’une perfonne auffi 
difti-nguée lui facilitait l’accès des 
perfonnes de confîderation dans la 
province , & l’acquifition de leur 
amitié 5 èc Dieu aiant permis qu’il 
rétablit la fanté de plufieurs d’en- 
tre elles qui s’étaient mifes entre 
Tes mains , attaquées, de maladies 
très-dangereufes ; engagé d’ailleurs 
a y relier par les bons traitemens 
qu il recevoir , &; par les prières 
dedçs allies, èc par les raifons de 
fanté dont nous venons de rendre 
compte 5 il préfera la bienveillance 
des perfonnes les plus qualifiées de 
la Principauté de Minden , èc la 



lij M e’ m@ir.es, 
douceur que procure une bonne 
fanté 5 à la jaloufie', & à la fatigue 
qui ne pouvoient le fuir à Jene. Je 
me fouviens dè lui avoir fou vent 
entendu dire qu’il en étoit parti 
dans une très-mauvaife fituation , 
èc qu’il n’a commencé à bien con- 
noitre les avantages des voyages, 
& d’une vie plus active , qu après 
s’être arraché à la vie fédentaire; 
Aüili depuis ce tems jufqu’à'celui 
de la vieillelle, il a toujours évité 
de s’aiïèoir autant qu’il lui a été 
poffible. Quand il réflechiiïoit, c’é- 
toiten fe promenant, & e’étoit en 
fe promenant qu’il dictoit ee qu’il 
vouloir mettre par écrit. Gar il 
avoit toujours auprès de lui plu- 
Jieurs perfonnes à qui il diéfcoit de 
vive voix , ou fefoit tranfenré ce 
qu’il avoir relu , & corrigé. En 
luivant ce régime , il fefoit' deux 
biens à la fois ; car il s’en fefoit à 
foi-même, en confervant fa fanté j 
aux autres 3 qui, étant fans celle 


Mémoires. liij 
auprès de lui , acquéraient , fans 
s’en appercevoir, une quantité de 
connoiffances très-utiles , & né- 
ceflaires à ceux qui veulent fe dé¬ 
vouer à l’exercice de la Medecine. 

M. Hoffmann paffa gracieufè- 
ment deux années à Minden, fans 
fonger à ^quitter. cette ville. Il fut 
alors tenté, de voiager dans les Pais 
Etrangers. Ce fut par la Hollande 
qu’il commença. Il n’y a pas dans 
les Provinces-Unies de ville conff- 
derable, 6c fondante , qu’il n’ait 
vue j ni dans chaque: ville perforine 
qui ait eu quelque réputation qu’il 
n’ait vifité. Il fut fur tout parfaite¬ 
ment bien reçu de M. Paul Her¬ 
mann , Botanifte très-célebre , & 
Profeffeur à Leyden, qui, étant né 
à Hall, fe ht un plaiffr non-feule¬ 
ment de loger chez lui fan conci- 
toien, mais de lui rendre tous les 
ferviees dont il étoit capable. Aiant 
parcouru toute la Hollande , il 
s’embarqua pour l’Angleterre, au 



liv Mémoires. 
mois de Juillet , & paffa quelques 
mois, tant à Londres qu a Oxfort■ 
à examiner avec attention tout ce 
qui fc préfentoit de. curieux v & 
d’utile en matière de Phyfique 
d’Anatomie , de Chimie , ou de 
Méchanique , & il tira de grands 
avantages des: ^converfations fré¬ 
quentes qu’il eut avec les per- 
formages les plus diflingués dans 
ces Sciences. Il ëtoit furtôut en re¬ 
lation très-étroite avec Püluffre 
Robert Boyle, qui fefoit adez con¬ 
centre l’eftime qu’il avoit pour 
M. Hoffmann par les longues con¬ 
férences for les matières de Chi¬ 
mie , & de Phyfique aufquelles il 
l’engageoit très-fou vent de lui mê¬ 
me. Il lia auffi particulièrement 
connoiffmce avec Meilleurs Slarc, 
Greilêc plufîeurs autres Mé¬ 
decins du premier ordre. Il partit 
enfin vers le mois de Novembre , 
& , .fort content de fon voiage, re¬ 
vint à Mi nden,oii il reprit fes exer- 


M E’M O I K E S. ' Iv 
cices de pratique médicinale. 

La place de Médecin de là Gar- 
nifon de cette Ville étant devenue 
vacante en l’année 1685 , M. de 
Zieten, Officier de confidération, 
qui en étoit Commandant, la lui 
fit donner , & outre une penfion 
honnête qui y étoit attachée, M. 
Hoffmann eut l’agrément de fe 
faire des. amis, tant du Comman¬ 
dant , que des Capitaines , &: au¬ 
tres Officiers , qui lui donnèrent 
des marques de leur eftime dans 
toutes les occàfions qui le présen¬ 
tèrent. La fortune ne fe contenta 
pas de ces premières faveurs ; elle 
les augmenta à mefure qu’il tra- 
vailloit à perfectionner fes cormoif- 
fances. En effet le Prince Frederic- 
Guillaume, Eleéteur de Brande¬ 
bourg , de glorieuffe mémoire, le 
nomma en 1686, Phyficien Pro¬ 
vincial de la Principauté de Min- 
den , & joignit à cette dignité le 
titre honorable de Médecin Aulff 
e iiij 


îvj Mémoires. 
que. Les perfonnes les plus di£ 
tinguées de cette Province , & du 
Comté de Ravenfperg lui firent des 
pendons pour fe l’attacher pins par¬ 
ticulièrement , & à leurs familles. 
Et comme r il n’épargnoit ni f es 
avis , ni fes confeils, ni fes foins, 
pour fe rendre utile, & conferver 
îafànte , & la vie de tous ceux à 
qui il vouloir du bien, ( & à qui 
n’en vouloit-il pas ? ; fans exiger' 
jamais un denier de ceux qui l’a- 
voient emploie , il s’efl également 
acquis la réputation d’homme ha¬ 
bile dans fa Profeffion, èc définte- 
reffe j fans que fa fortuneen fouf- 
fnt. Audi s’eft-il fî bien trouvé' de 
cette maniéré d’agir, & de penfer, 
qu’il ne s’en eft jamais départi. 
Tout rëuffifïbit à fouhaits à M. 
Hoffmann dans la Principauté de 
Minden. Mais d’autres avantages 
l’attendoient encore. Sur la fin de 
la même année les Etats de la 
Principauté d’Halberftad lui firent 


Me’moikes. lvîj 
Phonneur de l’appeller pour rem¬ 
plir la place de Médecin de cette 
Province, vacante par la mort du 
Titulaire. Le parti qu’on lui fefoit 
étoit avantageux ; car,outre les ap- 
pointemens honnêtes attachés à 
cette place , plusieurs des perfon- 
nés les plus qualifiées, tant de la 
-Ville que de la Province , lui fe- 
foient des penlions. Audi ne fît-il 
aucune difficulté d’accepter leurs 
offres. Mais il demanda quelque 
tems avant de Te rendre à Halber- 
-ftad, & profita delà complaifànce 
que les États eurent de le lui ac¬ 
corder , pour faire un nouveau 
voiage dans le Brabant, & la Hol¬ 
lande , dans la Compagnie de 
M. de Unverfaerth, fon allié. De 
retour au commencement du Prin- 
tems de l’année ié§8 , il fe rendit 
à Haiberftad , où il fut accueilli 
par tout le monde de la maniéré 
la plus fiatteufe. Il y fit fouvent 
preuve de fà capacité en préfence 


Iviij Mémoires. 
de pcrfonnes de toutes conditions, 
de s’y fit fi univerfellement aimer 
que-tout le monde fut obligé d’a¬ 
vouer qu’il n’étoit point inferieur 
à l’idée qu’on s’étoit formée de lui. 
li en donna une autre dans le mê¬ 
me tems qui ne fe borna point aux 
limites de la Principauté d’Halber- " 
ftad. Je parle de fon Traiiéfur l'w- 
fujjtfance de l'acide , dr du ‘vifqueux, 
pour rendre rai fon de toutes les ma¬ 
ladies , qu’il fit imprimer alors. Il y 
réfute avec tant de folidité le fyf- 
tême de Corneille BonteKoé, Pre¬ 
mier Médecin de Brandebourg, de 
Profefleur de Medecine dans l’Uni- 
verfité de Francfort, fur les caufes 
des maladies, de la maniéré de les 
guérir, & le renverfe fi puifïàm- 
ment par une infinité de preuves 
tirees tant d’une théorie que d’une 
pratique raifonnée, que , malgré 
1 attrait victorieux de la nouveau¬ 
té, il tomba dans un diferédit par¬ 
fait de fut abandonné prefque de 


Me'mo ire s. Iix 
tout le monde. Je ne marrêterai 
point à donner à cet Ouvrage les' 
éloges qu’il mérite. 11 me- fnffit de 
remarquer que les Sa vans, ■& judi¬ 
cieux Auteurs du Journal des Sa- 
vans deLeipficK en ont parlé d’une 
maniéré convenable au mois de 
Juillet de l’année 1689. 

Il paroifloit alors à Hornburg, 
dans la Principauté d’Halberftad, 
une fource abondante d’eaux mé¬ 
dicinales, dans un endroit où quel¬ 
ques perfonnes fe fouvenoient d’en 
avoir vû fourdre une pareille ; qui 
s’étoit enfuite perdue. M. Hoff¬ 
mann ne négligea'rien pour en dé¬ 
couvrir les propriétés , la natu¬ 
re , & les vertus, & en rendre l’u- 
làge fàlutaire à une infinité de ma¬ 
lades , qui s’y étoient raflèmblés en 
tres-peu detems ; à quoi fesfoins* 
èc fos confèils ne contribuèrent pas: 
peu. Le principal avantage qu’il 
retira de ce travail, fut d’augmen¬ 
ter eonflüërablement fon habileté 


îx M E* M O I I E $. 
dans l’art de guérir, à force de voir 
des malades , de remonter à la 
fource de leurs maux , de remar¬ 
quer , & de mettre fur je papier 
l’effet des remedes, & le fiiccès de 
fes traitemens , enfin de fe faire- 
connôître de plus en plus, & de 
fe rendre recommandable à beau¬ 
coup de perfonnes, qui trouvèrent 
dans la fagefle de fes confeils des, 
reflources qu’ils a voient inutile¬ 
ment cherchées ailleurs. On voit 
encore un petit Traité fur ces eaux 
que notre M, Hoffmann fît impri¬ 
mer dans ce tems en Langue vul¬ 
gaire. 

Il fongea aufïî pour lors à fe ma¬ 
rier , èc entama cette négociation 
fous des aufpices fî heureux, qu’il 
n’y a peut-être aucun événement 
de fa vie , qui prouve mieux les 
bontés de la Providence pour lui, 
&c combien fon falut lui efi cher SC 
précieux , que le bonheur qui fui- 
vit cette alliance. Conduit par les 


Me’moires. Ixj 
lumières infaillibles d’une Divi¬ 
nité bienfefante , il s’attacha vers 
la fin de l’année' 1689. à Jeanne- 
Dorothée Herftelle , fille auflî ai¬ 
mable pour l’extcrieur , qu’ornée 
d’une pieté folide, d’une rare pru¬ 
dence , relevée de l’attrait de la 
douceur. Elle étoit fille unique 
d’André Herftelle, pcrfonnage d’u¬ 
ne probité au-deftus du fôupçon , 
lavant, & extrêmement habile dans 
la Pharmacie , & devenu à ce titre 
Pharmacien de Claufthal , & de 
Zellerfelden. Avec ces heurèufes 
difpofitions, on né s’étonnera pas 
que cette femme ait été un mo¬ 
dèle des vertus conjugales, tk. de 
tendrefte pour fon mari, pendant 
quarante - huit ans qu’il a plu à 
Dieu dé la lui confier ver. Car il l’a 
rappèllée à lui en 1737. Mais nous 
aurons dans la fiuite occâfton de 
parier plus au long de cet événe¬ 
ment. 

~ Ce fut à peu près dans ce tems 


ixij :M e’m oires - 
qu’on réalifa le projet formé beau, 
coup plutôt d’établir une Univer- 
£té dans la ville de Hall 5 & le feu! 
embarras qui roftat, étoit de trou¬ 
ver , & défaire venir dans cette 
-Ville des pcrfonncs célébrés en,tous 
genres ,& en état de répondre aux 
defleins, & aux efpéranccs de l’au- 
gufte Fondateur de cette IJniver- 
iité. Il y a voit : dé j a quelques per- 
formes d’un mérite diftingué , & 
dont k. réputation bien établie , 
foit en fait des fciences relevées, 
ou des Belles-Lettres/, mettoicnt 
en crédit ce nouveau Parnafie, 
•Déjà les amateurs des Sciences s’y 
rendoient non; par troupes, mais 
par bataillons ,, & ce nombre d’E- 
îudians renfermoit plufienrs jeunes 
gens fortis des familles les plusdif- 
îingiiées i ;& comme la vigueur du 
germe annonce l’excellence, & la 
grandeur future de l’arbre , &: le 
bon état des premiers fruits , l’a¬ 
bondance de la moüTon^ ces pre- 




M E’.M O I R E S. Ixîij 
miers commencemens nous répon- 
doient dePétat brillant,■ oùeftac¬ 
tuellement cette Uni verfité. Ce'fut 
dans ces circonftances que Frédé¬ 
ric I. Roi de Prufle, èc Electeur 
de Brandebourg, fit à M. Frédéric 
Hoffmann l’honneur de le nom¬ 
mer Premier Profcffeur de Méde¬ 
cine , ôc d’Hiftoire naturelle. Il 
entra en poffeffion de fa Chaire au 
mois de Mars de la même année, 
&-fît l’ouverture de fa glorieufe 
carrière par unDifcours, dont le 
but eft de prouver Pexiftence de 
Dieu contre les Athées , par Part 
admirable emploie dans la conf- 
truction du corps humain. M. 
Hoffmann le fit imprimer peu de 
tems après , & le dédia au très- 
ilîuftre Daniel Ludoîphe de Danc- 
Kelmann, Provifeur, & Direéteur 
de 1 Uni verfité. Ce Difcours a fait 
tant de plaifir aux Sa vans , qu’ib 
y a déjà long- tems que plufieurs 
d entre eux ont mis fans balancer 


îxiv Me’ moires, 

M. Hoffmann au nombre des Mé¬ 
decins Théologiens , & lui ont 
donné un des premiers rangs en¬ 
tre ceux qui ont écrit avec fuccès 
contre l’Atheïfme. 

Le principal objet qui fixa l’at¬ 
tention de A 4 . Hoffmann dès qu’il 
fut en place , fut d’examiner foi- 
gneufement tout ce qui pou voit 
avoir rapport à l’exercice de fes 
fondions. C’eft pourquoi il rédi¬ 
gea les ftatuts de la Faculté de Mé¬ 
decine , qu’il fit revêtir de l’auto¬ 
rité de l’augujfe Fondateur de l’U- 
niverfité. Ce fut auffi lui qui in¬ 
venta le Sceau dont la même Fa¬ 
culté fe fert encore aujourd’hui. 
Puis il fongea à fe donner un Col¬ 
lègue , & comme le célébré Geor¬ 
ge Erneft Stahl, qui étoit alors Mé¬ 
decin du Prince de Saxe-Weimar, 
avoit renouvellé par lettres l’an¬ 
cienne liaifon qu’il y avoit eu au¬ 
trefois à Jene entre M. Hoffmann, 
dc lui , êc lui avoit fait connoître 
qu’il 


Me’moiies. Ixv 
qu’il obtiendrait avec grand plaifîr 
une Chaire dans la nouvelle Uni- 
verfité, M. Hoffmann en parla au 
Roi d’une maniéré très-avantageu- 
fe > & on ne lui refufa pas la fa- 
tisfadion d’avoir pour Collègue 
une perfonne à laquelle il s’intereff 
foie, h fort. 

Les attentions de M. Hoffmann 
pour l’avantage de la Faculté de 
Médecine ne le divertirent point 
de ce qu’il devoit à fes Ecoliers. 
Pour les mettre plus .parfaitement 
au fait de toutes les parties de la 
Medecine, il ne fe borna point aux 
Leçons publiques ; il leur en fît de 
particulières chez lui. La première 
connoiflance qu’il demàndoit, tant 
pour pratiquer , que pour enfei- 
gnerla Medecine-pétoit diavpir ap¬ 
pris par l’infpedion des fu jets:la 
ftrudure de toutes les parties du 
corps qu’elle fe propofe de guérir ; 
pour fe mettre au fait des eau fes 

qui préfidenc aux adions^ou fone- 

Tome III. £ 



Ixvj M e-m o i r é é. 
rions des corps vivans , il. vouloir 
qu’on acquit la connoifïance des 
loix étemelles des mou vèmens,: 8c 
des forces naturelles des chofes qui 
agiffent nécelîairement fur nous , 
comme l’air , les eaux, lesalimens, 
&C les médicamens, voulant toute¬ 
fois qu’elles fuflènt prouvées , <k, 
connues par des expériences de 
Miyrique:, de. Chimie, & de Me- 
decine-Pratique. Et s’étant trouvé 
chargé d’enfeigner l’Anatomie en 
même-tems que la Medecine-Pra- 
tiqué , il eut de fréquentes occa¬ 
sions de faire: connoître combien 
elle eftavantageufe aux Praticiens • 
auffi n’a t’il jamais quitté ces par¬ 
ties de la Medecine, 8 c les a - t’il 
toujours enfeignées an grandavan- 
ragede l’Univerlité. Car il y avoir 
long-teins qu’il, avoit renoncé à. 
cette efpéce de" dogmes qui n’ont 
d’autre appui que l’autorité des 
Anciens, ou de pures fuppolîtions, 
q«i demandent pour en faire fértiif 


M E* M Ô ï II É S. Ixvîj 
ces dogmes , une fuite embaraf- 
fânte de raifonnemens enveloppés y 
& beaucoup de babil. ! 

Et comme les choies qui don¬ 
nent la fanté, & la vie, font auflî 
bien fu jettes à des loix certaines ? 
de néceflaires, que celles qui pro~ 
duifent les maladies , ou les gué- 
rident, comme font les chofes ex¬ 
térieures , qu’on appelle non natu¬ 
relle dans les Ecoles 5 M. HoîE 
mann n a jamais pu goûter la ma¬ 
niéré de penfer de ceux , qui, fans 
avoir aucun égard à ces caufes 
ou ne fefant que les effleurer y fé 
font imaginés qu’il faut avoir en 
Médecine principalement atten¬ 
tion à un principe vital qui penfe f 
& a de l’intelligence y 8 c dont la 
lagefïe , ou les fautes produifent 
tous les changemens qu’on remar¬ 
que dans le corps. Il avoit au con¬ 
traire foin de répéter fou vent y 8 c 
très-férieuiement , que : fl l’action 
de famé fur le corps eft puiiiante ? 


ixviij Me’moires. 

& icnfible, c’eflt plutôt pour le dé¬ 
ranger, &. l’expolër à diverfes ma¬ 
ladies , que pour le rétablir. Et en. 
effet c’eft ce que les paffions met¬ 
tent en évidence. Cependant quel¬ 
que bien , ou quelque mal qu’il ar¬ 
rive au corps à l’occafion des mou- 
vemens de l’ame, il ne vient que 
de l'alteration du corps même, ôc 
tout le pouvoir du Médecin fe bor¬ 
ne à opérer fur le corps , en çon : 
duifant , modérant , ou calmant 
entièrement les mouvemens qui 
s’y excitent. M. Hoffmann avoit 
furtout en recommandation cette 
partie de la Médecine , qui expli¬ 
que la nature de l’air, des vents, 
des pais, des eaux, des alimens, & 
des differentes, maniérés de vivre, 
& qui fait connoître combien ils 
oqt de force.pour entretenir la fau¬ 
té , & détourner les attaques des 
maladies * & comment leur mau- 
vaife difpofition, ou leur mauvais 
produit cet état de défprdre 


Me’mo I R ES. lxix 
du corps , cette fcience enfin qui 
déduit de ces mêmes connoiflàn- 
çes les moïens de recouvrer, 8c de 
çonferver la fanté. 

Il étoit intimement perfuadé, 8c 
il tâchoit de perfuader à fes Audi¬ 
teurs , qu’il ne falloir s’attendre à 
un effet certain , 8c déterminé de 
quelque médicament que ce foit 9 
comme étant doué d’une propriété 
invariable , 8c abfoluë, mais que 
ces effets dépendent de la difpofi- 
tion des fujets qui en font ufage * 
lefqueis obéïfïànt, réfïftant au re- 
mede , ou réagiflànt contre lui y 
reçoivent une impreffion convena¬ 
ble à l’état, ou au rétablifîèment du 
malade. Il appelloit cette efpece de 
çonnoiflànce dans le Médecin rai- 
fon , ou, pour mieux dire, juge¬ 
ment, & la regardoit comme la di¬ 
rectrice de toute la Medecine j 8c 
avec raifon 5 puifque c’eft par elle 
qu’on découvre les caufes de tout 
ce qu’on voit 3 ou qu’on a vû ar-, 


Ixx M e’ moir.es 
river, où dont les autres ont con- 
fervé le fou venir , qu'on con¬ 
çoit aifément pourquoi certain re- 
mede, ou ..pour parler plus généra- • 
lement, certain fecours déterminé, 
a produit des effets admirables dans 
certains cas , & de très-mauvais j 
ou même point du tout , dans 
d’antres. 

Il inculquoit aux malades, ou à 
ceux qui commençoient à le deve¬ 
nir , qu’ils étoient la première catifd 
de toutes les maladies ,, ou du moins 
de leur plus grande partie j & par 
conféquent qu’ils étoient prefque 
les martres de parvenir à un âge 
avancé au milieu dés douceurs d’u¬ 
ne fanté confiante , ou de s’expo^ 
fer fans celle aux maladies, 6 c en¬ 
fin de hâter leur propre fin , en 
fêlant des fautes continuelles con¬ 
tre le régime * 6 c ceft par de fem- 
blabîes avis, 6 c très-peu dé remè¬ 
des, & de remedes choifis , qu’il a 
réuffi à remettre 3 du moins dans 


Me’moi&ei Ixxp 
im meilleur état, des perfcnnes 
épuifées , & qui s’épuifoient dé 
plus en plus par lufage continuel 
des remedes j & cette voie, quand 
ils ont voulu être dociles r leur a 
été infiniment plus, avantageufé 
que l’uiàge fans fin d’un fatras de 
diiFerens médicamens ne lenravoit 
été précédemment, 

: Il etlaifé de concevoir que rien 
n’étoit plus propre à faire promp¬ 
tement fortir de l’enfance là naif- 
fante Univerfité de Hall, que de 
choifir pou r enfeigaer la Phylique 
une perfonne qui rappelloit au rai- 
fondement la Médecine comme 
tout le relie de la nature. Car la 
Phyfique , cette fcience fi propre 
à procurer au genre humain une 
infinité d’avantages n’étoit point 
dans la bouche de M. Hoffmann 
ü n pompeux verbiage > ou une 
froide répétition des rêveries des 
tems paflés -, mais fes principes 
étoient établis fur des expériences 


îxxij Mémoires, 
également claires & agréables, Sc 
qui fefoient, pour ainfi dire, tom¬ 
ber la vérité lous les fens. L’éclat 
de cette Ecole juftifie parfaitement 
ce que nous difons à, l’avantage du 
maître. On comptait parmi ceux 
qui venoient y prendre des leçons, 
dix Comtes des Familles les plus 
diftinguées, fix Barons /une' gran¬ 
de quantité de Gentilshommes , 
êc un nombre confiderable d’Etu- 
dians de famille honnête. Je n’ai 
point jugé à propos de palier fous 
îllence l’ardeur étonnante qu’on 
témoigna pour s’inftruire dans une 
Univerlité qui ne fefoit que de 
naître, Sc dont l’établiUement n’é- 
toit point encore revêtu de toutes 
les formalités , parce que ce con¬ 
cours prodigieux eft un prélâgc 
heureux de la gloire future de cette 
Univerlité, 8 c une preuve démonl- 
trative de la confiance que s’étoit 
attirée le maître qui y enfeignoit. 
Car aiant traitéenfeize confèrent 


Mémoires, lxxüj 
ces cette partie de la Philofophie , 
les efforts continuels que l’envie 
fefoit faire à plusieurs perfonnes 
pour diminuer la réputation que 
s’acqueroit Mc- Hoffmann, n’em- 
pêcherent point qu’il n’eut tou¬ 
jours un auditoire des plus nom¬ 
breux , & dès plus diftingués , & 
même qu’il ne s’y trouvât des per¬ 
fonnes déjà revêtues de Chargés 
publiques , & honorables, dont 
l’affiduité fefoit allez connoître 
combien ils fefoient de cas de 
cette maniéré folide d’enfeigner , 
& fervoit de réponfe r cCréponfe 
fans réplique, aux diféours affec¬ 
tés que l'envie fuggeroit aux en¬ 
nemis de M. Hoffmann. 

: Le Séréniffime Electeur Frédé¬ 
ric III. aiant fait la dédicace de 
l’Univerfité le premier jour de Juil¬ 
let , & voulu .quelle portât fon 
nom , le lendemain en fa préfence, 
celle de la Cour , de l’Univerfité , 
&c des perfonnes les plus diftin- 

Towellh g 


Ixxiv Al e’/m o i e s. 
guées delà Ville, M. Hoffmann 
donna le Bonnet de Do&cur en 
Médecine à dix Candidats. Cette 
folcmnité étant finie , & l’Eîec- 
tear ne pouvant demeurer plus 
long-tems à Hall, ordonna avant 
de partir aux Chefs de l’Univerfité 
de délibérer entre eux fur ce auon 
pourrait faire pour fon avantage j 
& de lui en préfenter Je mémoire 
pour le revêtir de 1’autorité fouve- 
raine. On n’eut garde de fe refu¬ 
ser à une obéïfïànce auffi datteufe, 
& M. Hoffmann fut député avec 
Samuel Stryck , Jurifconfulte cè~ 
lebre, & Concilier intime de l'E¬ 
lecteur pour fe rendre à la Cour, 
oc rendre compte de leurs délibé¬ 
rations a leur refpectable, &; gé¬ 
néreux Fondateur. Ces Députés 
s acquittèrent fi heureufement de 
leur négociation qn’au grand 
avantage de cette Compagnie, èc 
à leur grande gloire , ils obtinrent 
pouf RUniverfité. les privilèges les 
plus diflingués. , . 


Me’MOT R ES. IxxV 
Âa commencement de la troi¬ 
sième année , depuis l’établifïè- 
ment juridique de l’Univerfité', le 
Rectorat , que M. Stryck laiffeit 
vacant , fut dévolu à M. Hoff¬ 
mann 5 &. Pon peut dire avec vé¬ 
rité qu’il n’y a peut-être perfonne 
de ceux qui ont travaillé à fe ren¬ 
dre utiles pour toujours à cette 
Compagnie, qui tait fait avec plus 
de fuccès qu’il le fit pendant la pre¬ 
mière année qu’il remplit la" di¬ 
gnité de Recteur. En effet, c’eft 
par fes foins que les perfonnés dif- 
tinguées qui font à la tête du Du¬ 
ché de Magdebourg -, ont fondé 
vingt-quatre places pour un pareil 
nombre d’Etadians , qui y trou¬ 
vent de quoi fe foutenir honora¬ 
blement , à quoi fuffit la fomme de 
mille écus qu’ils ont affectée à cette 
utile fondation. Le fuccès qu’eut 
M. Hoffmann dans cette négocia¬ 
tion , l’engagea à faire de: pareilles 
tentatives auprèsde differentes Pro- 

giî 


Ixxvj M e’MOÏ RES, 
vinces qui compofent I’EIeétorat 
de Brandebourg ; & Tés démarches 
auprès des Etats de la Principauté 
d’Halberitad , ne furent point in- 
fruchueufcs. Car les amis qu’il se- 
toit faits dans cette illuftre Compa¬ 
gnie , foit par fes compîaifances , 
foit parle bonheur qu’il avoit eu 
de les guérir heureufemént , & 
promptement, lui accordèrent ai- 
lément la grâce qu’il leur deman- 
doit d’afiigner un fond à perpé¬ 
tuité fur les revenus des Etats , 
pour l’entretien de douze Etu- 
dians. Ils lui accordèrent donc une 
fomme de. cinq cens écus , fuffi- 
fante , comme on l’a remarqué 
plus haut, pour leur fournir une 
fubiiftance honorable. Mais l’Ou¬ 
vrage auroit paru imparfait à M. 
Hoffmann, s’il n’a voit pris les pré¬ 
cautions néceffaires pour que ces 
établilTemens tournaient, autant 
qu’il étoit poffible , au profit de 


Mémoires. lxxvij 
qui ils étoient faits. Il affujettit 
donc à de fages réglemens , non- 
feulement fes Elevés, mais ceux 
qui ne dépendoient que d’eux- 
mêmes dans lUniverfifé , les 
rendit publics, après qu’ils eurent 
été munis de l’autorité des illuftres 
Protecteurs , & Mécènes de cette 
Jeunefle ftudieufe 5 & comme ils 
dui firent l’honneur de lui donner 
l’infpection fur ces jeunes Etu- 
dians , & de le charger de tenir 
la main à leur execution , c’eft un 
des devoirs que M. Hoffmann 
remplit ayec le plus d’exactitude. 

Une des plus interefïàntes opé¬ 
rations de Ion Rectorat , fut de 
folliciter auprès du Séréniffime 
Electeur , qui lui accorda cette 
grâce, un fond de cinq cens écus, 
à prendre fur les revenus du Mo- 
naflere d’Hillerfeben , fitué fur 
le bord Septentrional du Duché 
de Magdebourg , entre la nouvelle 
Ville d’Haldenfleben, ôc Volmir- 


Ixxviij Mémoires. 
ftad , pour l’établiflèment d’une 
Chaire d’Eloquence. Lldée de M. 
Hoffmann éroit qu’on fit choix de 
jeunes,gens qui enflent de fefprit, 
& d’heureufes dirpofitions , à qui 
l’on donneroit chaque année une 
femme de quatre cens écus , afin 
qu excités par cette penfion ils s’ap¬ 
pliquaient avec plus de foin à l’é¬ 
tude des Belles-Lettres, & devint 
lent par la fuite des fu jets capables 
de remplir les Chaires qui vien- 
droient à vaquer. On nomma à 
cette Chaire > avec le refpecfabîe 
Théologien Joachim-Jufte Brei- 
thaupt , Prévôt du Monaftere 
dHillerfeben , & le plus ancien 
ITofçflèur de l’Ecriture-Sainte, un 
homme dont la réputation s’eft 
répandue dans tout le monde, je 
veux, dire, Chriftophe Cellarius > 
Profefleur public d’Eloquence , 
d’Antiquité , & d’Hiftoire , à 
qui 1 on affigna pour ce travail cent 
éçus d’appointement. 


Mx’lM G IX E S. lxxix 

Outre ce brillant Rectorat, M. 
Hoffmann remplit encore trois 
fois la même place qui lui fut dé' 
yolnë à tour de rôle , ôc fou tint 
chaque fois la. réputation d’inte- 
grité, que le premier lui âvoit ac- 
quife. Ce fut dans les années 1705, 
1718 , ce 1728. On peut même 
dire qu’il fut encore Rccbeiir J an¬ 
née 172 9 , pendant laquelle le cé¬ 
lébré J u rifconfulte? * Nicolas- Jero¬ 
me Gn ndli ngius , qui remplifloit 
cette place , fut attaqué pendant 
Æziong-tems df une. maladie très- 
grave.^ dont il mourût-avant la fin 
du premier femefire. - M. Hoff¬ 
mann fut donc obligé de le foula- 
ger dans fes fonctions , & de con¬ 
tinuer julqu a la fin de l’année. 

Il eff, je crois , palpable, après 
ce que nous venons de dire des 
fervices que M. Hoffmann a ren¬ 
dus à l’U ni ver fité de Hall, quelle 
a tout lieu de fe louer de lui. Mais 
een’eft pas dans fon feimfeulement 
g 


Ixxx M e’ moi r e s. 
qu’il s’eft fait un capital d’en fou-‘ 
tenir l’honneur ; il n’a rien négligé 
pour le faire également quand il a 
été obligé de le faire au dehors. 
G’eft ce qui lui eft arrivé non-feu¬ 
lement iorfqu il fut député pour 
folliciter l’obtention, & l’augmen¬ 
tation des privilèges de l Univer- 
fiféf, coinmé nous l’avons dit en 
fon .terris > mais lorfqu’ü fut en¬ 
voie une; féconde fois à Berlin 5 
pour affilier en la même qualité aux 
magnifiques obfeques qui fe firent 
pour la Reine en 170 5, & lorfqu’ii 
ilît envoie à Francfort fur l’Oder, 
pour faire fon compliment à l’U¬ 
ni verfité qui célebroit la même an¬ 
née fes Fêtes féculaires. 

La réputation de M. Hoffmann * 
en qualité de Profefienr , n’eut pas 
befpin d’uri nombre d’années pour 
s étaplir. On peut; joindre des preu- 
ves non fufpectes a celle que nous 
avons tirée plus haut de la multi- 
& de la daftinction de fes 


Me’moir é s. Ixxxj 
Ecoliers. Car l’illuflrePrefidentde 
l’Académie des Curieux de la Na¬ 
ture , le célébré Lucas SchræKius, 
l’excita de fou propre mouvement 
à entrer dans fa Compagnie, & fit 
voir par le furnom de Démocrite 
qu’il lui donna , le cas qu’il fefoit 
de fa dextérité dans les recherches 
anatomiques , phyfiques , & chi¬ 
miques. L’illuftre Leibnitz le mit 
auffi.à la tête de ceux qui dévoient 
compofer la Société Roiale des 
Sciences , qui fut établie à- Berlin. 
au commencement de ce fiéçle. Ce 
grand homme l’excita à compofer 
des Obfervations barometrico-me- 
teorologiques, qui nefe bornaflènt 
pas à des remarques, féches & fleri- 
les fur les variations de l’air, mais 
qui eufTent leur application à l*u- 
fage de la fan té, ô£ compofées de 
maniéré qu’on en pût déduire les 
eaufès des conftkutions épidémi¬ 
ques. Il y a dans les Ouvrages de 
M. Hoffmann un échantillon de 


Ixxxij M E 5 M O I R E S. 
fon travail, qui comprend toute 
l’année 17,00 , & qui eft précédé 
de cnrieufes méditations phyuques 
fur les caiifes des vents , leurs for¬ 
ces, & leurs opérations , tant fur 
les corps des hommes, que fur les 
baromètres. En 1719. il fut reçu 
dans la Société Roiale de Londres, 
à qui il dédia par la fuite fes Obr 
férvations Phyfico - Chymiquesi 
M. BlumenftroiL, Premier Mede-, 
dn de la Czarine , fidele, & vrai 
difciple de M. Hoffmann , le fit 
A gg re g er à laSocieté Impériale des 
Sciences de Peterfbourg , cette 
Société aiant été renouvellée en 
*73 5 î fous la protection du très- 
illuftre Miniftre, & Chambellan , 
M. de KorfF, on lui envoia le pre¬ 
mier Juin fes Lettres d’Académi¬ 
cien Honoraire, en qualité de Me* 
deçin Phyficien , en même-tems 
qu on reçut en la, même qualité le 
célébré Médecin Anglois M. Sloa-, 
ne, dans la même Compagnie. 


Me’moikes. Ixxxiij 
Si je voulais faire ie dépouille¬ 
ment des Regiftres Journaux de 
H. Hoffmann , je ferois en état de 
fournir une lifte des plus amples des 
Malades qui ont honoré ee grand 
homme de leur confiance. Mais 
comme ce détail ne pourrait man¬ 
quer d’être ennuieux aux Le&eurs , 
je me contenterai de parler des plus 
diftingués. L’Eminentiilime Elec¬ 
teur de Mayence Lothaire Fran¬ 
çois eft un des premiers qui l’ait 
appelle auprès de fa perfbnne pour 
lui confier Ùl fanté. Il fe rendit à 
la Cour de ce Prince fi refpeéfable 
par les vertus en l’année 1701, où 
l’Electeur ie retint pendant quel¬ 
ques tems , pour lui donner celui 
d’examiner avec attention fa ma¬ 
niéré de vivre -, les-forces de fou 
corps , & fes difpofidons naturel¬ 
les , efperant avec raifon que ces 
connoifïances le conduiroieht plus 
furement à celle des fecoursque de- 
mandoit fon état préfent. Et ce 


lxxxiv Me’ moires. 
n’eft point la feule occafion, ou cet 
Electeur a fait voir combien il avoit 
de confiance aux lumières , & à 
l’habileté de M. Hoffmann. Il 
n’en a depuis IaiiTé échapper au¬ 
cune fans lui en donner des mar¬ 
ques autentiques. Car non-feule¬ 
ment il lui a fait fou vent l’honneur 
de lui écrire au fujet de fa fânté, 
mais il lui fefoit celui de le conful- 
ter fur les plus difficiles affaires con- 
tentieufes qui a voient relation avec 
.la Medeeine. Dans le voiage qu’il 
fit à Mayence, les Landgraves de 
Helîe-Cafièl, Sc de Hefle-Darm- 
ftad , lui firent auffi f honneur de 
l’appeller auprès de leurs perfon- 
nes, pour le confulter fur l’état de 
leurs fautes , & depuis ce tems il a 
reçu nombre de lettres de la part du 
premier de ces Princes, foit pour 
rengager à fe tranfporter à fa Cour, 
pour fe mettre fous fa conduite , 
ou fimplement pour avoir fon avis. 

Environ dans le même terns 


M E’ M O I K E S. lxXXV 
la très -puiflante Princefîè Marie 
Ameîié lœurde Frédéric I. Roi de 
Prude , mariée au Prince Maurice 
Guillaume Duc de Saxe-Zeits 5 le 
fit venir à Zeits. Cette Princeffë fut 
fi contente de lui, qu’elle lui fit 
fou vent depuis le même honneur, 
èc qu’il a toujours reçu à cette 
Cour 1 accueil le plus flatteur, & le 
plus honorable. 

La réputation de M. Hoffmann 
étoitfi bien établie , que plusieurs 
Princes du premier rang ne négli¬ 
gèrent rien pour l’attacher à leur” 
pais, & lui firent les propofitions 
les plus avantageufes. Le Célébré 
Meibomius aiant laiffé une place 
-vacante par fa mort dans rUniver- 
fitéde Heîmftad, ceux à qui il ap- 
partenoit de la remplir, firent tous 
leurs efforts pour la lui faire accep¬ 
ter. La Cour de WolfFembittei fit 
aufii de fon mieux pour l’engager à 
accepter celle de premier Médecin 
vacante par la mort de M. Behren- 


îxxxvj Mémoires, 
iîUS.C’cft furtout la Cour de Belle- 
Çaüel qui emploia tous fes efforts 
pour lui faire remplir la même 
place. Mais l’amour de la patrie 
remporta fur l’éclat de ces hon¬ 
neurs , & engagea M. Hoffmann 
à remercier ceux qui votiloient les 
lui conférer. D’ailleurs il trouvoit 
que la Cour étoit unefcîavage éga- 
lement incommode, & dangereux. 
Et de fait il y a beaucoup plus d’a¬ 
grément pour un Médecin de répu¬ 
tation d’être appellé auprès des 
Grands , & de s’eh retourner lorf- 
qu’il a rempli Ion miniffere, que 
d’être obligé, en s’attachant à eux > 
d’être toujours en guerre avec des 
empiriques de toute efpece, èc d'ê¬ 
tre continuellement en garde con¬ 
tre l’envie ,1a calomnie, & le faite 
des Courtiians, & d’avoir fou vent 
de la peine à allier la pratique de la 
vertu avec le tumulte de la Cour. 

M. Weiiius le jeune , premier 
Médecin du Roi de Pruffe, étant 


Me’moires. Ixxxvij 
mort en 1703 , le très - illuftre 
Chambellan , Comte de Wartem- 
herg, offrit à M. Hoffmann , an 
nom du Roi qui étoit pour lors à 
Magdebourg, cette -place éclatan¬ 
te 5 mais M. Hoffmann, prétex¬ 
tant la foiblefïe de fa fanté, fuppîia 
Sa Majefte de le difpenfèr de fac- 
ccpter. Peu de tems après on y 
nomma M. Gundelsheimer qui re- 
venoit de France, & le Roi fit 
1 honnèur a M. Hoffmann de lui 
ënvoier un brevet de Confeiiler 
& n de premier-Médecin de Sa Ma- 
jefté. . 

En 1704 quelques-uns des prin¬ 
cipaux Minières de la Cour de Ber- 
Rn aquiM. Hoffmann avoir con- 
i e,ie i’wFage des eaux de Carles- 
ade en Boheme , Rengagèrent à 
faire le yoiage avec eux, pour leur 
apprendre la maniéré la plus avan- 
tageufe d’en faire ufage. Il fe fervit 
de cette occafion pour analyfer plus 
exactement la nature, & les vertus 


Ixxxviij M ? mo i f. e s. 
de cette fource admirable 5 Sc com¬ 
me le bien; public étoit toujours 
fou point de vue., il ne tarda pas à 
faire part à la Republique des Let¬ 
tres des découvertes que des expé¬ 
riences réitérées lui avoient donné 
occafion de faire. Elles firent la 
.matière d'une fçavante, & utile 
Difiértation fur les eaux de Caries - 
Bade qui a été réimprimée nombre 
de fois, 6c même traduite en Alle¬ 
mand , avec .plufieurs autres, ou 
notre Auteur fait part au publie 
des découvertes qu’il a faites fur 
plu (leurs fources minérales. Car il 
a fou vent été obligé depuis ce 
tems-là d’aller à ces eaux falutaires 
de Boheme, à la priere de divers 
Princes, ou Malades de confidera- 
tion , à qui il avoir fait efperer 
qu’ils trouveroient dans leur ufage 
le rétabliiîement de leur (ante. 

Ces voiages ne contribuèrent.pas 
peu à étendre la réputation de M. 
Hoffinann. Car il fe trouve tous les 
ans 


M £*'M OIRE S, Ixxxix 

ans aux eaux une quantité prodi- 
gieufe.de malades. Or il était natu¬ 
rel qu’entendant parier de lui avec 
éloge, ils fufîent tentés de le con¬ 
sulter, ils s’en font fi bien trou¬ 
vés, que non-feulement ils fe met¬ 
taient fous fa conduite pendant le 
terns qu’ils étaient aux eaux, mais 
qu’ils lui écrivoient enfuite pour 
le eonfulter fur ce qu’ils avoient à 
faire pour achever leur guérifon. 
Nous ne donnerons pas ici la lifte 
de toutes les perfonnes diftinguées 
qu’il a conduites dans l’ufage des 
eaux, qu’elles prenoient pour con- 
ferver, ou rétablir leur fanté 5 mais 
ce feroit faire tort à fa réputation, 
que de ne pas dire qu’il fut appelîé 
en 1710 pour conduire l’augufte 
Impératrice pendant quelle pre¬ 
nait ces eaux , èc qu’il eut l’hon- 
neur d’être également confulté par 
leurs Majeftés Impériales , lors¬ 
qu’elles y vinrent en 1731. L’Em¬ 
pereur prenoit Surtout un piaifir 
Tome IIL h 


xc Me’moîres. 
fingniier à voir faire en public par 
M. Hoffmann ies diverfes efpéces 
d’expériences qui fervent à décou¬ 
vrir les principes les élémens 
d’où dépend la vertu médicinale 
de ces eaux. Nous ne ferons point 
ici le faftueux étakgedes marques 
diftinguées de bonté dont leurs 
Majeftés Impériales honorèrent 
M. Hoffmann ni des préfens 
dont jls le comblèrent ; nous re¬ 
marquerons feulement , comme 
e’eft la pure vérité , que depuis ce 
tems elles n’ont ceffë de parler de 
lui avec éloge, èc de parler avan- 
tageufement de fon habileté, & de 
fes lumières, comme en aiant elles- 
mêmes fait l’épreuve. 

Les fréquens voiages que M, 
Hoffmann fut obligé de faire en 
Bohême lui firent découvrir en 
1717. une fource empreinte d’un 
dèl amer purgatif, je veux dire 
celle de Sedlic» La première fois 
qu’on en parla en publie fut. dans 


M E'M Oïl 1$: xef 

une Thefe de Docteur, dont le fu- 
jet eft les attentions ^ & les précau¬ 
tions que demande Puf âge des eaux 
minérales chaudes , & froides. ( a } 
Mais étant revenu fix ans après à 
Caries - Bade, pour aider l’impe- 
ratriéë de Tes conlèils , êc aiant eu 
feccafîon de s'entretenir des eaux 
de Sedlie avec le célébré M. Nico-: 
ks Pic de GarcIIi, Premier Méde¬ 
cin de Sa Majefté Impériale ,, ils 
jugèrent tous deux que ces eaux r 
& le fel qu'on en tirok étoient uti¬ 
les , & falutaires ; ce qui rendit l'un 
&I autre en peu de teins célébrés 
par toute PA lleroagne. - 

’ Les eaux de Caries-Bade v Se 
celles de Sedlie, ne furent point 
fcs fealesqoi s attirèrent Pattention 
de M. Hoffmann; Bile- s'étendit 
à toutes lès Sources médicinales y 
^ s'il eut de la prédileéHon pour 
quelques-unes, cefutpoorkseaux 

Ohjêrafdiivnès & cœùfetk circa. acMûltt- 

hÿ 


xcij Me’moïres. 
minérales froides, Ç’étoit une opi¬ 
nion communément reçue en Al¬ 
lemagne y que la nature des eaux 
minérales chaudes eft totalement 
differente de celle des eaux miné¬ 
rales r froides'* ôç que ces dernières 
renferment un acide. M. Hoff¬ 
mann a détruit entièrement ce pré¬ 
jugé , & fait voir que loin que ces 
dernieres contiennent un acide y 
elles renferment au contraire une 
grande quantité d’alcali , & que 
toute la différence qui fc trouve 
entre les eaux minérales chaudes y 
froides , n’eff: que la chaleur qui 
fe trouve dans les unes , '& non 
dans les autres. M. Hoffmann eft 
donc le premier qui ait enfeigné 
qu’on peut marier les unes, & les 
autres avec le lait, non-feulement 
fans,danger 5 maismême avec beau- 
coup de fnccès $ ce qui a voit été de 
tous tems regardé comme très- 
pernicieux par les Médecins , qui 
ignoraient entièrement la nature 


Mémoires. xciij 
de ces eaux. Il a auffi donné au 
jufte, &c au mieux 3 la maniéré donc 
chacune de ces fources opéré, celle 
de s’en fervir, ■& toutes les précau¬ 
tions qu’indiquent leur maniéré 
d’agir , & les différons états des 
corps, dans leurs diverfes difpoff- 
tions, à raifon dé l’âge, du tempé¬ 
rament , & de la maladie. Loin 
donc d’avoir laide fous l’empire des 
préjugés reçus, & adoptés uûiver- 
lellement, ces fecours efficaces que 
la divine Providence fait forcir du 
fein de la terre pour le falut du 
genre humain , loin de les aban¬ 
donner a l’empirifme , & de ref- 
pecter les abus que l’ignorance 
avok introduits dans leur applica¬ 
tion , il a fait tous fes efïbrts pour 
la rappeller aux principes de la rai¬ 
fon. C’êft une obligation que lui 
ont en particulier le§.eaux de Sel-/ 
ter ,& de Lauchffad, fur lefquelles 
il a écrit en particulier. Car il eft 
le premier qui ait bien découvert 


xcîv M e’moire s; 
leur puiflante efficacité pour pré¬ 
venir , & déraciner, les maladies 
les plus opiniâtres , comme on le 
voit dans les Diflèrtations dont 
elles font le fujet > ce qui les a ren¬ 
dues célébrés non-feulement pan 
toute l’Allemagne mais même 
dans beaucoup de Païs étrangers i 
au grand avantage non-feulement 
des malades , dont les efpérances 
ne font pas trompées , mais des 
Villes auprès defquelles elles cou¬ 
lent 5 & de leurs habitans, dont la 
reconnoiffance ne leur permet pas 
de garder le filenee fur le fer vice 
que M. Hoffmann leur a rendu. 

Un autre avantage qui lui reve- 
noit encore de fes fréqnens voiages 
aux eaux de Carles-Baae, c’effi'de 
iè faire connoitre de plus près an 
Roi de Pru'de. Car ce Prince qui 
iefoi t lu i même ofage de ces eaux 

en 1 année y entendant van¬ 
ter a beau coup des Seigneurs de fk 
Coût l’habileté de M. Hoffmann^ 


Mémoires. xcr 
a'qui ils avoient donné leur con¬ 
fiance , fut curieux de le voir , & 
fi content d’un long entretien qu’il 
eut avec lui fur fà fauté, qu’il lui 
ordonna de venir fou vent s’en in¬ 
former à lui-même. M. Hoffmann 
s’étant rendu avec pki fi f à des or¬ 
dres qui fiattoient au moins au¬ 
tant fon inclination que fon amour 
propre, & le Roi aiant fait publi¬ 
quement connoître la confiance 
qifil avoir en lui, & le pkifir.quff 
prenoit à fes fa van tes converfa- 
tions 5 il fie trouva quelques per¬ 
sonnes qui donnèrent des marques 
non équivoques de l’envie que 
cette faveur leur caufoit, s’imagi¬ 
nant, fans doute , qu’on droit à 
leur réputation y ce que le Roi 
âjou toit à celle de M. Hoffmann. 

Vers les derniers mois de cette 
année, ce grand Prince devint d’u¬ 
ne tres-mauvaife fanté, fans qu’au¬ 
cun des remedes qu’on lui admi- 
niftroit produifit confitament un- 


xcxvj M E* M O I R E S, 
bon effet. Il fe fou vint de M. Hoff 
mann , dont la Séréniffime Du- 
cheflè de Saxe , fa fœur , lui avoit 
fî fou vent parlé avantageufement, 
'& que depuis peu il avoit vu de 
près, lorfqu’il prenoit les eaux de 
Caries-Bade 5 il l’envoia donc cher¬ 
cher en pofte , pour prendre foin 
de fa fanté avec fes autres Méde¬ 
cins. 

Quelque convaincu que fut M. 
Hoffmann de l’incertitude des for¬ 
tunes de Cour, & des défagremens 
qu’entraîne la perte de fa liberté, 
ôc du repos de fefprit, & du corps, 
dont le facrifîce cft indifpenfable 
dans ce païs , il ne lui fut point 
pofîible de fe refufer aux ordres ex¬ 
près du Roi. Il partit donc fur la 
fin de l’année, ferepofànt entière¬ 
ment de l’événement fur la divine 
Providence , & flir les bontés de 
ce Prince. A peine fut-il arrivé , 
que les chofès changèrent de face ; 
auffi le Roi, pour lui marquer fa 
fatisfadion, 


Mémoires. xcvij 
Satisfaction , lui donna-t’il de fou 
propre mouvement le titre de Con- 
feiller Auiique, &C une place en¬ 
tre Tes Médecins , avec une pen- 
fion considérable. Cependant M. 
Hoffmann eut la précaution de de¬ 
mander au Roi qu’il lui confervât 
fa Chaire, aimant beaucou p mieux 
fuivre tranquillement les Mufes 
que d’être fans celle expofé aux 
ouragans de la Cour ; ce que le Roi 
lui accorda, 

A compter de ce tems, M, Hoff¬ 
mann pâüa trois ans , & plus à la 
Cour ^ ou jamais on ne le trouva 
en deffaut, foit quant àTaffiduité, 
ou a la capacité. toutes les fois que 
le Roi, êc la Reine eurent befoia 
de fon miniftere. Et ce n’ëtoit pas 
peu de çnofe que de prendre foia 
de la fânté du Roi, furtout pen¬ 
dant les hivers. Car outre qu’elle 
étoit habituellement fort incons¬ 
tante , il étroit fouvent fatigué d’ae~ 
cidens très-fâcheux 5 ce qui obli- 
Tome III, i 


xcviij Me’moiris. 
gcoit fouvent de paffer la nuit au¬ 
près de fa perfonne , & même quel¬ 
quefois fans pouvoir fe dédomma¬ 
ger le jour de la perte du repos de 
là nuit. La Reine de fon côté lui 
donnoit beaucoup d’occupation à 
caufe des grands accidens aufquels 
elle étoit de tems en tems fujette. 
Cependant M. Hoffmann fuppor- 
toit patiemment ces fatigues, com¬ 
me fêlant partie defes devoirs, ôc 
la tranquillité d’ame que lui don¬ 
noit la convidion intérieure qu’il 
ne manquoit à rien,lui donnoit des 
forces , d’autant plutôt qu’il a voit 
la fatisfadion de voir combien fes 
fervices étoient agréables à leurs 
Majcftés. 

Mais fon attachement à ces per- 
fonnes auguftes , qui lui méritoit 
leur bienveillance, & cette atten¬ 
tion fcrupuleufe à ne s’écarter en 
rien des devoirs qu’il leur impo- 
fbit, fefoit fur d’autres des impref- 
fions bien differentes. Car il lui 


Me’moïîies. xcîx 
attira d'abord la jaloufie, puis des 
haines déclarées, de fes Confrères 9 
& notamment de M. André Gun- 
delsheiraer, quiavoitété recom¬ 
mandé à la Cour de Berlin , après 
être revenu de fes voiages d’E¬ 
gypte , & de Grece, où il a voit ac¬ 
compagné le célébré M. Tourne- 
fort, qui y avoir été par l’ordre ? ÔC 
aux dépens du Roi de France. Le 
fujet de cette haine étoit les con¬ 
tradictions que M. Gundelsheimer 
avoit effuiées de la part de M. Hoff¬ 
mann , à qui la confcience ne per- 
mettoit pas de confentir qu’on fit 
fur la Famille Roiale ufage des re¬ 
mèdes violens que le premier ne 
balançoit point à emploier 5 quoi¬ 
que M. Hoffmann le fit toujours 
avec tous les ménagemens pofiî- 
bles. On pourroit faire une longue 
hiftoire des démêlés qu’il y eut en¬ 
tre ces deux Médecins. Mais com¬ 
me ce détail ne pourroit manquer 
tfetre fortenniiieuxaii Lecteur, Sç 


c Mémoires. 
que l’elfentiel de ce qui regarde 
çette difpute , ou ce qui peut l’in- 
tereflèr, eft expliqué fort au long 
dans le premier volume des Con- 
fultations de notre,Auteur, nous 
aimons mieux palier le tout fous 
filcnce , èc nous prenons d’autant 
plus volontiers ce parti , que les 
adverfaires les plus déterminés de 
M. Hoffmann ne font plus aujour¬ 
d’hui. Rien ne fait plus d’honneur 
-à M. Hoffmann que ces difputes. 
Elles font une preuve parlante de 
fon amour pour la paix. Car on ne 
peut pas lui reprocher d’avoir ja^ 
mais commencé. Il y a plus 5 il a 
mieux aimé garder le filence , 6c 
laifîèr le Public équitable juge du 
différend, que de perdre un tems, 
qu’il pou voit emploier plus utiles 
ment, à répondre à nombre d’ad- 
yerfaires, qui s’élevoient contre lui 
avec allez de force, d’éloquence, 
& même qui triomphoient de fon 
filence. Toutes les démarches de 


Me’môire s. cj 
H*. Hoffmann , qui picquerent fi 
fore fon adverfaire, partoient d’un 
.principe dont il ne pou voit s’écar¬ 
ter fans devenir coupable, c’eft-à- 
dire , étoient les fuites néceiïàires 
de fon attachement au Roi, & à la 
Famille Roiale. 

* Le Lecteur judicieux n’aura pas 
de peine à concevoir que les défa- 
grémens que M. Homnann effuia 
à la Cour ne firent qu’augmenter 
fon éloignement pour elle , & à 
juger du plaifîr qu’il eut à goûter 
le repos , ôc la tranquillité de fes 
Occupations académiques, loriqu’il 
obtint au mois de Juin de l’année 
1712. la permiffion de retourner 
dans fa cheré patrie. Je né puis à 
ce propos m’empêcher de rappor¬ 
ter ce qu’on lit fur la vie de la 
Cour dans la Lettre XL. du Mé¬ 
decin Jean Papius, adreflee à Ke¬ 
pler. Vous ne de<vês point , dit-il, 
vous étonner delà réfolutîon que fai 
prife de m en aller en VruJJ'e , bien 


cij Mémoires, 
f uilfuijfe paraître quil y ait peu de 
fureté a le faire, fai pajfé par dijfe- 
rens Etats. J ai goûté la douceur de 
la vie académique , & depuis que je 
fms ici ( à Anfpac ) fai fait tejfm 
de celle de la Cour , cf je défiée he 
prefquedé ennui quand je me rappelle 
les agrémens du premier état , & que 
je le compare avec tous les autres gen¬ 
res de, vie. Si Ion a en mème-tems 
l agrément dé avoir beaucoup de pra¬ 
tique y pour parler le langage des Me-: 
feins 5 on ne doit point porter envie 
a la Roiaute. A la Cour , c’efi un efi 
claya fie, fafue ux , & ton peut dire 
en general de toutes les Cours , que 
c efl lefejour qui convienne le moins ^ 
ou meme le plus contraire a tous les 
gens de mérite. ( a ) 

(a) Non efi quod mirent confilium meum de 
migratione in Borujfiam^ locum minus , ut-videri 
fotefi , tutum. Expertus egofum hue ufque vi- 
tampnmum Academie am, tune hic (Onolsbaicii) 
auticam. fiontahefeo prope modüm recordations 
vit.s. Academies., tanta ejus eft bonitas ffi cum 
estent conferatur, huic fi accédai copiofs pu.- 


M E* MO 1RE S. cil) 
Lorfque les foins que M. Hoff¬ 
mann donnoit à la pratique de la 
Medecine, ou à former la jeunefïe 
qui s’étoit attachée à cette profef- 
fion , lui laifloit quelque loifîr, il 
le partageoit de maniéré qu’il en 
confacroit une partie à revoir les 
Ouvrages qu’il avoir autrefois com- 
pofés, & à en faire imprimer des 
collections , ou à en compofer 
d’autres , ôç l’antre à approfondir 
la nature au moiën des expérien¬ 
ces de Chimie. C’eft par cette rai- 
fon que dans ce tems on en réim¬ 
prima quelques volumes en Hol¬ 
lande , dont chacun contenoit une 
dixame de Difièrtations * & qu’on 
:fit à Ulm une colleCtion de celles 
qui avoient pour objet les eaux mi¬ 
nérales chaudes , & froides. Gercé 
derniere fut bien-tôt fuivie de celle 

xeos , ut nos loquimur , facùîtas , regiam fere 
■vitam dixero. In ctulis efi Jplendida miferia > itrio 
orrinis cmlctrum ratio liber alibus ingénus efi ini- 
rmeiffima. Joan. Fapius. Efiifi. XL. ad Refiler, 
vit a Aulica. p.jé. 

iiiij 


civ Me’moires. 

de differentes petites Differtations 
fur divers flijets qui avoient déjà 
été imprimés féparément. 

Ces differentes occupations em* 
ploierent prefque foixante ans de 
la vie de notre Auteur. Ce fut alors 
qu’il conçut le deffein de faire un 
fyftême de Medecine raifonnée. 
X)ieu bénit cet Ouvrage le pre¬ 

mier volume, qui parut en 1718 V 
fut fuivi-à. differentes reprifes de 
plufieurs autres , qui coûtèrent à 
l’Auteur vingt années de travail, 
dontia fin lui afïiire l’immorta- 
lite. C’eft avec raifon qu’on repro¬ 
che de bâtir des fyftêmes, foit de 
Medecme , ou de quelque autre 
Art que ce foit, dont la bafe eft 
un raifonnement qui a befoin dՐ 
tre appuie, & établi par une lon¬ 
gue expérience, à ceux qui com¬ 
mencent un pareil Ouvrage en- 
core jeunes, ou qui fur la parole 
d autrui, avancent avec confiance 
ce qulls n’entendent pas fufSfa- 


Me* Moires. et 
frient. Pendant que de leurs hypo- 
thefes ils déduifent des conféquen- 
ces fondées plutôt fur des couve- 
nances que fur une fcience certai¬ 
ne j ôc qu’ils en font fortir la mé¬ 
thode qu’il faut fuivre dans le trai¬ 
tement des maladies, il efl infail¬ 
lible qu’en avançant en âge, 8c de¬ 
venus plus prudens à force d’expé¬ 
riences - y ils trouvent bien des cho- 
fes à corriger qu’ils jettent dans 
des erreurs funeftes aux malades 
ceux qui fe font livrés aveuglement 
à leurs fentimens. Mais fi l’on n’en- 
treprenoit d’écrire -, qu’après s’être 
affûté de la vérité par beaucoup 
d’expériences , & qu’on s’attachât 
à les faire de maniéré que le flam¬ 
beau de la raiion pût jetter fa lu¬ 
mière jufques fur les caufes les plus 
cachées des événemens , il paroît 
qu’on verroit clairement le certain 
qu’on doit fuivre, & qu’on retran- 
cheroit tout d’un coup cette mul¬ 
titude infinie d’opinions diffeten- 



cvj Me’moios. 
tes, ou du moins qu’on en dimi- 
nueroit confidérablement le nom* 
bre. L’exemple de M. Hoffmann 
rend cette vérité fenfible. A force 
d’enfeigner, de de pratiquer la Mé¬ 
decine , de faire une exacte atten¬ 
tion à tous les phenomenes dont il 
a été le témoin , & de les rappeller 
à leurs caufes véritables par des ré¬ 
flexions exaétes , de répétéesil 
nous a fait voir combien nous 
avons laiffe loin derrière nous les 
Anciens , qui ont voulu rendre 
raifon de tous les phenomenes mé¬ 
dicinaux 5 de comme il ne faut que 
des ïeux fains , & ouverts pour 
connoître la clarté du jour, de que 
perfonne n’eft indifferent pour les 
charmes de la lumière , ôe l’ufage 
qu’on en peut faire , les préceptes 
que M. -Hoffmann a donnés fut 
toutes les parties de la Médecine 
ont paru fî aifés, fi fimples , de fi 
clairs, a tous ceux entre les mains 
de qui fes Ouvrages font tombés, 


Me’moires. cvij 
qu’à peine en peut-on trouver dans 
notre tems, & même dans les plus 
reculés , qui aient été auffi univer¬ 
sellement applaudis. Car outre 
deux ou trois éditions qu’en a don¬ 
né le Libraire qui a été chargé le 
premier de rendre public le Syf- 
tême de Medecine de notre Au¬ 
teur , les Etrangers fe font ernpref- 
fés , tant hors des limites de l’Al¬ 
lemagne , comme à Venife , & à 
Balle, que dans les frontières de cet 
Empire, comme à Francfort, de 
s’approprier cet Ouvrage ; ce qui a 
été fait contrô le gré de l’Auteur, 
fi l’on en excepte la collection en¬ 
tière de fe s œuvres qu’il a confenti 
que fi lient M rs de Tournes, à qui 
même il a fourni des corrections, 
& des augmentations confidéra- 
bles. Nous avons auffi vu depuis 
peu une Traduction Françoife im¬ 
primée à Paris du premier volume 
de cet Ouvrage. Mais nous fom- 
mes trop près de lui pour juger 


cviij Me’ moires. 
fainement du mérite de eet Oiu 
vrage. C’eft à k Pofterité la plus 
reculée , comme entièrement im¬ 
partiale:, qu’il appartient de lui 
donner fon jufte prix. 

Dans le même tems que M. Hoff¬ 
mann travailloit à fonSyftême de 
Medecine, il formoit un autre pro' 
jet également utile. Il lui étoit fou- 
vent arrivé dans le cours d’un fi 
grand nombre d’années , d’être 
obligé de répondre au nom de là 
Faculté de Medecine à des Mé¬ 
moires fur des cas qui avoient rap¬ 
port à la Jurifprodence médici¬ 
nale,, ou fimplement. à la fanté de 
ceux qui confultoient. Il lui en 
etoit encore plus Ion vent adrelïé ' 
en droiture, loit par les malades , 
qui etoient bien aile d’avoir fon 
avis y foit par les Médecins qui vou- 
loient favoir ce qu’il penfoit de 

I état des malades qu’ils traitoient. 

II commença donc à rafîèmbler 
ces Mémoires 7 6c fes Réponfès ^ 


Me’MO I RES, tl± 
•& à faire imprimer ces collections 
fous le titre de Confultations Mé¬ 
dicinales , à mefure qu’il y en avoit 
de quoi faire un volume. Il en a 
déjà paru en Langue Vulgairedou¬ 
ze Tomes , dont chacun contient 
cinquante Mémoires, & autant de 
Confultations. Il en fit choifir,met¬ 
tre en latin , & imprimer la partie 
la plus intérefïante , & à peine 
commença-t’elle à fè répandre , 
quon la contrefit à Amfterdam ■ 
à Francfort fur le Mein, 

Qui eroiroit qu’un homme oc¬ 
cupé à compofer tant d’Ouvrages, 
& à répondre à tant de Mémoires ’ 
put trouver le tems de faire autre 
chofe ? C'efl cependant ce qui eft 
arrivé» Car il y a une infinité de 
perfonnes dans cette Ville, & mê¬ 
me dans les pais éloignés, qui font 
redevables à fes foins de la fauté 
dont elles jouifiènt. Car depuis 
qu’il a quitté la Cour de Prude 5 §£ 
^u’il eft de retour en cette Ville de 


ex Me* mo i r e s. 

Hall, il n’y a gueres de Princes de 
la maifon de Saxe, ou d’Anhalt, 
qui n’ait mis à l’épreuve les talens 
de M. Hoffmann, & qui ne l’ait 
appelle de tems en tems à fa Cour» 
Le Prince de Sclwartzbourg l’a 
appellé une ou deux fois auprès de 
fa perfonne, Sc c’eft à fa bonté que, 
fous l’autorité de l’Empereur, il 
eft redevable du titre de Comte 
Palatin, dont il fut décoré au mois- 
de Juillet de l’année 1727. Son 
Altefle Séréniffime Landgrave de 
Hefïe-Cafîel, le fit venir à fa Cour 
pour prendre fes avis. Scie Prince 
de Wolfiènbutel le manda pour lui 
confier le rétabliflèment de fa fanté. 
Je ne finirois pas fi je voûtais faire 
l’énumération des Princes, Com¬ 
tes , 8c autres Seigneurs les plus 
difVingués, à qui il a envoié des 
confultations, foit pour entretenir 
leur fanté , foit pour la rétablir, 
ou fi j’entreprenois le dénombre¬ 
ment de ceux quffe font tranfpor- 


Mémoires. cxj 
tés ici , de païs même éloignés , 
pour fe faire traiter par lui, &. qui 
ont eu tout iieu de fè louer de fes 
foins. Je ne parlerai point auffi du 
tems que lui a coûté le commerce 
de Lettres qu’il a entretenu avec 
les plus célébrés Médecins, ôe Phy- 
fiçiens de notre fiécle , ôe furtout 
avec l’iîîuftre M. Leibnitz , avec 
les premiers Médecins de l’Empe- 
reur, ôe de plu (leurs Rois, 6c beau¬ 
coup de ProfefTeurs , tant d’Alle¬ 
magne-que des Païs Etrangers , 
commerce qui rouloit fur des ma¬ 
tières de Médecine, Ôe de PhyfL 
que. Le tems viendra peut-être 
den parler plus au long. 

Vers la fin de l’Eté de l’année 
*734- M. Hoffmann vint à Berlin 
pour voir quelques personnes qui 
lui font très cheres -, c’eft-à-dire, 
-on gendre, fa fille unique, 6c leur 
famille. On reçut alors la trifte 
nouvelle de la maladie très-férieu* 
le, 6c prefquc défefperée, dont le 


exij M E 5 M OIREî, 

Roi de Pruffè étoit attaqué dans 
don camp fur le Rhin. M. Hoff¬ 
mann étoit fur le point de repartir 
de Berlin pour revenir à Hall, 
lorfqne non-feulement les Minif- 
très d’Etat lui concilièrent de ne 
point s’éloigner , mais la Reine lui 
ordonna de demeurer, afin qu’on 
l’eut fous fa main , fi l’on avoir be- 
foin de fes confeils. Cette précau¬ 
tion ne fut point inutile. Car le 
foir même du retour du Roi à Poft- 
dam, on en voia chercher M. Hoff¬ 
mann en pofte. Une des raifons 
qu’eut le Roi pour fe mettre entre 
les mains de M. Hoffmann , fut 
que le célébré M. Boerhaave, con¬ 
sulté fur la maladie du Roi , lui 
avoir furtout çonfeillé de fe faire 
traiter par lui. La maladie de ce 
Monarque étoit d’autant plus fé- 
ideufe, qu’il y avoit déjà trois ans 
qu’elle^ avoit jetté fes premières ra¬ 
cines , & ^que la négligence les 
avçit rendues plus profondes. Ç’é- 


M E* MOIRES. CXÜj 
t'oit un aflhme hydropique qui don- 
noit beaucoup plus de crainte que 
d’efperânce 5 ôc l’on étoic d’autant 
plus fondé à penfer de la forte, que 
tous les habiles gens qui àvoient 
été confultés, s’accordoient fur le 
prognoftic. 

En effet, c’eft par une efpece de 
miracle de la bonté de Dieu , que 
nous avons eu le bonheur de 
voir recouvrer la fanté au pere de 
la patrie. La tranquillité, & lafé- 
renité d’efprit qu’on remarqua tou¬ 
jours au milieu des accidens f⬠
cheux qui fatiguoient Sa Majeflé, 
& fa docilité à écouter les avis 
qu’on lui donnoit, & à les fuivre, 
ne contribuèrent pas peu à aider 
les favorables difpofitions du Ciel, 
Car le Roi ne s’écarta jamais le 
plus légèrement du régime qui lui 
avoit été prefcrit, ■& ne fit pas la 
moindre difficulté de.prendre tous 
les remedes qu’on lui prefcrivoit. 

Après cinq mois de foins em- 
Tomç I1L K 


cxlv Mémoires. 
ploies au rétabliflement de la fanté 
du Roi par M. Hoffmann , aidé 
principalement des lumières* des fa- 
vans & célébrés Meilleurs Horch , 
& Eller, qui avoient été appellés 
auprès de fa perfonne pour con¬ 
courir un même but, Dieu voulut 
bien accorder aux vœux ardens 
d une infinité de perfonnes, ce qu'il 
refufoit depuis fi long-terrffà leurs 
Humbles prières. Non - feulement 
le Roi fe trouvoit entièrement 
quitte de toutes douleurs, &c au¬ 
tres, accidens , mais il avoit fi bien 
repris les forces , qu’il pouvoir pa- 
en public , 3 c vacquer aux 
affaires de l’Etat avec la même ai- 
fance qu’il fefoit avant fa maladie. 
Il arriva pou r lors en Prufîè ce 
qu on vit autrefois dans l’armée 
d Alexandre, îorfqne la dextérité, 
& les foins de Philippe, fon Me- 
d^cin , mirent tout d’un coup ce 
Prince en état de reparaître. On ne 
f.avoit qui regarder du Roi, ou de 


M E 5 M O ï K E Ê. cxv 
Philippe. De même en Prufïè on 
ne favoit ce qu’on devoit admirer 
le plus du rétablifïement du Roi, 
ou de l’habileté de M. Hoffmann, 
6 c il n’y eut perfonne qui ne regar¬ 
dât comme une obligation qui lui 
Fut perfonnelle , le recouvrement 
de la fanté de ce Prince. 

Il feroit étrange que le Roi eut 
fenti moins vivement que fes fii- 
jets les obligations qu’il a voit à 
M. HofFmann. Âuffi n’omit-il rien 
de ce qui pouvoir contribuer à lui 
faire connoître Fa reconnoiflance. 
Car il le combla de préfens dignes 
d’une main roiale, pour le récom- 
penfer du travail, & des foins qu’il 
lui a voit donnés pendant un fi 
long-tems ; & même il lui arriva 
très-fou vent } en préfençe de fa 
Cour , & des Ambaflâdeurs ,'de 
reconnoitre qu’après Dieu, il avoit 
obligation à M. Hoffmann du 
bon état dans lequel il fe trou- 
voit. . 

k ij 


exvj Mémoires» 

Il fembleroit que le Roi auroit 
faic pour M. Hoffmann tout ce 
que ce dernier avoir droit, d’en at¬ 
tendre. Mais ce Monarque crut ne 
pouvoir trop paier un fervice auiîi 
important j & il a dit publiquement 
qu’il fe portoit d’autant plus vo¬ 
lontiers à lui donner des marques 
diftinguées de confidération, qu’il 
vouloir faire connaître à tout l’U- 
îiivers , non - feulement l’eftimc 
qu’il avoir pour ce grand homme, 
mais même eflacer autant qu’il fe-- 
roit poffible le fouvenir des défa- 
grémens. qu’il avoir autrefois ef- 
fuiés à la Cour, Ç’efrce qui enga¬ 
gea le Roi à honorer M. Hoffmann 
du titre de Confeiîler d’Etat. Il 
voulut même que fa famille fe fen.- 
tit de la faveur du pere , & con- 
noiflant lè, mérite du fils, digne 
rival des talens de ion pere , qui 
lui ont été , pour ainfî dire, tranfi 
mis avec les mêmes noms, & fur- 
noms , il lui fit l’honneur de lui 


Me’moires. cxvif 
donner une Chaire de Medecine 
dans l’Univerfité de Hall , &: d’y 
ajouter, le titre de Confeiller Au- 
lique. 

La Reine ne fut point des der¬ 
nières à faire connoître à-M. Hoff¬ 
mann les fentimens que fon mé¬ 
rite , èc le fervice qu’il venoit de 
rendre à l’Etat lui infpiroient. Elle 
ajouta à plufieurs préfens considé¬ 
rables celui de fon portrait, fait de 
la main d’un excellent Peintre , à 
qui elle fit auffi faire celui de M. 
Hoffmann , pour le placer dans 
une maifon de campagne apparte¬ 
nant au Roi , & appellée Monbi- 
jqu. Elle voulut auffi avoir dans fa 
Bibliothèque tous les Ouvrages de 
notre Auteur. 

Pendant ce tems on lui propofa 
plufieurs fois de la part du Roi , 
Sc de la Reine, de fe rapprocher 
de la Cour, afin qu’on put l’avoir 
dans le moment qu’on pourrait 
en avoir befoin. Mais il s’en ex~ 


cxviij Mémoires. 
cufa par les mêmes raifons qu’em~ 
ploioic autrefois le vieux Berzel- 
laï -, Iorfque David lui propofa 
de venir s’établir à la Cour. Ce 
vénérable Vieillard répondit a çe 
Prince reconnoifïànt que dans un 
âge auffi avancé il falloir fe pré¬ 
parer à la vie éternelle, & que le 
peu de jours qu’il lui reftoit n’étoit 
point trop pour mettre la derniere 
main à fon fyftême de Medecine, 
ôc aider de fes confeils ceux qui 
pourroient y avoir recours. Les 
Monarques Juif, êc Pruffien goû¬ 
tèrent également les raifons du 
Berzellaï ancien , & du moderne, 
& on les laifla tous deux maîtres de 
leurs actions. 

Au . commencement donc du 
mois d’Avril de Tannée 1735. 
Hoffmann prit congé du Roi, qui 
lui renouvella les marques de fes 
bontés , & lui fit l’honneur de l’em- 
brafTer. Il arriva fain & faufà Hall , 
ou il fut reçu avec toute la joie 


Me’moires. cxix 
poffibîe , non - feulement dans fa 
maifon, dont il étoit abfent depuis 
iiuitmois, mais dans l’Univerfité 
& toute la Ville ; 6 c chacun s’em- 
prefsât d’aller féliciter fur fon heu- 
reux retour ce Vieillard vénérable, 
qu’on avoit coutume de regarder 
comme le premier ornement du 
pais, 8 c qui réunifïbit aux avan¬ 
tages qui l’avoient diftingué juf- 
qu’alors, celui d’avoir été l’inftru- 
ment dont il avoit plu à Dieu de 
fefervir pour opérer une gnérifon 
à laquelle l’attachement des peu¬ 
ples pour un auffi bon Prince ne 
laifîbit perfonne infenfible. 

Depuis ce tems M. Hoffmann 
eut fouvent l’honneur de recevoir 
des lettres de la part du Roi, fou- 
vent même lignées de fa main, lef- 
quelîes , ainfi que les préfens que 
ce Monarque lui envoioit prefque 
tous les ans , lui afluroient la con¬ 
tinuation de la bienveillance de fon 
Prince. Il eut meme la fatisfaction 


cxx Me’moirèî 
de voir plufieurs fois que le Hcl 
reconnoifloit dans des lettres écri¬ 
tes de fa propre main , que c’étoit 
a lui qu’il étoit redevable après 
Dieu de la confiervation de fa vie. 
Et pour que l’Univerfité de Hall, 
dont M. Hoffmann eft à préfent 
Doïen , fçut le cas qu’elle dèvoit 
faire des confeils d’une perfonne 
auiîi expérimentée que lui, il lui 
ordonna par un refcrit folemnel 
de ne rien faire de quelque impor¬ 
tance , fans avoir pris fes avis, ôc 
fon confeil. 

Bien que les agrémens , & les 
honneurs dont la vieilleffe de M. 
Hoffmann étoit femée , èç déco¬ 
rée , ne fufîènt point en état de 
faire oublier à une perfonne de fon 
caractère , que la condition hu¬ 
maine eft inféparable des chagrins, 
8 c des traverses , Dieu voulut lui 
rappeller cette vérité d’une ma¬ 
niéré qui ne pou voit que lui être 
des plus fenfibies. C’eft ce qu’il fit 5 
en 


Me’moïres. cxxj 
en envoïant à fon époufe , qu’il 
aimoit tendrement , Ôc que qua¬ 
rante - huit ans d’attaehement, & 
detendreffe, lui rendoient encore 
plus chere que jamais, une mala¬ 
die telle qu’elle lui annonçait un 
dénouement tragique.il fallut donc 
s’en féparer, & une mort paifible 
termina cette vie toute chrétienne. 
M. Hoffmann prit cet événement ; 
comme il convenoit à un Chré¬ 
tien, & à un Philofophede le fai- 
, pour fe divertir des trilles 
objets qu’il avoir préfens à F Éprit, 
il tourna toutes fes vues du coté 
de la religion. En effet, c’elt dans 
ce tems qu il ht en latin un abrégé 
clair , & nerveux, de toute la doc¬ 
trine chrétienne , dont il ht part 
au Public par le moïe.n de i’im- 
preffioii. 

Le ïtoi aiant entendu parler de 
cet Ouvrage, lui ht l’honneur de 
lui mander qu’il fouhaitoit qu’on 
en ht une traduction en Langue 
T*me III, 1 


cxxij M E* M O I R È S. 
vulgaire. M. Hoffmann n’eut gar¬ 
de de fe refufer aux pieufes inten¬ 
tions du Roi , & y travailla avec 
tant de vigueur , que fies ordres 
ne tardèrent pas à être exécutés. 

Pendant l’Eté de l’année der¬ 
nière 1738 , M Hoffmann fut at¬ 
taqué d’une fièvre fi violente , que 
tout le monde jugeoit qu’il y a voit 
beaucoup plus de raifons de crain¬ 
dre , que d’efperer. Dieu a cepen¬ 
dant bien voulu nous rendre ce 
grand homme, & le mettre en état 
d’emploier utilement pour nous 
une vieilîefle heureulè, de vigou- 
reufe. Il eft entré depuis peu dans 
là quatre-vingtième année. 

# Un âge auffi avancé feroit pour 
bien d’autres un titre pour fe repo¬ 
lir. Mais M. Hoffmann veut ren¬ 
dre tous les momens de là vie uti- 
les au Publie , ou pour mieux dire, 
a ceux qui ont deffein de s’inffruire. 
G eff ce qui fait qu’il continue l’em- 
treprife qu’il a commencée if y a 



M e’ m o î k e s. cxxiij 
finit ans paffés, c eft-à-dire, d’en- 
fèigner la vraie foience de traiter 
les malades à ceux qui font foffi- 
foment imbus des préceptes de fpé- 
culation. Pour parvenir à ce but, 
il fait tous les fîx mois l’ouverture 
d’une Conférence de. pratique mé¬ 
dicinale clinique , oii il fait rapport 
des différons mémoires exads qu’il 
a reçus du dehors , dont il déduit 
folidement les vraies caufes , tant 
prochaines que mèdiates 5 des mala¬ 
dies for lefquelles on le confolte ' 
êc où il indique avec candeur la 
vraie maniéré de les traiter. H eâ 
incroiable combien ces Conféren¬ 
ces font utiles à ceux qui fe font un 
point d honneur-, 6c de cofocienée, 
de f e mettre au-deffos des repro¬ 
ches dans 1 exercice , s & la pratique 
de la Medecine. Car les ohfervâ- 
tions, 6c une longue expérience s 
font d’un grand poids dans toutes 
les parties dé cette foience, 6c on 
peut dire fous crainte qu’elle en 

I ij 


GXXÎV M E’MOI R E S. 
font la véritable clef, & les régies 
infaillibles de ceux qui veulent en- 
feigner, du s’inffruire. 

- Fade le Ciel favorable , queM. 
Hoffmann jouiffe d’une parfaite 
fauté pendant le cours de fa qua¬ 
tre-vingtième année ! que dis-je ? 
puide-t’il lui en accorder encore 
lin grand nombre d’autres égale$ 
ment faines , & vigoureufes i Ces 
vœux n’ont pas feulement pour ob¬ 
jet la confervation d’une perfonne 
pour qui fes talens, & fa vertu ne 
permettent point qu’on foit indif¬ 
férent ; ils font également l’effet 
de .l’amour du bien public , de no¬ 
tre commune patrie, de rUniver- 
fité de Hall, de la Famille Pvoiale, 
©u , pour mieux dire , de tout le 
genre humain , à qui fes doctes 
écrits , &c fes judiciéüfes confulta- 
tions , font d’un fecours qu’on ne 
peut trop eftimer. 

Voilà tout ce que j’ai deffein de 


Me’môires. cxXv 
M. Hoffmann. Je ne fais aucune 
difficulté de reconnoitrequ’on- pou¬ 
voir parler beaucoup plus digne¬ 
ment d’une perfonne auffî diuin- 
guée de tant de différentes maniè¬ 
res. Il ne m’auroit point far s doute 
été difficile de lui donner les louan¬ 
ges qu’il mérite , fi j’avois entre¬ 
pris de faire fon éloge. Mais je n’ai 
voulu écrire ces Mémoires que de 
fon Confentement , ÔL qu’aidé de 
ceux qu’il a jettés fur le papier ; or 
l’un, & l’autre ne m’a été accordé 
qu’à condition exprellè que je mé¬ 
nagerais fa modeftie , qui elt in¬ 
compatible avec les louanges qu’il 
aurait fallu lui donner. Je me fuis 
donc reftraint malgré moi à la qua¬ 
lité d’Hiftorien fec de fa vie , & 
de fes principaux évenemens. Si 
quelqu’un a la liberté de faire un 
jour fon éloge, il aura le plus beau 
champ du monde ; car que peut-on 
fouhaiter dans fon héros que l’af- 
femblage des vertus chrétiennes s 


tov j Mémoires, 

& civiles y 8c de talens aufîî difKn- 
gués que ceux de M. Hoffmann ? 
Ét fans doute que fi le fbuverain 
Maître de la vie des hommes , 8e 
de tout ce qui leur arrive , veut 
hien accorder à mes vœux ardens 5 
à mes ferventes prières , la conti¬ 
nuation de celle de ce grand hom¬ 
me i elle fournira de nouveaux 
traits auffi dignes de l’éloquence 
d’un Orateur diftingué , que ceux 
que j’ai mis fous les ïeux des Lec¬ 
teurs» 




cxxvij 

DISSERTATION 

De M, Hoffmann , fermant de Pré¬ 
face a La Collection de toutes fes 
(Euvres , ou Ion examine les dif¬ 
férents états de la Médecine, & des 
Médecins , & les marques aufquel¬ 
les on peut reconmhre un bon 
habile Médecin . 

E Ntre tons les éloges, & tous 
les titres magnifiques dont les 
divers Auteurs ont décoré la Mé¬ 
decine , il n’y en a point, félon 
moi 3 qui convienne mieux à cet 
Art falutaire que le furnonv de 
Divin, que fon Fondateur Hippo¬ 
crate lui a donné. Et l’on ne dou¬ 
tera pas que ce ne foit avec raifon , 
fi l’on fait attention que le très- 
fage Auteur de l’Univers a non- 
feulement renfermé dans les trois 
régnés les remedes les plus pro¬ 
pres pour confèrver la fanté, 8c 
dompter toutes les maladies, mais 


CXXviij D ISSERTATION. 
qu’il a difpofé avec tant d’art tou¬ 
tes les pièces dont la machine du 
corps humain eft compofée; qu’il 
en réfuite néceflairement un ordre 
déterminé de mouvemens qui le 
garantit de la corruption qui lui eft 
elïentiellement funefte, de du dan¬ 
ger de mort dont il feroit incella- 
ment menace. Il y a plus : Dieu lui- 
même dans les faintes Ecritures fe 
donne le furnom de Médecin 5 de 
tant que notre divin Sauveur a 
voulu honorer notre terre de fa 
prelence corporelle , il n’y a point 
d’art à l’exercice duquel il fe foie 
applique-d’une maniéré plus écla¬ 
tante qu à la Medecine $ de forte 
qu on peut dire de lui qu’il étoi't 
par excellence le Médecin des 
corps , auffi-bien que celui, des 
âmes. Or comme l’on approche 
d autant plus de la nature de la di¬ 
vinité , fi 1 on en croit le fentimene 
unanime de tons les fages qui nous 
ont précédé , qu’on s’attache da- 


Dissertation. cxxix 
vantage à faire le bien , je doute 
qu’il y ait aucune fcience, fi l’on 
en excepte celle du falut, qui pro¬ 
cure cet avantage dans un degré 
plus éminent , puifqu’il n’y en a 
point qui falîe plus de bien aux 
hommes. En effet , qu’y a-t’il de 
plus excellent , qu’y a-t’il de plus 
déiîrabie , que de conferver long- 
tems faine, & entière, la demeure 
que Dieu a formée pour y loger 
une ame immortelle , & créée à 
fon image , de détourner de l’ef- 
prit, & du corps les douleurs, 8c 
les maladies, qui ne peuvent affec¬ 
ter P un, que l’autre ne s’en reven¬ 
te , d’éloigner la .réparation de 
•ces fubftances, autant qu’il eftpof- 
fible ? Nos peres ont donc- eu de 
très- bonnes raifons pour déifier les 
inventeurs de la Medecine, &: de 
confommer les éloges qu’ils font 
des premiers , & des plus diftin- 
gués d’entre les Héros , qui ont 
gouverné lespeuples, écont donné 


cxxx Dissertation. 
à la Pofterité des exemples de bra¬ 
voure dans les circonftanees les 
plus critiques oii les Guerriers fe 
trouvent expofés , comme font 
Chiron le Centaure , Palamede, 
Achille, Machaon, & Podalire , 
en difant qu’ils fe fefoient une oc¬ 
cupation d’enfeigner, d’apprendre, 
& d’exercer la Medecine. 

Mais plus la noblelïe , & l’ex¬ 
cellence de cette fcience font in- 
conteftabies, plus on eft obligé de 
regretter avec Hippocrate que l’i- 
gnorance de ceux qui £ exercent , & 
la témérité de ceux qui s'érigent en 
juges des Médecins , l’ayilijftnt , & 
la rendent , pour ainfi dire , l'oppro¬ 
bre de tout le monde . fa j Et en ef¬ 
fet, il n’y a prefqne point de Pro- 
feffion qui fourniflè tant d’Ou- 
vriers , & en même-tems d’auflï 

(a) Propter ignorantietm. eorum qui ettm 
exercent , & propter eos qui temere de Medictt 
judicant , rec eft vilijfîma, omnïumque opprobrie 
expofttn, Hippoçrae. 


Dissertation, cxxx} 
ignorans que la Medecine. Car il 
n’y a prefque perfonne , même 
dans la plus vile populace, qui ne 
fe donne pour Médecin , 6c n’ait 
un fpécifique , ou au moins un re- 
mede,contre quelque maladie. Pli¬ 
ne a donc eu grande raifon de dire 
qui/ riy a qrien fait de Medecine 
que chacun Coït cru expert fur fa pa¬ 
role j & fans examen , bien qriil riy 
ait point de menfonge d'une conje- 
qrnnce plus dangereufe. (a) Mais 
laiflonsà part cette efpéce bâtarde 
de Médecins, à qui il convient fi 
|>eu d'en ufurper le titre, &; pafïbns 
a ceux qui ont droit de s’en dé¬ 
corer. 

Or je dis de ceux qui font pro- 
feffion d’apprendre , de prati¬ 
quer la Medecine, qu’il y a entre 
eux aine très - grande différence. 

fa) In hae arte fila evenit , Ht cukumqtt» 
Medicum fie profitent} fiatim credatur , cum ta- 
tnen periculum fit in nuïlo mendacio majus. Plia. 

Nat. Lik. I. cap. 1%. 


éxxxij Dissert atioh. 

Car, félon Hippocrate, dans l’eti- 
droit cite , il y a-bien des gens qui 
ont le nom , & la réputation de Mé¬ 
decins , mais il y en a peu qui le [oient 
effectivement , é" à en juger par leurs 
œuvres, (a) Le même Auteur dit 
ailleurs, qu'on remarque entre ceux 
qui exercent la Medecine la même 
différence gu entre ceux qui s'appli¬ 
quent aux autres Arts j dont les uns 
font légers de fcience , pendant que 
d’autres font beaucoup plus fonces, (b) 
H n’y a perfonne pour le peu d’u- 
fage qu’il ait du monde, qui ne f⬠
che que rien n’eft plus vrai quant 
aux autres Sciences, ou Arts, que 
ce que dit Hippocrate. Car bien 
qu’on donne avec raifon le nom 
de Théologiens à tous ceux qui 

(a.) Multi fuma , & nomme , Medici . re 
■tmtem ver a.-, <&> opéré pauci dantur. Hippl loe. 
citât. rr 

(b ) Sunt ex, iis qui Medicina x>per/tm dant 
aln levés , alii multo pr&ftantes ; ut enirh ali a - 
rum artium opifices plmimum inter fe différant, 
Jic etïam in Medica evenit arte. Hipp; Lib. de 
Veter. Médis. 1 r : 


Dissertation, cxxxiij 
font leur étude des matières qui 
concernent la Religion , ils n’ont 
pas tous une connoifïànce égale¬ 
ment étendue de ce qui y a rap¬ 
port 5 ils ne font pas également au 
tait de les enfeigner, ou de les def- 
fendre. Il en eft de même du titre 
de Jurifconfulte, qui ne convient 
pas également à tous ceux qui fe 
mêlent de plaider .j & l’on ne doit 
point honorer du nom de Mathé¬ 
maticien un (impie arpenteur } qui 
fait mefurer lafurface d’un champ, 
ou la hauteur d’une tour, ou bien 
un maçon quifait élever une mai- 
fon. Il faut bien d’autres connoif- 
fances , & connoiiïànces plus re¬ 
cherchées , pour mériter fans.con- 
teftation , au jugement des gens 
habiles , ces qualifications honora¬ 
bles , qui flattent fi fort l’amour 
propre , qu’il n’y a.perfonne qui 
U ait l’ambition de fe les donner. 

Puis donc qu’il en eft de la Me^ 
dccine, comme de toutes ces fciem» 



cxxxiv D i SSE RT A T I OH. 

€es , & que le titre dé Médecin 
n’appartient pas indifféremment à 
tous ceux qui fe fatiguent à courir 
les rues, & entreprennent de gué¬ 
rir les maladies, je m’imagine ren¬ 
dre fervice au Public en examinant 
avec exactitude ce qu’il faut que 
foit celui qui veut mériter fans con- 
teftation le titre de Médecin. Je 
conçois bien que cet examen ne 
fera pas du goût de tous mes Con¬ 
frères 5 parce qu’il en réfultera clai¬ 
rement , qu’il y en a très - peu , 
même de nos jours, qui aient droit 
de le porter. Mais c’eft à eux de 
fe mettre en état d’augmenter le 
petit nombre. 

Nous tirerons le premier carac¬ 
tère d’un bon , & favant Médecin 
de la définition que Galien a don¬ 
née de la Medeeine. (a) Il rap¬ 
pelle la fcience des cliôfês fàlutai- 
res, SC de celles qui font contraires 
à la fauté. En effet, le but de h 

(S) Galen. Lib, de2r&cognit> 



Dissertation. txxxÿ 
Médecine, & le devoir du Méde¬ 
cin eft uniquement , après avoir 
écarté toutes opinions futiles , B c 
tous préjugés> de fe mettre en état 
de démontrer par des raifonne- 
mens fatisfefans, fondés , 8 c foli- 
des , ou d'établir d’une maniéré 
fcientifique comment,& pourquoi, 
tel, ou tel aliment, ou médica¬ 
ment eft propre à conferver la 
fente,a la rétablir,ou à produire 
les effets oppofes. D’oii il fuit que 
le Médecin doit néceffairement 
avoir une connoffTance raifonnée 
de tout ce qui peut concourir, 
foit à donner des explications foli- 
des, Sc démonftratives, de tous les 
phénomènes qui peuvent fe pré- 
lenter, foi ta former un jugement 
fuite, & vrai,fur la conftitution du 
malade, la caufè de la maladie, Sc 
1 application convenable des remè¬ 
des. Car s’il eft u ne fcience qui're- 
quere dans celui qui l’exerce un ju¬ 
gement fein , sur , 8 C une grande 



cxxxvj Dissertation. 
pénétration , toutes qualités dont 
la réunion n’eft rien moins quai- 
fée , fi r 'on en croit Hippocrate , 
c’eft certainement la Medecine. 
Car quand on veut confeiller aux 
malades ce qui convient pour les 
rétablir , ou leur interdire Tubage 
de ce qui pourroit leur nuire , on 
ne peut fe difpenfèr de connoître 
avec la plus grande préciiion leur 
tempérament , & les difpofitions 
particulières de leur corps , l’ori¬ 
gine de la maladie, fon caractère, 
&c fès caufès, & les raifons des ac- 
cidens qui l’accompagnent, & les 
vertus, & effets d’une infinité d’au¬ 
tres cliofes , & furtout des chofcs 
naturelles , te des médicamens , 
tant par Tanalyfe exacte des prin¬ 
cipes dont ces effets dépendent, 
que par Tobfervation de ce qui 
s’enfuit de leur ufage. Car le Mé¬ 
decin qui mérité la préférence, effe 
celui qui a acquis une connoifïàn- 
ce plus parfaite des cliofes naturel¬ 
les ? 



Dissertation, cxxxvij 
les, & dont le jugement efl: le plus 
mûri, tant par une longue prati¬ 
que , que par une çonnoiüànce 
plus intime de la nature des choies 
avantageufes , ou nuifibles à la fau¬ 
té. Auffi ne peut-on rien ajouter à 
l’éloge que M. de Thou, cet Hif- 
torien incomparable, fait du cé¬ 
lébré Houlier, jadis excellent Mé¬ 
decin , & Profelïèur dans l’Uni ver- 
fîté de Paris, quand il dit, que fis 
méditations continuelles lui avaient 
formé un jugement fi fain, & donné 
tant de -pénétration , quil guérijfoit 

- avec tout le bonheur poffihle les ma- 
■ ladies défefperées , & peu connues des 

Médecins , qui fatiguaient le plus 
leurs mules y en fepreffant à courir les 
rues pour fuffire a une grande quan¬ 
tité de malades, (a) Mais lesMede- 

(a) Ipfe ( Hollerius ) ajfidua médit atione acer- 
rimum judicium ad medendum attulit, ut : âe- 

- ploratos morbos, & oh fefiinatienem. ab a lits Me- 
dieis per vices vaga curjit atione mulos fatiganti- 
bus , minus cogniios ,fümma felictiate curaverti* 
Thuanus. 

Tome III* 


m 


cxxxvîij Dissertation* 

cins ignorans penfent , & fe con- 
duifent bien différemment. S’ima¬ 
ginant que i arc de traiter les mala¬ 
des dépend de la feulé expérience 
■ils croient quelle feule effen état 
de leur faire connoître ce qui peut 
être falutaire , ou nuifibîe. Rien 
n’eff cependant pins vrai, & plus 
fénfible, que ce qu’Hippocrate a 
dit il y a déjà long-rems >: que 1 ex¬ 
périence eli fou vent trompeufeen 
matière de Medecine. On appelle 
communément expérience en Mé¬ 
decine les fuites avantageufes, ou 
nuifibles, qu’on a remarquées plu¬ 
sieurs fois dans une maladie en con¬ 
séquence de l’application d’un re- 
xnede 5 & comme ces fuites tom¬ 
bent fous les fèns, ils ne peuvent 
s’y méprendre , & en ce point l’ex- 
perience n’cft pas trompeufe. Mais 
.fou vent on fe trompe groiTierement 
en attribuant par trop de précipi- 
ation l’effet que l’on remarque au 
médicament même, comme eaufè; 



Dissertation, cxxxix 
fraie, 6c unique, pendant qu’il eft 
fou vent produit par le concours de 
placeurs caufes , qui nous échap¬ 
pent, faute de lumières, ou d’une 
attention fuffifante. Ce faux prin¬ 
cipe a farci la Medecine fpéculati- 
ve, 6c pratique d’une infinité d’er¬ 
reurs j 6c je crois que la première 
caufe du mal vient du penchant 
dominant de tous les hommes, des 
hommes de toute condition , à 
donner des confeiîs en matière de 
fanté , ôc à exercer la Medecine, 
Car l’empire de la Medecine empi¬ 
rique eft fi vafte, 6c fi étendu , 6t 
fon goût une maladie tellement 
épidémique, qu’à peine quelqu un y 
depuis le cedre jufqu’à Hhiftope 
en eft-il exempt, 6c peut-il fe défi* 
fiendre de l’attrait d’annoncer com¬ 
me éprouvé6c infaillibîe,quelque 
fecret contre quelque maladie ; fe- 
cret fou vent célébré par les maux 
qu’il procure. Mais cet attrait eft 
fî puifiàntque, malgré les lumie- 


ëxl Dissertation. 

res de notre fiécle, à peine peut- 

on y rélifter. 

Et comme une grande partie des 
Médecins prennent le parti, pour 
traiter les maladies, de ne conlul- 
ter que l’expérience dépouillée de 
tout rationnement , ils le trouvent 
nécelîàirement dans le cas de ne 
pouvoir rendre une raifon même 
probable, loin de pouvoir la donner 
claire , & complette, de ce qui les 
engage à confeiller , ou defFendre 
certaines choies. C’eft aulîi cetern- 
pirifme qui eft caulè du peu d’ac¬ 
cord qui fe trouve encore aujour¬ 
d’hui entre eux au fujet de I’eftèt 
des remedes. Car l’un déiaprouve, 
èc blâme entièrement dans unema- 



Je me contenterai de rapporter 
quelques exemples pour prouver 
P ro P°ftbon. Combien de dé¬ 
mêlés ne voit-on point encore tous 



Dissertation. cxî) 
les jours au fil jet de la faignéedans 
les fièvres intermittentes,& exan¬ 
thématiques j de l’écorce de quin¬ 
quina , éc de cafcarille contre les 
fièvres intermittentes opiniâtres j 
des remedes martiaux dans la ca¬ 
chexie , Si l’afFection bÿpochoh* 
driaque 5 des forts purgatifs dans 
l’hydropifie ; de l’ufage intérieur 
du camphre dans les fièvres mali¬ 
gnes , & les délires ; du lait dans la 
phthifïe, & les douleurs de goûte j 
des laxatifs doux, comme la man¬ 
ne j vers le tems de la fuppuration 
dans la petite verole ? Combien > 
dis-je , de contrariétés , d’oppofi- 
tions au fujet, de ces remedes, en¬ 
tre les Médecins, qui tous cepen¬ 
dant en appellent à l’experience fur 
leurs bons, Si mauvais effets, 6c 
partent du principe que l’expé¬ 
rience efile fondement de toutes 
les vérités médicinales ? Nous 
avons donc cru rendre fervice au 
~ Public en recherchant fcrupuleu- 


cxii j D i s s-e kt at i oh. 

fementles vraies eanfes de tant de 
diffentions , & de difputes,.& pl US; 
encore en examinant avec atten¬ 
tion le vrai moïen de fortir de ce 
labyrinthe de eontradicHons, 

Il faut donc commencer par re¬ 
marquer qu’il y a très-peu. de Me* 
deeins qui aient des principes sûrs 
pour porter un jugement fain fur 
les vertus des médicamens 3 &leur 
maniéré d’agir. En effet, la plus 
grande partie s’imagine que toutes 
les eanfes actives , & par confé- 
quent les médicamens y & les ali- 
mens ^ont des qualités falutaires,, 
ou nuifibles , certaines, confian¬ 
tes > & abfoluës * ce qui n’eft pour¬ 
tant pas vrai : car quand on exa- 
mincies choies plus attentivement^ 
on voit que ces qualités dépendent 
de certains rapports, & de certai¬ 
nes dif polirions , auxquelles elles 
font tellement attachées y que la 
différence des fujets & des tem- 
péramens, celle deacaufcs morbiS- 


Dissertation. cxKij 
' qnes, le tems, la mefure, l’ordre ÿ 
êc la maniéré de les appliquer, pro~ 
duifenc dans leurs effets des diffé¬ 
rences , & des variétés palpables 
Les médicamens ne font donc 
point, exceptés de la régie connue 
des Philofophes , qui veulent que 
les corps n’agiflent point félon leur 
fphere d’achivité , mais que leur 
a&ion foit déterminée, & modi¬ 
fiée par la difpofition de celui qui 
reçoit leur imprefiion. 

Pour faire voir plus clairement 
la vérité de cet axiome en matière 
de Médecine , il ne fera point hors 
de propos de mettre fous les ïeux 
les differens effets des ali mens , èc 
des médicamens dans differentes 
difpofitions des fojets qui en font 
ufage. On voit tous les jours les 
alimens les plus propres à fournir 
de bons fucs, eau fer le plus grand 
dommage aux malades.- L'eau pure 
froide eft un des meilleurs remè¬ 
des A des. plus propres à rétablir 



cxliv Dissertation. 
les forces dans le bouillonnement 
du fang ; & c’eft un poifon des plus 
actifs , quand on en boit trop dans 
les fueurs que le travail fait fortir. 
Le caffé donne beaucou p de forces 
d’efprit , & de corps, aux vieil¬ 
lards ; mais il n’eft pas également 
ami de la jeunelîe , & furtout des 
femmes , qui ont le fyltême des 
nerfs très-délicat, & à qui il caufe 
quelquefois un tremblement de 
membres très - incommode. Entre 
les médicamens, la magnefie blan¬ 
che purge parfaitement bien ,lorf- 
qüe les premières voies font rem¬ 
plies d’acide 5 mais elle ne fait que 
donner des tranchées, lorfqu’elles 
font incruftées d’humeurs vifqueti- 
fes. Le mercure doux eh un ver¬ 
mifuge excellent pour les enfans j 
mais il prend très-fouvent une na¬ 
ture veneneufe lorfque les premier 
res voies font remplies de rec-re- 
mens bilieux , & âcres. Gn emploie 
fouvent avec beaucoup de fuccès 


- Dissertation. cxlv 
les aromates d'une odeur agréable, 
comme le mule, 6c l’ambre , dans 
les mouvemens convulfifs, 6c épi¬ 
leptiques des enfans , 6c dans l’af- 
fection hyftenque ils augmentent 
plutôt les défaillances, 6c les mou¬ 
vemens fpafmodiques. Les médi- 
camens compofés de nitre , ou d’o¬ 
pium. corrigé font p aida ment 
îortir la fueur, 6c les effioreibences 
de la peau dans les fujets attaqués 
de douleurs, 6c de fpafmes, mais 
ils font très-pernicieux aux fujets 
phlegmatiques, 6c foibles, en fop- 
primant la tranfpiration , 6c em¬ 
pêchant la ferrie des efflorefcences. 
Neus avons vâ la laignée admi- 
niftrée de bonne heure à des jeunes 
gens fanguins , qui avoient beau¬ 
coup de difpofition à laphthifie, 
les garantir entièrement de cette 
maladie, pendant que d’autres d’un 
tempérament phlegmatique font 
tombés dans la phthifie , 6c l'hé- 
moptyfie , pour avoir fait un trou 
Tome III » 


cxlvj Dissertât i on. 

grand ufage de ce rcmede. Les ef- 
prits de corne de cerf, & volatil 
urineux de, fel ammoniac , met¬ 
tent la malfe du fang dans un trop 
grand mouvement , comme tout 
le monde en convient 5 j/ai cepen¬ 
dant vu emploier ces remedes avec 
beaucoup de fuccès dans le crache¬ 
ment de fang , le faignement de 
nez, & les pertes par l’utérus. Il 
eft notoire que deux grains de ré¬ 
fine de jalap , diffouts, ou réduits 
en pilules , font quelquefois faire 
une dixaine de fejles , & que dix 
ont fou vent peine à procurer une 
évacuation aufîi violente dans d’au¬ 
tres fujets. Il y a des corps, où une 
petite dofe de mercure appliquée 
aux malléoles eft fouvent caufe 
d’une abondante fâlivation, il y 
en a d’autres à qui une grande dofe 
de ce remède ne la procure qu’a¬ 
vec beaucoup de peine 5 en un mot 
il n’y a point de purgatifs , qui 
donné à la même dofe à differente? 


Dissertât i on» cxlvij 
perfonncs, ne fade des opérations 
extrêmement differentes. Enfin , 
nous pendons de.même de tous les 
autres remedes , & de ceux qui ont 
beaucoup d’activité, & d’énergie ; 
& en conféquenee qu’Hippocratc 
a eu raifon de dire , que perfonm 
ne dappliqmm à l'élude de la Mé¬ 
decine , fi le même régime , & /g 
meme , genre de me convenoit éga¬ 
lement aux per famés faines , & ma¬ 
lades , ou fi l’effet des remedes étoit 
toujours le meme. Mais défi , ajoute- 
t’il, ce qu’il ne faut efperer dans au¬ 
cun tems, ( a ) Car les alimens , 
comme les médieamens * font 
d’eux-mêmes , ■& de leur nature* 
également difpofés. à nuire , & à 
faire du bien ; & leur ulage n’eft 
avantageux que quand on les em- 

tâ ) Nems ad Medicinam. addifcendam ani- 
sriiim applicaturus effet, fi eadem r üit& & vicias 
ratio , & fanis , iff &gris accommodata effet, 
tsel et'utmfiidemfemper effecius data remédia fe- 
queretur ; quod tamen nitllo unquam tempore 
Çxpeçiare U cebit . Hipp. Jjb. de Prijè. Médian, 

nij 


cxlviij Dissertation. 
ploie avec prudence , & circonf, 
pedtion, & qu’une raifon éclairée 
y préfide. Autrement ils font plus 
nuifibles que profitables. 

Ce que nous venons de dire nous 
conduit naturellement à l’examen 
de la queftion en quoi con fille le 
bon, ou mauvais ulage des médi- 
camens , & comment on peut évi¬ 
ter de fe tromper dans leur appli¬ 
cation, 

. Si nous confierons fur ce point 
les Auteurs les plus anciens, & 
les plus éclairés , qui aient écrit 
fur la Médecine , Hippocrate, Ga¬ 
lien , Celfe, & autres , nous trou^ 
verons qu’ils font unanimement 
d’accord , que, pour traiter les ma* 
lades d’une maniéré qui leur foit 
avantageufe, il faut non-feulement 
faire attention à la maladie , 6e aux 
accidens, mais principalement au 
tempérament , ou à la difpofition 
particulière, &; organique du ma¬ 
lade , à fétat de fes forces 3 au^ 



Dissertation. cxliis 
maladies qu’il a précedament ef- 
fuiéeS v à la difpoütion héréditaire 
qu’il peut avoir aux maladies , à 
fou âge j à l’habitudè du corps, au 
régime , 8c an genre de vie qu’il 
fuit , à lès habitudes , au climat, 
à lafaifon , au terris , 8c aux pro- 
grès de la maladie ; parce que le 
traitement doit être fort diffèrent 
dans ces differentes circonftanees , 
8c que les remedes y opèrent très- 
differemment : 8c , pour tout dire 
en peu de mots , pour bien traiter 
un malade, 8c bien prefcrire les re¬ 
medes convenables, il faut que le 
Médecin commence par faire une 
hiftoire exacte, autant qu’il eft pof- 
ffble, de la maladie, 8c du malade ; 
& s’il veut l’approfondir dans tou¬ 
tes fes circonftanees, 8c furtout fa 
eaufe, & fes fymptômes, au moïen 
d’une faine théorie phyfique , 8c 
médicinale , il s’appercevra aifé- 
ment qu’il ri’y a point de remedes 
particuliers , 8c fpécifïques pour 


cl Dissertation. 
quelque maladie que ce foit ÿ & 
que beaucoup de ceux qui font du 
bien à des fujets attaqués d’une 
maladie , font très-nuifibles à d’au¬ 
tres dans la même maladie. Cette 
docfcrine rend donc évident que 
le meilleur moïen qu’il y ait pour 
mettre la concorde, Se l’unanimité 
entre les Médecins 4 & les accorder 
fur les Jugemens qu’ils portent/ur- 
tout furies effets des médieamens 
dans les differentes maladies, eft 
de rapporter ces effets falutaires, 
ou nuiiïblcs, aux circonftances con¬ 
tenues dans les biftoires de ces ma¬ 
ladies. Mais c’eft le moindre foin 
du commun dés Médecins , qui 
n’en a pas plutôt entendu-le nom , 
remarqué quelques fymptomes, 
qu’il fe preiïè de preferire les reme- 
des , que fon expérience loi a laie 
coqnoîrre avoir féufB dans une ma¬ 
ladie pareilles celle qui fe préfente 
à traiter, ou dont il a entendu van- 
ter 1 efficacité dans la même mahr 


Dissertation. clj 
die, 6c il eft également difpofé, êc 
prompt, à rejetter ceux que le pré¬ 
jugé , Fondé fur fon expérience , 
ou celle a autrui , lui fait croire 
contraires, ou nuifibles. 

Un bon , 6c habile Médecin » 
après s'être mis au fait de la mala¬ 
die , ôc des caufes antécédentes qui 
ont pu contribuer à fa production * 
s’attache encore à en déduire là 
première origine, ou fource, d’où 
iortent fes accidens, ou effets, 6C 
dirige Fon traitement de maniéré 
à en déraciner la caufe , 6c fur tout 
la caufe prochaine. Mais ceux qui 
fe conduifent d’une maniéré em¬ 
pirique j font plus d’attention aux 
accidens qu’à la caufe , 6c ne s’at¬ 
tachent qu’à calmer les- fympt&- 
mes i ils emploient des remedcS 
variés , ôc mal aflortis au defïeia 
qu’ils devroient executer. Or le 
principal caraéfcere d’un Médecin 
éclairé , 6c qui raifonne, eft d’écar¬ 
ter la multiplicité , 6c la variété 



cîij Dissertation. 

des remedes, & de choifir dans m 
•petit nombre, auquel il sert ref¬ 
ît ai nt , ceux qui font appropriés } 
& efficaces contre la maladie qui 
fe prefente a combattre. £n effet y 
les caufes tant prochaines, que mé¬ 
diates des maladies ne font point 
en grand nombre > ni fort variées** 
elles font fimples, & en petit nom¬ 
bre , bien que fuivant les differen¬ 
tes parties qiTelles attaquent, elles 
prodmfent des effets très-differens. 
Il n’eff donc pas befoin pour les 
furmonter d’une (i grande abon¬ 
dance , ou diverfité des remedes y 
pour qu’on les adminiftredans l’or¬ 
dre , le rems, & de la maniéré con¬ 
venable. Mais ce n’eft point là la 
conduite d'un Médecin qui entre¬ 
prend la cure d’une maladie fans 
etre fuffîfamcnt pourvu des bons 
principes. Car dès qu’un remede 
pianque de produire furie champ 
1 erret qui le lui a fait mettre en 
œuvre , il ne balance point à 1s 


Dissertation. clifj 
changer, & à lui en fubftituer un 
autre, qui eft également traité, s’il 
ne répond pas à Ton intention 
mieux que le premier. Or loin que 
cette mauvaise méthode de chan¬ 
ger j ôc de multiplier les remedes, 
abbatte la force de la maladie, elle 
ne fait au contrairele plus fouvent 
qu’accabler le malade , & rendre 
la maladie plus dangereufè , & plus 
opiniâtre. Dans cet état on ne fera 
point furpris que les plus anciens 
de nos Auteurs fe foient fi fort éle¬ 
vés contrele fréquent changement 
des remedes , & que non - feule¬ 
ment ils aient jugé cette méthode 
infidèle, mais même très-contraire 
au rétabliflèment des malades. Car 
-tel eft le caraclere , ou telle eft la 
propriété de chaque médicament 
en particulier , qu’il caufe nécef- 
fairement une altération dans le 
corps , altération qui ne peut être 
mal ordonnée à la fin que la na¬ 
ture fe propofe, ou mal propre à 



cîiv Dissertation. 
furmonter la caufe de la maladif, 
fans caufer ordinairement des dé- 
rangemens beaucoup plus confidé- 
rables de i’œconomie animale , en 
dérangeant les mouvemens falu- 
taires de la nature. Ceft donc avec 
raifon que ce grand Philofophç 
d’Angleterre, le célébré Bacon, a 
appelle U quantité & la variété des 
•médicamens , la fille de l’ignorance , 
qu’animé d’un véritable zélé 
pour le bien public , il reprend en 
ces termes les Médecins qui fe font 
ii peu d’affaire de changer fou vent 
de remedes $ à juger de la conduite 
des Médecins , par les foins quils 
prennent tous les jours pour leurs 
malades , en venant les vif ter , exa¬ 
minant leur état , & leur ordon¬ 
nant des remedes , on croiroit fans 
doute qu ils fument pas a pas U 
maladie , & quils ne- s'écartent pas 
du chemin dans lequel ils (ont une 
fois entrés mais f Ion pénétre dans 
£e qu'ils ont coutume d’ordonner % ou 


Dissertation. ch 

d’adwïnifirer aux malades , on n*y 
trouvera, communément qu incertitu¬ 
de , & inconfiance y & l'on verra que 
ce qu’ils imaginent fur ie champ , ou 
qui fie préfente a leur efprit , n’a point 
de rapport a un but déterminé auquel 
ils dirigent le traitement, (a) 

Des perfonnes de diftincHoii 
m’ont fonvent demandé à quoi l’on 
peut diflinguer un Médecin habile, 
& éclairé, à qui l’on puiiïe donner 
sûrement fa confiance } de celui 
qui n’a pas les qualités nécefïàirés 
pour la mériter ; & voici la ré- 
ponfe que j’ai toujours faite. « 11 

•. (a) Remediorum copia , fiÿ.varietas, igno- 
rmtu filiœ.... & fi ex. opéra Medkorum quotk 
diana ; qàam invifendo ajfidendo , pr&firïbëndo- 
Agrotis pra.fi ant, pmaret quifpiam hauâ fegniter 
iîlos curaùonem perfequi, atqae- in eadem certe- 
quafi via infifiere s tamen fi qui s en , qu& pr&~ 
fcribere , <Q> adminifirare , [oient Medici , accu- 
ratias introjpiciat s mveniet pleraque vacillatia- 
nis & inconfiantiA plena . & qu.& ex tempore 
excogiidntur ,âc in mentem illis ventant, abfqae- 
certo aliquo pr&vifo -curatwnis termine., Yemiattt. 
l/ib. I. De Attgment . Scient.. 



clvj Dissertation. 

« faut fe garder de celui n qui, ne 
« connôiflant point encore parfais 
53 tement le véritable caradere de 
’3 la maladie, & fa vrai caufe, ni 
33 le tempérament du malade , f e 
33 prelTè d’ordonner des remedes ) 
33 & ne fait point difficulté'd’en 
33 changer fouvent ; mais on ne 
»3 peut trop eftimer celui qui , 
33 avant de fe difpofer à en ordon-* 
33 ner, pénétré , au moïen de beau- 
33 coup de questions qu’il fait, la 
’a difpofition du corps, & de l’ef- 
»3 prit de fon malade, s’inftruit de 
33 l’état de fes forces , de celui de 
»3 la digeflion , & des excrétions, 
33 du caractère de la maladie ; de 
» fon origine, & de fès caufes éIol-= 
»3 gnées , en fefant exadement at- 
33 tention au régime , au genre de 
33 vie, & aux autres chofes qui peu- 
33 vent lui donner des lumières fur 
’3 ce fa jet, & qui , après de férieu- 
.33 fes attentions , a coutume de 
33 preferire peu de remedes j dont 


Dissertation, elvij 
» il fait continuer l’ufage, avec un 
j3 régime convenable.» Car on doit 
» toujours fe défier des fréquens 
changemens de remedes. 33 Auffi 
les Anciens fe font-ils élevés avec 
force contre cet abus 5 comme il 
paroît. par le paffage fuivant de 
Celfe, U faut , dit-il , fe garder 
d’emploier tantôt une chofe , tantôt 
une autre , auff-tot quun remede 
quelconque ne répond pas à l'inten¬ 
tion qui le fait mettre enufagep car 
dans les longues maladies que le tems 
détruit , comme il les a fait naître , 
il ne faut point d'abord condamner 
ce qui n'a point été avantageux fur le 
champ , & encore moins difcontinuer 
ce qui a fait tant foit peu de bien * 
parce que ce bien devient plus confia 
derable avec le tems. ( a ) En effet 3 

(a) Oportet , ubi aliquidnon refpondet , noty 
txperiri aliud atque aliud, Nam in longis mor- 
vis, quos tempus ut facit, ita folvit ç non fiatirn, 
tmdemnetur fi quid ftatim non profuit ; minus 
Vero retnoveatùr .fi quidpaulum fitltemjuvat t 
quia ptofoetus tempore expletur, Celf. Jab, lit. 
fap. i, ' 


clviij Dissertation 1 . 
s’il y a chofe, ou art, au monde 
on le fecours du tems foit nécelTaire 
pour parvenir au but qu’on fe pro- 
pofe, e’eft certainement la Méde¬ 
cine } car il ne peut s’opérer aucun 
effet déterminé , ni ce qui eft con¬ 
traire , & fait obftacîe aux mouve- 
mens de la machine, être éloigné 
du corps , qu’au rnoien d’une pro¬ 
portion , d’une mefure, d’un nom¬ 
bre de mouvemens déterminés, qui 
demandent un tems limité. On 
peut appliquer à merveille à notre 
fujet ce que dit Juvenal, que celui 
qui décide du falut de quelqu’un 
ne doit jamais être trop preflé. 

Il faut encore qu’un Médecin 
prudent, pour adminiftrer comme 
il faut les remedes qu’il veut era- 
ploier fafïe exactement la diffé¬ 
rence des temperamens foibles 
délicats, de ceux qui font vigou¬ 
reux , & robüftes. Car ceux-là font 
en butte à toutes fortes de mala¬ 
dies , ôc d’accidens. fâcheux , SC 


Dissertation. dix 
même ont plus de peine à guérir j 
au lieu que ceux-ci font plus en 
état de fupporter la maladie, & les 
impreffions des médicamens capa¬ 
bles de nuire , & de furmonter les 
Caufes morbifiques. Il eftdoncin- 
difpenfable à un Médecin habile 
de diftinguer exactement , non- 
feulement les tcmpéramcns forts, 
Sc foibles , mais ks remedes vio- 
lens de ceux qui le font moins, ou 
dont l’opération efi: douce. Car 
Hippocrate a très-Jttdicieufement 
remarqué qu 77 ne fautjamais admi- 
nifirer les médicamens violens } qui 
caufent naturellement dès alterations 
confiderables aux corps , dans les 
maladies peu confider ables, & fur 
des fujets foibles . Ça J Toutes "les 
Ecoles des Médecins raifonnables 
retentifient encore au jourd’hui de 

fa ) Médicamenta a natura fortîora., qmbus 
” Jis fatum corporis tranfmutandi inefi , nec itp 
dehihkus morbis , nec debilibus naturif , dare 
portât. Hipp. fib. de Hem. f. J4, 


clx Dissertation. 
cet avis falntaire. Mais les Méde¬ 
cins Praticiens du commun font 
peu d’attention à cet utile pré¬ 
cepte , & fans égard à la violence 
du mal, à la foibleflè du malade, 
ôc à la force du remede, ils s’ima¬ 
ginent qu’il faut de la violence , 
des leviers, pour ainli dire , pour 
déraciner une maladie opiniâtre, 
ét chronique,qui fe préfènte à com¬ 
battre , & dans ce préjugé ils em¬ 
ploient fans balancer les plus forts 
purgatifs, falivans, émetiques, fu- 
dorifiques, ôçdiurétiques. Maison 
ne fauroit croire le préjudice que 
ce traitement caufe à ceux qui font 
attaqués de maladies chroniques, 
X’ai fouvent remarqué avec dou¬ 
leur le tort qii’avoient- fait des re- 
medes violçns , & fouvent réité¬ 
rés, aeiminiftrés par des Médecins 
du premier ordre à des perfonnes 
délicates , & j’ai eu le regret de 
voir périr par leur faute des per- 
fpnnes du premier rang, que des 
/ remedes 


Dissertation. clxj 
remedes plus traitables , & plus 
sûrs , auroient pu tirer d’affaire. 
Pour moi je puis attefter avec une 
parfaite fincerité que depuis plus 
de cinquante ans que mes foins 
font avantageux à une infinité de 
malades, je me fuis toujours fcru- 
puleufement abftenu de tous les 
remedes violens , Toit évacuans , 
caïmans, ou alterans , tant dans 
les maladies aiguës , que chroni¬ 
ques , dans les fujets foibles, que 
les vigou reux, Sc que j’ai eu le bon¬ 
heur de réuffir, avec le fecours de 
Dieu, fans emploier jamais que les 
plus doux , les plus surs , &c ceux; 
dont une longue expérience avoit 
conftaté les bons effets 5 de j’ajoute 
avec la même franchife, que cette 
pratique douce, ôc sûre , a guéri 
parfaitement un nombre infini 
d’hypochondriaques , de mélan- 
choliques, de maniaques , de ca¬ 
chectiques 3 de fcorbutiques, d’hy¬ 
dropiques , d’afthmatiques, ôc de 
Tome III. o 


eîxij Dissertation. 
malades attaqués de fièvres inter¬ 
mittentes opiniâtres. 

Nous allons pafler aux autres 
caracferes qui diftinguent un Mé¬ 
decin habile d’un ignorant. Celui- 
ci eft intimement perfuadé qu’il y 
a non-feulement des remedes fpé- 
cifiques, & fpécklement falutaires 
pour chaque maladie en particu¬ 
lier , & qu’il éleve jnfqu’au Ciel > 
comme des fecrcts admirables , 
mais qu’il y a des remedes nniver- 
fels, que la Chimie tire fiirtout de 
l’or , dont il vante les effets mira¬ 
culeux dans toutes les maladies ; 
ce qui lui acquert une grande ré¬ 
putation parmi le peuple ignorant ? 
Sc lui procure un bénéfice coïïfî- 
derable. Mais un Médecin (avant > 
èc dé bonne foi , fe mocque de 
toutes ces chimères enfantées- pair 
une mauvaife théorie phyfique, & 
médicinale j & > comme il l'ait 
parfaitement qu’il y a des différen¬ 
ces infinies entré les. eaufès 5 les 


DI SSERfÂT IÔN. cîxüj 
tems des maladies , 6c entre les 
temperamens des differens mala¬ 
des , il eft convaincu qu’il n’eft pas 
poffible de trouver un remede qui 
convienne également à tout. Mais 
c’eft furtout contre les prépara¬ 
tions de 1 or qu’il eft le plus en 
garde 5 parce que la Chimie met 
en évidence qu’il n’y a point dans 
tout l’Univers de corps moins pro¬ 
pre que l’or aux ufages médicinaux* 
En effet, fon tiflu extrêmement 
ferré 3 d’oii dépend fa pefanteur , 
la plus grande de tous les corps , 
ne peut s’ouvrir , 6t fe brifer qu’au 
moïen du menftruë corrofif que 
nous préparons communément 
avec le nitre, ÔC le fel marin 5 ÔC 
il eft très-faux que les menftruës 
m lipides puiflent qperer , comme 
des Alchimiftes l’aflurent 5 l’intime 
diiiblution de ce métal , diffolu- 
tion néceflaire cependant 3 fi l’on 
veut qu’il produife des effets dans 
le corps humain, 

© ij 



clxiv DISSERTATIONV 

Une des principales qualités qui 
foient néceflaires à un Médecin 
pour être habile , &: vraiement 
théoricien, eft de (avoir porter un 
jugement sur , & certain , fur les 
chofes médicinales que i’experien- 
ce n’a point encore fait fuffifament 
connoitre. En effet, on eh quel¬ 
quefois confulté fur des cas très- 
particuliers , & qui, par la compli¬ 
cation des accidens differens , ôc 
furprenans , ne reffemblent à au¬ 
cun de ceux qu’on trouve dans 
les obier varions. Dans ces circonf- 
taneês il faut beaucoup d’attention, 
de réflexions , de pénétration , 
ôc de jugement, non-feulement 
pour découvrir la caufe de la ma¬ 
ladie, & des fymptômes, mais pour 
trouver la méthode convenable 
pour l’attaquer, & la fùrmonter. 
On voit auffi très-communemenc 
la difpohtion (inguliere , & ex¬ 
traordinaire des faifons ,j 5 c de l’air, 
produire de nouvelles efpeces de 


Dissertation. clxv 
maladies, 6c furtout de fièvres épi¬ 
démiques , dont l’experience n’ap¬ 
prend pas le véritable traitement, 
& qui demandent de la part du 
Médecin une étude particulière 
pour parvenir à fa découverte. Il 
ne faut pas cependant que ces diffi¬ 
cultés rebutent le Médecin. Elles 
ne font pas infurmontables pour 
celui qui eft bien au fait de fa pro- 
feffion. Car muni d’une bonne 
théorie phyfique, ôc médicinale , 
6 c d’une fuffifante quantité d’ob- 
fervations cliniques, il peut allez 
àifément découvrir le chemin qu’il 
doit tenir, en fefant une attention 
exacte aux çirconftances , 6c aux 
caufes, à ce qui a précédé , êc fui- 
vi j 6c fe déterminer fur la préfé¬ 
rence qu’il doit donner à la iài- 
gnée, aux laxatifs, ou aux acides, 
6 £ nitreux , fur les volatils, 6c fpi- 
ritueux. Audi Hippocrate donne- 
t’il avec raifon comme un carac¬ 
tère de l’habileté, 6c de la capacité 


clxvj Dissertation. 
d’un Médecin ? de /avoir imaginer 
ou découvrir , lorfquil fe pré fente 
une maladie nouvelle , & qu’on na 
point encore obfervêe. (a) 

Il éft connu des moins verfés' 
en Medecine, que les differens 
climats , foit du côté du Septen¬ 
trion , ou du Midi, ont leurs ma¬ 
ladies particulières, produites par 
la differente difpofition de l’air, & 
la dilîerente maniéré de vivre, èc 
de fe conduire. Or ces maladies 
demandent un traitement des 
remedes particuliers, comme Celfe 
l’a fort bien remarqué , quand il 
dit que tel remeâe convient à Rome y 
tel autre en Egypte , & tel autre dans 
les Gaules . { b ) Lors donc qu’il ar¬ 
rive à un Médecin éclairé , de 
changer de pais , ce qui n’eft pas 
rare, comme de palier de Danne- 

(a) AliquidpoJJtt invenire,fiquœndo novuîj 
©■> antea non objervatus morbus occuvreret » HipP- 
Lib. de prifcr. IPLedic. 

( b ) -A-llüd opus efi R oms., aliud in ÆgVpt&» 
aüud in Gallia. Cclf. Lib. I. cap, %. 


Dissertation, elxvlf 
marc, ou de Suède, en Italie, ou 
d’Italie , & d’autres païs chauds , 
dans les terres Septentrionales , il 
s’aperçoit aifément qu’il eft nécef- 
faire de changer de remedes , & de 
méthode pour traiter les maladies. 
En effet, les remedes puiflans , de 
énergiques, que la force ordinaire 
aux habitans des païs froids les met 
en état de fupporter, fans qu’il leur 
en arrive de mal, font prefque tou¬ 
jours extrêmement préjudiciables 
aux habitans des païs chauds , à 
caufe de leur grande fenfîhilité. Il 
faut encore remarquer que la dif¬ 
férence des temperamens, ainlî que 
celle de la difpofition des humeurs 
dans les differentes Nations, chan¬ 
ge prodigieufement les operations 
des médicamens. C’effi ainfi qu’en 
Hollande , êc en Flandre , où les 
corps font tidus de fibres plus grof- 
fieres, de moins diadiques, de rem¬ 
plis de liqueurs difficiles à mettre 
en mouvement &1 les feis volatils, les 


eîxviij D i ssert at î on/ 

fpiritueux , les infufions chaudes 
font merveille, pendant qu’en Ita¬ 
lie ,oii les liqueurs font plus flui¬ 
des , 8c plus aifées à mettre en. mou¬ 
vement , les fibres plus tendues, & 
plus élaftiques , ces remedes font 
communément très-nuifibles 5 au 
lieu que les anodins , les adoucif- 
fans, 8c les nitreux font des mira¬ 
cles. Un avantage que tous les Lec¬ 
teurs peuvent tirer de ces réfle¬ 
xions , efl: de favoir qu’en lifant les 
écrits de quelque Médecin que-ce 
foit, un de fes premiers foins doit 
être de s’inflruire dans quel païs il 
a vécu, 8c exercé fa profeffion, de 
crainte d’emploïer, par exemple , 
dans les païs chauds , fans égard à 
la différence du climat, des formu¬ 
les de remedes qui auront été em- 
ploïées avec fuceès par un Médecin 
Flamand. 

11 y a encore une différence ef- 
fetitielle entre un Médecin fuflifa- 
ment verfé dans, la connoifîance 
de 


Dissertation. dxix 
de la phyfique méchanique, & ce¬ 
lui qui eft entièrement ignorant, 
ou étranger dans cette fcience très- 
utile. Car celui-là eft en état de 
eonnoître par l’odeur, le goût, & 
i’anaîyfe. chimique les élémens, les 
principes, & les vertus de tous les 
remedes, de quelque régné qu’ils 
foient tirés, par exemple des four- 
. ces minérales s tant chaudes que 
froides, quoiqu’il ne s’en foit pas 
encore fervi, & quels effets ils peu¬ 
vent produire dans telle , ou telle 
maladie, tel , ou tel tems, telle , 
ou telle difpofltion du corps. 

11 n’eff pas hors de propos de 
donner un exemple pour rendre 
ceci plus fenfible, L'experience a 
fait allez eonnoître , à ce que je 
penfe, que l’écorce de cafcarille effi 
un remede très-efficace contre les 
cours de ventre exceffifs , tant fe- 
reux que fanguins 5 or le Médecin 
inftruit des vrais principes de fon 
Art , pourra eonnoître aifément 
Tome III, p 


cîxx Dissertation. 
par un examen exad fait en confé¬ 
rence des régies qu’il a apprifes ; 
fes effets , 8 c fa maniéré d’agir * 
bien qu’il n’en ait jamais entendu 
parler. Car cette écorce rend d’elle 
même une odeur agréable, & con¬ 
tient un principe amer, terreux , 

& réfineux ; d’où le Médecin con¬ 
ciliera très-bien qu’elle eâ anodine, 
fortifiante, & capable d’adoucir les 
humeurs âcres. 

On connoît encore le Médecin 
habile , & éclairé , à l’attention 
qu’il fait aux reflburces, ■& aux fe- 
cours de 4 a nature, en traitant les 
maladies, 8 c furtout les maladies 
aiguës , fans s’en rcpofer entière¬ 
ment fur les remedes, & leur ma¬ 
niéré d’agir. Car toute l’Antiquité 
a regardé , & appel lé la nature h 
meilleure Médecine de tous les 
maux , 8 c avec raifon. En effet, 
fpuvent par les propres forces, ou. 
avec le plus léger fecours de l’Art, i 

& Ll d’un régiine convenable , elle 



Dissertation, clxxj 
furmonte très-aifément les mala¬ 
dies les plus dangereufes , comme 
la pefte , les fièvres exanthémati¬ 
ques , la petite verole , 1 a rougeole, 
les fièvres i nflammatoires, dans les 
gens du peuple, les païfans, & les 
peuples qui n’ont ni Médecins, ni 
medicamens. 

Mais il y a très-peu de Médecins 
qui connoidènt, M comprennent 
bien ces fecours thérapeutiques , 
qui réfultcnt de l’art infini avec 
lequel Dieu a coudrait notre ma¬ 
chine , St qui font connus fous le 
nom de nature , fecours aufquels 
notre corps cft redevable pendant 
toute la vie d’être garanti des at¬ 
teintes d’une corruption meurtriè¬ 
re , à laquelle il eft extrêmement 
diîpofé de lui-même, .& par fa na¬ 
ture ; êt fecours, au moïen des¬ 
quels., ce quieft contraire à la vie f 
& à la fanté , eft continuellement 
chafle du corps , pendant que ce 
qui iuied utile , <gt avantageux y 


clxxij Dissertation. 
eft retenu. Un Medeein prudent 
■ne peut donc faire trop d’atten¬ 
tion , en traitant furtout les ma¬ 
ladies aiguës , au caractère, à la 
force, à l’efficacité des excrétions, 
& des mouvemens contre nature, 
& aux tems où ils fe font, ni exa¬ 
miner trop férieufement s’ils ten¬ 
dent à la confervation de la vie , 

. èc de la fanté, ou au retablifïement 
de cette derniere, ou bien s’ils ten¬ 
dent à la deftrudtion du corps, ou 
à la mort : outre qu’il eft indifpen- 
fable de gouverner, & de remettre 
dans l’ordre ces mouvemens , en 
emploïant les remedes appropriés 
quand ils manquent par excès, ou 
par deffaut ; furtout quand il efl: 
certain que la puiifàncc, de l’ufage 
de notre Art conlifte principale - 
ment à prendre l’empire fur ces 
mouvemens, & à les conduire de 
la maniéré la plus avantageufe à la 
nature. Et comme il arrive fom* 
vent que Içs mouvemens de la na? 


Dissertation, cîxxiij 
ture s’exécutent dans le tems , &C 
l’ordre convenables, & font fortir 
les matières nuifibles par les excré¬ 
toires inftitués pour cet ufage , le 
Médecin prudent apporte toute 
fon attention pour ne point trou¬ 
bler par des remedes violens , ou 
donnés à contre-tems, l’ordre falu- 
taire de la nature. 

Mais c’eft à quoi prennent le 
moins garde les Médecins igno- 
rans, qui, ne cb'nnoiflànt point les 
loix que fuit la nature pour operer 
lâ guérifon des maladies , inter¬ 
rompent cet ordre li favorable par 
les remedes violens, par les reme¬ 
des doux , fouvent répétés 3 ou 
même parles remedes peu conve¬ 
nables qu’ils emploient, au grand 
préjudice de leurs malades. 

Un defïaut tout oppofé à celui 
que nous venons de relever , eft 
celui dans lequel font tombés de 
nos jours des Médecins du pre¬ 
mier ordre 3 qui ont tellement 
P üj 


cîxxi v Dissertât i on, 
étendu l’empire de la natureque 
la Medecinë raifounée en a beau¬ 
coup fcufrert. Ils s’efforcent d’éta¬ 
blir que la nature n’eft autre ehofe 
que Famé, quiéft douée deraifon 5 . 
Sc qui a formé le corps même avec 
l!ne ffgeliê, & un art merveilleux j 
a où ils concluent qu’ils ffy a point 
de doute qu’elle ne le conferve, êc 
ne gouverne avec la même fageffe 7 
e’eff-à-dire , en réglant, de. diri¬ 
geant fes mouvemens:, de maniéré 
que dans l’état de maladie, comme, 
dans celui die fanté , elle chafîc du 
corps par les excrétoires, convena¬ 
bles , ce qui lui eft nuif ble , de le 
menace de là ruiner De ces princi*» 
pes û s’enfuit * felon ces Phyfiolo- 
giftes, que F exercice de notre Art 
ne demande pas une théorie re¬ 
cherchée 5 de que l’explication des 
pheno menés du corps ne fuppofe 
pas des raifons puifées: dans les 
principes phyfiques , de méchani- 
ques, qui ont plutôt leur applica- 


i> I SSEPvTÂT IÔN. dxxv 
tion aux chofes inanimées, qu’aux 
corps qui font doués defentiment, 
ÔC de connoiÜance inter jeu re. Ils 
ne demandent donc au Médecin 
que d’aider la nature par peu de 
remedes choifis, propres à altérer 
les humeurs viaeufes, Bc à les faire 
forrir par les excrétoires convena¬ 
bles. Mais bien que cette méthode 
curative {impie, & facile , ne foit 
point à défaprouver, dans les-ma¬ 
ladies peu confiderabîes , qui paf 
fent aifément, Bc où les forces ne 
font point abbatuës , nous n’efti- 
nions pas qu’elle puifle fuffire à 
détourner , ou furmonter les ma¬ 
ladies aiguës, Bc chroniques férieu- 
fès, & opiniâtres, comme font la 
maladie vénérienne, la gonorrhée, 
les affection s hypocliondriaques , 
mékncholique, maniaque,cachec- 
tique, feorbutique , hydropique , 
ahhmatique , les fièvres intermit¬ 
tentes chroniques, Bc irrégulières, 
les mouvemens épileptiques 5 8c 

Piüj 


cîxxvj Dissertation. 
fpafmodiqnes, & nous croions que 
toutes ces maladies demandent des 

remedes beaucoup plus énergiques, 
& en plus grand nombre, & beau’ 
coup de jugement pour en faire 
l’application. 

Mais pour diré clairement ce 
que nous penfons de cette nou¬ 
velle théorie médicinale, nous efti- 
mons que l’objet de la Médecine 
lieft pas le corps que doit former 
un principe intelligent, mais qui 
e(l déjà formé par la vertu fage, èc 
divine , qui a été renfermée dans 
la femence , & dont la fagelïe du 
Médecin doit gouverner les mou- 
vemens aumoïende radminiftra- 
tion des fecours qui leur font né- 
ceiîaires. En efîèt, ce 11’eft plus un : 
principe intérieur fage qui pro¬ 
duit , & entretient dans le corps 
forme les mouvemens vitaux, qui 
font purement méchaniques, ou 
qui les ordonne dans l’état de ma¬ 
ladie pour une fin falutaire, mais 


Dissertation, clxxvij 
ils dépendent de caufes purement 
externes , évidentes , 8c nécefîai- 
res, c’eli-à-dire, des élémens, des 
alimens, des médicamens , 8c au¬ 
tres efpeces de remedes , à qui il 
appartient de les diriger, 8c de les 
conferver. La difformité des cica¬ 
trices , que lailïènt fur la peau les 
bleffiires des parties externes , eft 
une preuve plus que fuffifante qu’il 
ne fe Fait rien dans le corps par 
l’organe d’une nature fage, 8c in- 
telligente. 

Il faut encore remarquer que 
les Anciens par le mot de nature, 
n’ont voulu déligner que les forces 
motrices du corps , ou la ftruclure 
des parties foiides, qui change fui- 
Vant la di&èrence des âges, des le- 
xes, du genre de vie, 8c les difpo- 
f tiens naturelles , 8c héréditaires , 
ce qui a fait qu’ils ont donné à ces 
chofes le nom de naturelles. On ne 
peut nier que l’imagination n’ait 
Beaucoup de force 5 non pour pro- 


elxxviij DISSEKTATI m. 
duire les mouvemens vitaux, mais 
pour les troubler, & les déranger 
comme ilparoit par les.affections ■ 
ôc maladies de l ame , qu 1 font 
les fuites de fes dérangemens j mais 
ni i’imagination, ai l ame raifon- 
nable n’ont pas le moindre pou? 
voir pour faire rentrer ces mouve- 
mens dans l’ordre^. &; ç’eff anJfc 
decin éclairé, ôt aux remedes ap¬ 
propriés que ce changement appar¬ 
tient. Pour moi je ne penfe pas 
qu’il foit jamais venu dans l’efprit 
des Anciens de placer dans les ani¬ 
maux un être doué de connoiffàn- 
ce intérieure , qui dirige les mou¬ 
vemens de toute efpeee vers un but 
déterminé. En effet, Hippocrate af¬ 
fûte formellement le contraire dans 
plufieurs endroits de lès Ouvrages. 
On lit dans fon premier Livre du 
Régime y en parlant des;natures des 
hommes , elles ne favent, pas ce 
qu elles font , mais elles paroifent le 
favoir y & elles ne connoijfent pas 


Dissertât i ôn. clxxbt 
U quelles voient; cependant c'ejlpar 
une nécepîé divine qu'il leur arrive 
ce qu'elles veulent , & ce qu'elles m 
veulent pas . ( a ) Et dans ion Traité 
des Maladies Populaires , il dit, la 
nature trouve d'elle-meme , & fans 
i avoir appris d'un autre,par fa pro¬ 
pre difpofetion , .& non par détermi¬ 
nation , les mouvemens nécejfaires 
pour remplir fes fondions , & fait ce 
qu'il convient , fins avoir été inf¬ 
imité. (b) Van-HelmcMit, qiat d’ail¬ 
leurs eft très - favorable aux idées 
immatérielles de l ame , eft très- 
éloigné du fentiment que nous 
combattons ; car il nie formelle- 

( s.). &u& quidemfaciunt nefcmnt, qu& ver* 
fàciunt Jcir* vident ur , qu& quidem vident 
non cognojcunt , & tamen bis omnia necejjitette 
divines- contingunt , & qus. volant , qti& no~ 
tant. Hipp. Lib.I. de Dût. §. é. ex verfion. 
Foëjii. 

fb ) Natura ipfa.fîbi per fe , non ex confilio , 
motiones ad actiones fubeundas invenit et nulle 
edoclu , citraque difcipünam ea qu& conveniuni 
efficit. Hipp. Lib. de morb. Vulgar. SeB. VIH .■ 


cîxxx Dissertation. 
ment dans fon Traité fur fajjkjet* 
tijfement de U nature humaine à U 
? Ouvrage qui mérité bien 
d’etre lu , que le corps humain , 
tel qu’il eft depuis la chûte du pre¬ 
mier homme ,foit immédiatement 
conduit par un efprit qui dirige 
fes démarches vers un but fixe , 
comme il arrive aux hommes dans 
les chofès, que leur adrefïè com¬ 
mence , 8c execute, 8c tout de fuite 
il le mocque d’Ariftote, qu’il taxe 
d’ignorer parfaitement la nature 5 
pour avoir confondu les chofes na¬ 
turelles avec les ouvrages de l’Art, 
fuppofant dans les premières Té- 
xiflence d’une caufe finale, 8c d’un 
Artifle qui arrange les moïens } 
quoique cette vérité n’ait d’appli¬ 
cation qu’aux derniers. D’où il 
conçlud avec raifbn que tout ce 
qui fe fait , ou s’engendrev dans la 
nature, le fait par un développe¬ 
ment necefîaire des femences, de 
maniéré que les femences font les 


Dissertation, clxxxj 
principes , ôc les caufes naturelles 
des choies } mais caufes qui agiiiènt 
pour une fin qui eft bien connue 
de Dieu, mais non d’elles, (a) En 
conféquence il paroît que ce n’eft 
pas fans raifon qu’Areteus. a ap- 
pellé la nature Y art de Dieu. En 
effet, la nature n ? eft pas une feule 
chofe , ou une eaufe unique, qui 
régie les fondions animales ; mais 
ce terme comprend plufieurs cau- 
lès , c J eft-à-dire, non-feulement la 
difpofition organique des lolides ? 
êe la température particulière des 
fluides , mais principalement le 
mouvement réciproque, & alter¬ 
natif, ou de fyftole, & de diaftole 
des folides, & des fluides, le mou-^ 
•vement prdgreflif, l’inteftin , le 
fecretoire , & l’excretoire , celui 
d’ondulation , & le tonique, mou¬ 
vement dont l’intégrité, & le bon 
état eft fuivide celui de toutes les 

(a) Helmont. Lib. de mort, introitu in Nd* 
*nr, Human%§, ia. J 


dxxxij Dissertation, 
fonctions vitales, animales, 8c na¬ 
turelles. 

Et comme dans l’Univers le dé¬ 
veloppement des animaux , 8c des 
végétaux contenus dans les femen- 
ces, leur nutrition, leur féconda¬ 
tion , leur maturité, la perfection, 
la vie , font produites par le mou¬ 
vement, 8e des caufes évidentes, 
purement méchaniques, 8e pfiyiî- 
ques % ou par les élemens, 8e prin¬ 
cipalement par le fluide de l’air, 8e 
de l’éther, mis en mouvement par 
la chaleur du fpleil , que les An¬ 
ciens appelloicnt le feu , il efl: évi¬ 
dent qu’il en arrive autant dans 
l’homme , puifque nous remar¬ 
quons tous les jours des change* 
mens confiderables dans toutes les 
fonctions du corps humain, occa¬ 
sionnées par le genre de vie , l’ha¬ 
bitude du corps, les diflerences du 
régime , de l’air, des faifons , des 
tems , 8c des lieux, 8c que nous 
pbfervons que les mêmes caufes 


Dissertation, clxxxiij 
influent également fur les opéra¬ 
tions de Tarne, les mœurs, les in¬ 
clinations , & même en quelque 
forte fur le raifonnement. Mais ee 
U’effc point ici le lien, &: çe n’eft pas 
mon defîèin de m arrêter plus long- 
tems fur cet article * je me conten¬ 
terai donc de dire que cette ma¬ 
niéré' de raifonner n’a prefque 
point de rapport avec la Méde¬ 
cine j il vaut donc mieux n en rien 
dire de plus. En effet, elle ôte tout 
ufage de là raifon dans l’explica¬ 
tion des phénomènes médicinaux, 
& la recherche des caufes des ma' 
ladies , çe qui fait cependant l’ef- 
fentiel de l’art de guérir , & elle 
rend entièrement donteufe, & in¬ 
certaine l’énergie, & l'operation , 
des caufes naturelles , & des mé- 
dicamens fur le corps humain. Car 
leurs effets ne font point réglés 
par la volonté de famé, mais iis 
font certains & déterminés , lorf- 
<}u’pn les applique dans les çirçpnf? 


ckxxiv Dissertation. 
tances convenables, en vertu d’une 
néceffîté infaillible, Je ne dirai plus 
qu’un mot, pour engager ceux qui 
font tous leurs .efforts pour avilir 
la Médecine établie fur des princi¬ 
pes phyfiques, & méchaniques, à 
bien examiner le feutiment qu’ils 
embraffent. Je leur accorde que la 
nature, ou lame raifonnabie 5 eft 
le principe, de la caufe de toutes 
les fondions vitales, de naturelles^ 
de qu’elle les dirige vers une fia 
certaine, de déterminée 5 mais tou¬ 
jours eft-il très-certain qu’elle ne 
peut rien executer fans le mécha- 
niime , ou une ftrudure détermi¬ 
née des folides, de une difpofition 
des fluides : or à préfent rien n’eflfc 
plus évident que Fart du Medeçin 
ne s’étend pas jufqu a Famé , de. 
que fon operation fe borne aux 
caufes phyfiques, & méchaniques, 
dont Famé fe fert comme d’inftrü- 
mens. ' 

Il eft encore très-interefîant de 
favoir 


Dissertation, clxxxv 
lavoir qu’il n’appartient pas à la 
fcience d’un bon Médecin , à Tes 
études, à fon devoir,de s’appliquer 
à rechercher, 8c décou vrir les cho- 
fes obfcures ,. mais qu’il doit s’at¬ 
tacher principalement à connoître 
ce qui tombe fous les fens , ce qui 
eft cfufage dont on peut don¬ 
ner des raifons certaines , 8c évi¬ 
dentes. Gar il fo trouve dans la 
PJiilofophie des chofes naturelles, 
8c medecinales, comme dans lՎ 
tude delà nature,'une infinité de 
chofes embarraflees de difficultés, 
qui font au-deffus de toute con- 
noiflànce humaine , 8c des intelli¬ 
gences les plus pénétrantes. Or il 
eft beaucoup plus raifonnable de 
s’en tenir fur ces articles à l’admi¬ 
ration , que de vouloir les creufer. 
Je mets dans cette clalîè les quef- 
tions fuivantes, d’oii vient la vertu 
multiplicative renfermée dans cha¬ 
que femence , 8c comment fe fait 
la formation des parties dans l’üte- 
Tomc III. q 


clxxxvj Dissertation. 
rus j de quelle maniéré la penfée 
& L’imagination agiffent fur le 
corps , 6c comment la difpofîtion, 
6c te mouvement du fang peuvent 
caufer des alterations aux fonc¬ 
tions de l’ame ^ en quoiconfifte la 
force prodigienfe du ferment, 8c 
de la contagion dans la pefte , 8c 
ks autres maladies malignes * quelle 
proportion il y a entre les forces de 
la nature, 6c eeiks.de la maladie } 
fi les mouvemens fébriles., 6c con¬ 
tre nature , occafîonnés par une 
çaufe ennemie de la nature , font 
excités par une bonne intention, 
& très-feu vent fort mal à propos. 
Or le Médecin: peut fons.fçrupule 
ignorer ces chofes , 8c bien d’au¬ 
tres , parce qu’elles, me lui font pas 
néceffaires; pour rétablir , ou con- 
füDver la fonte des hommes. Il ki 
foffit d’acquérir par un gramdufage 
des expériences réfléchies:, des dé- 
mquftrations, 6c dèsaaifonnemens 
folides, k difoernement des choies 


Dissertât rôtf. cîxxxvij 
fdutakes , ôc pernicieufes , & de 
pouvoir rendre des raifons phyfi- 
ques, bien que non géométriques, 
de fa façon de penfer, Il y a encore 
une raifon efîentielle d’éviter la 
recherche de ces vérités impéné¬ 
trables $ c’eft qu’elle n’eft propre 
qu’à devenir Poccafion , & le fojet 
de disputes, daltercations, de dh- 
cords , qui font perdre aux Méde¬ 
cins cette harmonie , cet accord , 
fi convenables, & qui eft fi nécef- 
faire dans les confultations. 

; Mais il eft furtout du devoir du 
Médecin habile , ôc éclairé, de fe 
mettre au fait de la : maniéré d’en¬ 
tretenir long-teins la fanté des 
hommes r & de les garantir des 
attaques des maladies par des re¬ 
ndes convenables , pris furtout 
dans le régime. Car la Dietetique 
tft fans contredit la principale par¬ 
tie de la Medecine 5 elle a toujours 
été fort efiimée de l’Antiquité , ôc 
'éflè démontre évidemment la cer- 

<5 


clxxxviij Dissertation. 

titude de l’art pour prévenir 8c 
empêcher les maladies } & f ans 
doute il eft bien plus aifé de ga¬ 
rantir le corps des maladies, que 
de le rétablir quand il eft dérangé 
6c vicié. 

Nous entendons par des reme- 
det’ diététiques, ceux qui font prin¬ 
cipalement tirés des chofes non na¬ 
turelles , qui font abfolument né- 
ceflàires à la vie. Car comme l’u- 
làge réglé de ces choies peut en¬ 
tretenir long-rems leur vie , & Une 
lanté inaltérable 3 des obfervarions 
certaines , ôc infaillibles nous ap¬ 
prennent , que le mauvais ufage 
qu’on en fait livre le corps à tous 
les dérangemens, 8c les maux pof- 
f blés. C’en donc un des principaux 
points, 8c des plus eflentiels de la 
Içience médicinale, d’acquérir une 
connoiflance parfaite , 8c établie 
fur de bons principes de phylique 
ae ces choies dont nous avons fans 
celle befoiri pour vivre 5 ôc de fe 


Dissertation, clxxxix 
mettre en état de voir clairement 
le mal qu’elles peuvent faire en 
contribuant à la génération des 
maladies , & le bien dont elles font 
capables, en les détournant, & les 
guérillant. Car les élémens, & fur- 
tout l’air , & les alimens , nota- 
ment quand ils s’éloignent .beau¬ 
coup de leur température natu¬ 
relle, ou qu’ils changent fubite- 
menç,ont beaucoup de force, ôc 
d’énergie fur le corps humain , 
dont ils altèrent les humeurs , ê£ 
les mouverpens, 8c même fur fa¬ 
mé , &. la raifon , qui fe (entent de 
ces changemens. C’eft par cette 
raifon qu’il y a des maladies pro¬ 
pres à certains lieux, certains païs, 
certains climats, ôc que fuivant les 
differentes difpofitions des (aifons, 
& les variations de l’air , ou leurs 
changemens fubits , ôc extraordi¬ 
naires, il naît diverfes efpeces de 
maladies. 

H n’y a donc point de méthode 


gxc Dissertation. 
préfervative, & curative,plus cer» 
taine, & plus sûre que celle qui 
emploie des fecours de cette na¬ 
ture, &: de cette efpece,. parce qu’ils 
font plus amis de la nature, tempe- 
rés , fans violence , & qu’ils opè¬ 
rent par degrés, & peu à peu. Ceft 
ces avantages qui ont acquis tant 
de considération à la Médecine 
Diététique dans les; tems les. plus 
reculés &. qui lui ont fait donner 
le pas fur; toutes les autres. Rien 
ne prouve mieux comhienellc étoit 
en honneur dans l’Antiquité, que 
les divers Traités d’Hippocrate fur 
le régime dans les maladies aiguës ., 
k régime en général ÿ ceux fur les 
maladies épidemiqms , fur, la nature 
dePair , de s eaux , & les lieux. , Ôt 
celu \ fur les dimms.- . 

- Toute la méthode curati ve d’Af- 
depiades étoit renfermée dans le 
régime. Si nous lifons avec atten¬ 
tion le quatrième Livre delà Mé¬ 
decine de Celfe, ou il traite de la 



Dissertation. cxcj 
maniéré de guérir prefque tous les 
vices qui ont fixé leur fiége dans les 
parties intérieures du corps , nous 
verrons que ce grand Homme le 
fait principalement confite dans 
le changement d’air , de lieu , de 
genre de vie, d’ahmens liquides ôc 
iolides , l’abftinence , les aifferens 
mouvemens, &: exercices du corps, 
les fri&ions, les bains, & leslini- 
mens. Parmi les Médecins , ceux 
qui ont enrichi la poftérité de dé¬ 
couvertes utiles, & fur les pas de 
qui l’on peut marcher en fureté , 
Médecins qui font la plupart Ita¬ 
liens, comme. San&oriu s., Metcn- 
rialis, Montanus, & de nos jours, 
Bamazzini, Baglivi, LanciE, ont 
obligation de ce qu’ils ont laide de 
plus avantageux à l’étude exacte 
qu’ils: avoient faite de cette princi¬ 
pale partie de la. Médecine, éclai¬ 
rés par les Expériences phyfiques, 
Sc méchaniqucs , qui dévoilent le 
mieux la nature, des. corps, les cau- 


excij Dissertation. 
fes, de les loix des mouvemens. Et 
pour parler vrai, il eft très-certain 
que les remedes, de préceptes dié¬ 
tétiques font d’un bien plus grand 
fecours, non-feulement pour pré¬ 
venir , mais même pour guérir, 
furtout les maladies chroniques, 
que les Pharmaceutiques & les fe- 
crets les plus vantés. 

Galien a d’ailleurs remarqué,avec 
autant de juftelïè que d’habileté, 
qu’/Y riy apoint en Médecine de rem- 
de affez> efficace pour donner d>ufecours , 
fi le mauvais régime s'oppofe a fes 
effets y ou que le bon ne concoure avec 
Ifi (a). C’eft une obfervation dont 
il n’eft pas difficile de rendre raifon. 
Car l’origine de tons les maux vient 
uniquement de caufes évidentes , 
d un mauvais régime, d’une façon 
de vivre nuiiible, du mauvais ufa- 
ge des jfix chofes non naturelles, de 

. f a ) Nullum tam ejficœx remedium Médi¬ 
cinal habet , quod auxihum afferre que ait , fi ei 
victui vei rejijîat - ve [ non adjuvet. Galen- 

principalement 


Dissertation. cxciij 
principalement d’un tempérament 
foible 8c fenfîble j or tant que ces 
caufes fubfiftent, elles amortiflent 
la force de tous les remedes quels 
qu’ils foient, 

Plutarque a auffi fort judicieu- 
fement remarqué qu 'une nouvelle 
manière de vivre produit des mala¬ 
dies nouvelles , & change le tempe-* 
rament , & la difpofition des corps ,. 
( a ) Je ne vois point d’autre raifon 
pourquoi le pourpre chronique effc 
de nos jours ff commun en Alle¬ 
magne , ii ce n’eft: le trop fréquent 
ufage des infufions chaudes, & fur* 
tout du caffe , qui exalte les hu¬ 
meurs recrementeufes hilieufes, 8c 
vifqueufes , & les pouffe vers la 
furfaçe du corps. J'attribue la di£ 
poiîtion aux hemorrhoïdes, qui eil 
aujourd'hui beaucoup plus com¬ 
mune que par le pafle , furtout 

(a) Ob novam vicius rntionem novi incru - 
iffeunt morbi, corporum naturel alïara atquç 
aliem inde temferaturam Jufiiftt. Plur^rch. ' 

Tome III. £ 


cxciv Dissertation, 
chez les perfonnes qui aiment les 
mets de haut goût, & afîaifonnés 
d’aromates étrangers , ôc les vins 
chauds qui naifient en France,en 
Hongrie, ôc dans les Pais Etran¬ 
gers 5 parce que leur fang bouil- 
lonant dans la région des lombes , 
ôc devenu plus vif par l’ufage des 
pilules compoféesd’aloës, ne trou¬ 
vant point d’iduë par les veines du 
fiege , caufe par fa ftagnation des 
hemorrhoïdes aveugles , ôc même, 
regorgeant vers les vifceres inter¬ 
nes , excite ces pallions fpafmodi- 
ques, àppellées hypochondriaques, 
qui font aujourd’hui fi communes 
dans tous les pais. 

11 faut encore favoir qu’un hom¬ 
me prudent doit être fon propre 
Médecin , c’effc-à-dire , ohferver 
exactement les alimens folides, ôc 
liquides , ôc les autres chofes qui 
lui font utiles s ôc falutaires, ou au 
contraire. Aufii ai-je tou jours pris 
beaucoup de plaifîr a lire ce que 


Dissertation. cxct 
Xenophon dit de Socrate, que ce 
Héros de l’ancienne Grece avait 
fioin d'avertir fies Auditeurs , qu’ils 
ne pouvaient avoir trop d'attention à 
leur fianté , & de leur confeiller d’ap¬ 
prendre de gens exp erts ce qui lui efi 
avantageux , & d’examiner par eux- 
mêmes pendant tome leur vie les boifi- 
fions , les alimens folides , les exerci¬ 
ces qui leur convenaient ; parce qut 
la perte de la mémoire , le chagrin , 
la fureur , la dureté de cœur , riant 
fiouvent d'autre origine que la mau- 
vaifi difpjofition du corps * & qut 
Ççfprit ne court aucun rifique , lorfi- 
que U corps efi en bonne fiant t. (a.) 
Et de fait, il y a une liaifon , une 

i fil tnonebàt fuos auditer es ut magnum 
baberent <valetudinis cùram , tum a peritis dif~ - 
tendo.ojUA conimodu fint , tum etiamper totam vi* 
tum de fe obfervando , quis patus , qui s cibus „ 
tpuïpue lob or conférât: quia oblivio, rtisror , fu- 
ver .duntiefque animi, nmnunquat» a mala cor- 
ports habitudine oriùntur , quibus corpora recîe 
valent , nullum inde ad mentem redundat pericu- 
tum. Xenophon. De diBis & faüis Socratis. 
P; î i J. 


cxcvj Dissertation. 
correfpondance fi exacte , & g 
étroite entre l’ame, & le corps ? 
qu'elle fe relient du bon état du 
dernier , & que le bon état de 
l’ame contribue beaucoup a la fan- 
té du corps. 11 y a dans le Traité 
des Vents d’Hippocrate, un pafiàge 
qui s’applique parfaitement bien 
ici .Rien , dit-il, ne contribue plus* 
la prudence que le fang. Lors donc 
qu'il ne change point de température , 
la prudence fe foutient > mais quand 
fon état change , la prudence efi aufji 
en deffaut. (a) Le trentième para» 
graphe du premier Livre de fort 
Traité du Régime , eft uniquement 
emploie à prouver que la fageffe de 
Pâme dépend du ben régime , & quon 
peut la rétablir ^Jî elle fe dérange , en 
remédiant aux deffaut s du régime, (b/ 

- (a) Nihilmugis ad prudentiam confert,quart 
fanguis : hic ergo cum in conjlanti habita perfif- 
tit , confijlit & prudentia ; fanguine -veto per - 
rtiutato j concidit fimul & prudentiel. Hipp. Lib 
de fiat-ib. §. 10.. 

(b) Anima fapientia a reffo vicia dépendit,, 


Dissertât i on. cxcvi j 
Les perfonnes délicates font fur- 
tout une preuve parlante de l’iiti- 
lité , ou , pour mieux dire, de là 
néceffité du régime pour entrete¬ 
nir , &; conferver la fanté , ôc là 
vie. J’appelle perfonnes délicates, 
les vieillards , celles qui font foi- 
blés par tempérament, qui font à 
peine convalefcentes d’une mala¬ 
die conliderable , qui ont perdu 
leurs forces par des pertes de fang 
abondantes , quelle qu’en ait été 
la caufe, par de longues veilles, la 
faim, ou une longue trifMe. La 
moindre faute dé régime eftnuih- 
ble à ces fortes de perfonnes, & les 
plus considérables caufent des re¬ 
chutes dans les maladies précéden¬ 
tes , ou des maladies plus dange- 
reufes que les premières. La pre¬ 
mière attention donc que doivent 
avoir ces fortes de perfonnes , efl: 
de fuivre un régime exact , èc ri- 

& j fi l&fafuerit , refiitui iotefl , illo emendate. 
Hipp. Lib. I. de Dut. §.30. 


cxcviij Dissertation; 
goureux , de peur de tomber fur» 
tout dans les vices qui conduifent 
a la phthifie , ce qui arrive très-ai* 
lément aux convalefcens, lorfqu’ils 
fe livrent à leurs fantaifîes, & que 
tout d’un coup ils s’écartent des 
loix du régime. 

Quand on connoît l’utilité, les 
avantages, la néceilité de la Diete- 
tique , on s étonné avec un jufte 
fujet, qu il y ait lî peu deperfon- 
ues de celles qui s’appliquent à la 
Médecine , qui foient perfuadés 
que c efr une des parties de cette 
fcience qui mérité le plus d’arten- 
çipn | or tels font principalement 
ceux qui ne combattent les mala¬ 
dies qu’avec des remedes , & des 
fecrets, de ceux qui le (ont imbus 
de cette doflrine, que la nature qui 
préiide au corps humain eft d’elle- 
rneme allez lage pour faire fortir 
par les excrétoires convenables ce 
qu’il pourroit y avoir de trop dans 
le corps j en conféquenee de quel® 


Dï SSERTAT I ON. CXC1X 
que faute de régime légère , ou 
pour s’élever puiflament contre 
ce qui feroit plus dangereux , &C 
même quelquefois en s’armant de 
la fièvre pour en venir à bout. Il 
eft vrai que dans ee fyftême il n’eft 
pas néceffaire de faire une atten¬ 
tion fi exacte au régime. C’eft en¬ 
core par une fuite du même fyftê¬ 
me , qu’ils font peu de cas de la 
feienee des cbofes phyfiques , qui 
s’acquert par l’étude des effets de 
la nature, ôc des diverfes expérien¬ 
ces de Chimie, & de Méchaniquq, 
& qu’ils la méprifent même afïèz 
ouvertement , en conféquence de 
quoi ils ne la recommandent pas 
aux; autres comme néeeflaire. Pour 
moi , depuis le tems que j’exerce , 
& que j’enfeigne la Médecine, j’ai 
recommandé de toutes mes. forces 
à tous ceux à qui leur fan té , SC 
celle des autres eft précieufe , d’é¬ 
tudier féneufement la partie de 
cette feienee , qui nous conduit à 


CC Dissertation. 
une connoiftànce particulière , \ 
un ufage raifonnable , & une ap¬ 
plication éclairée des chofes natu¬ 
relles , des alimens, & des élémens, 
& c eft à quoi je me fuis attaché 
dans les ouvrages que j’ai compo¬ 
sés , &. fait imprimer fur. le régi¬ 
me, ôda recherche des caufes phy¬ 
siques. 

Il me refte encore à dire mon 
avis fur cette partie de la Medecine 
auffi effentielle, qu’elle eft ancien¬ 
ne , je veux dire la Chirurgie , 
partie qui établit les régies qu’il 
îaut Suivre pour remedier aux vices 
des parties extérieures , & dont je 
crois la connoiflance extrêmement 
nécefîaire aux Médecins. 

Il y en a beaucoup qui font dans 
cette faufîe penfée , que l’art qui 
guérit par l’opération de la main, 
&: qui s’occupe à couper , & ap¬ 
pliquer des remedes extérieurs , 
n appartient pas directement à la 
Medecine. Mais il y a beaucoup 


Dissertation. ccj 
d’apparence que ceux qui rayon¬ 
nent de cette maniéré ignorent que 
l’homme tout entier , tant dans 
l’interieur, qu’au dehors,eft l’ob¬ 
jet de la Medecine, & qu’il y a une 
correfpondance fî étroite entre les 
parties externes du corps , &: les 
internes, que les vices des premiè¬ 
res fecommu niquent très~aifémenc 
aux fécondés, &; que ces dernieres 
foufFrent beaucoup, quand les pre¬ 
mières font attaquées. 

D’ailleurs, il eft bon de fa voir 
que les mêmes afFedions qui s’at¬ 
tachent aux parties extérieures, èc 
qui demandent le fècours du Chi¬ 
rurgien , attaquent aufli les parties 
intérieures , comme les douleurs, 
tumeurs, extravafations, fcirrhes, 
inflammations, ulcérés, abfces 5 & 
que chacune de ces maladies de¬ 
mande des fecours intérieurs en 
même-tems que des extérieurs } de 
maniéré qu’il eft évident que les 
fondions du Médecin, & du Chi- 


Ccij Dissertation. 
rurgien , ne font pas fort diffe¬ 
rentes. 

Il faut encore obferver que Inap¬ 
plication des remedes topiques , 
fuivant la differente nature des vi¬ 
ces qu’il faut combattre , ou les 
differens temperamens des fujets 
demande beaucoup de prudence , 
pour ne pas devenir préjudiciable. 
D’où il fuit évidemment qu’on ne 
peut en aucune maniéré fëparer la 
Médecine de la Chirurgie , ôc 1a 
Chirurgie raifonnée , des fonde- 
mens £ la Medecine. 

Les Anciens penfoient donc fort 
jufte, quand ils commençoient par 
enfeigncr la Chirurgie aux defcen- 
dans d’Efculape, à qui on voulait 
enfeigner la Medecine 5 auffi leurs 
écrits nous font voir combien ils 
fefoient de cas de cette partie de 
notre Art. Une preuve évidente 
de fon utilité , e’eft que dans les 
tems reculés, comme de nos jours , 
les Médecins qui ont joint une 



Dissertation, cciif 
étude particulière de la Chirurgie y 
êc de l’Anatomie aux autres con- 
poHîances qui leur font néeefîai- 
res, ont été beaucoup plus eftimés. 
que les autres , &; ont acquis une 
bien plus grande réputation, m 
Mais combien peu de Médecins 
font bien au fait de la Chirurgie î 
êc même, ce qui eft bien plus hon¬ 
teux combien peu de ceux qui 
s’appliquent uniquement à cet Art, 
le pofîèdent parfaitement ! On ne 
voit par tout qu’ignorance, &; bé¬ 
vues de leur part ; de forte que la 
raifon le bien public , deman¬ 
dent que le Médecin fâche bien cet 
Art, k connoifïè bien les maladies 
les plus ordinaires de fon reffort 5 
pour qu’il puifîe par fes confèils 
venir au fecours de l’ignorance des 
Chirurgiens ? ôc qu’il puifle les inf- 
truire, bien qu’avec tous les ména- 
gemens que la politefle exige. Et 
comment y auroit-il beaucoup de 
Chirurgiens habiles -, pendant que 


eciv Dissertation. 

ce titre n’eft du qu’à celui à qui 
1 Anatomie a découvert la ftruc- 
turc, la fituation, la connexion , 
& lufage des parties externes du 
corps humain, comme des os, des 
mufles, des nerfs , des tendons, 
des membranes , des glandes , des 
vaiftèaux, des fibres, & qui bail¬ 
leurs connoît parfaitement la cir¬ 
culation du fang, ce que c’eft que 
la vie, la confervation du fang, les 
forces, èc la vigueur des parties , 
la nutrition, pour être plus en état 
de juger des léfions externes , èc 
du choix des remedes qu’il doit em¬ 
ployer. 

La théorie de la Chirurgie n’eft 
pas feulement néceilaire au Mede- 
xin, il faut qu’il fâche manier avec 
dextérité, &: prudence, les inftru- 
mens avec lefquels s’exécutent les 
operations de Chirurgie , afin qu’il 
puifle aider le Chirurgien de fes 
confèils fur leur ufàge , 6 c même 
le rectifier, comme l’occafion ne 



Dissertation. ccv 
s’en préfente que trop fouvent. 
Mais paflons aux autres caractères 
d’un Bon Médecin, 

C’en eft fans doute un efïentiel 
qu’il foit en état de porter un ju¬ 
gement j ufte, & fol i de, fur l’éve- 
nement d’une maladie, ou le dan¬ 
ger qui l’accompagne, fur les acci- 
dens pernicieux qui peuvent fur- 
venir, & fur l’effet que produiront 
les remedes. En effet, il n’y a rie» 
qui contribue plus à établir la ré¬ 
putation d’un Médecin, & à dé¬ 
montrer la certitude de fon Art, 
qu’un prognoftic jufte fur toutes 
les ebofes dont nous venons de 
parler. Hippocrate a donc raifon 
ÿ dire au commencement de fon 
Traite des Prmotions , ou Prognof 
tics j U par dît très - avantageux 
que le Médecin fajfe ufage des'pro - 
gnoJHcs ; car quand il connoit , & pré? 
dit aux malades, le préfent , le pajfé > 
& l’avenir, il prouve quil eft par fai? 
ùment au fait de leur état 3 & les ml 


ce Vj D I S SERT AT I OH. 

lades fe mettront avec confiance entre 
fies mains . ( a.) 

Mais autant la fcience des pro- 
gnoftics eft excellente, autant eft- 
çlle infidèle, & incertaine ? de forte 
quon doit regarder comme conf¬ 
iant qu’il n’y a rien de plus difficile 
que de porter un jugement sur de 
i’évenement d’une maladie. Auffi 
beaucoup de Médecins s’expofent- 
iis j ôc leur profeiîkm , à la rifée, 
parleurs vains, &c futiles prognof- 
tics fur l’évenement des maladies, 
lorfqu’ils répondent déjà vie d’un 
malade, qui meurt Couvent peu de 
tems après. La vraie caufe de cette 
ignorance eft qu’ils ne font point 
fuffifament fournis d’obfcrvations 
cliniques, exactes 6 , &C complettes , 
êc , ce qui eft encore un plus grand 

(a) Medicum pr&notionem udhibere optimum 
sjfe mihi videtur. Jrr&nofcens enim , & fr&di- 
eens upud Agrotos pr&fentia , prMérita > & 
futur a , fidem utïque fecerît quod Agrotorum res 
magis cognofcat : quare gaudebunt homînes fe 
ipfos medico committere. Hipp. 


Dissertation. ccvij 
deffaut , qu’ils ne font point en 
état de réfoudre les hiftoires des 
maladies par les vrais principes de 
i’art, ni de porter un jugement 
jufte de ce que peuvent produire 
les forces , & les efforts du corps 
humain , ou l’énergie des remedes. 
Les Anciens ont fait beaucoup de 
cas de cette partie de la Médecine * 
mais comme leurs prédictions né- 
toient pas fondées fur des hiftoires, 
& des obfervarions complettes des 
maladies, mais quelles étoient fim- 
plement déduites d’un petit nom¬ 
bre de circonftanccs, comme on le 
voit dans les divers Traités qu’Hip- 
pocrate a composes fur ce fujet , 
il n’eft pas étonnant que le fuccès 
ne les juftifie pas toujours, ou mê¬ 
me qu’elles foient fouvent trom- 
peufes. 

Une autre raifon de l’infidélité 
des prognoftiesqu’ontrou vent dans 
les Anciens , c’eft qu’ils ne con- 
noiflbient point les vraies caufes 


ccviij Mémoires. 
propres à expliquer les chofes na¬ 
turelles , 6c médicinales , attendu 
qu’ils ignoraient la Phyfique uni- 
verfelle , 6c la vraie Phyfiologie 
médicinale } qu’ils ne favoient pas 
mieux la raifon formelle de la vie, 
de la fanté, de la mort, 6c des ma¬ 
ladies , 6c moins encore par quels 
principes les remedes opèrent 5 d ou 
il fuit qu'il leur droit prefque im- 
poffible de porter un jugementfo- 
lide fur les futurs évenemens. En 
effet, pour faire un bon prognof- 
tic , il eft très-utile de connokre 
exa&ement chaque fujet. 11 y a 
un pafïàge remarquable dans Celfe 
fur cette matière» U âge , dit-il, le 
corps , le genre de vie , la faifon > 
contribuent beaucoup aux prognofies. 
Car un enfant, ou un adolefcent fe 
guérit plus aifément quun vieillard > 
un homme vigoureux , qtiun homme 
délicat i celui qui n'efini trop grele , 
ni trop plein , que celui qui pèche de 
P une , ou P autre maniéré j les çorps 


DISSERTATI ON. CC1X 
lien difpofés , que ceux qui le font 
mal; ceux qui font accoutumés à faire 
exercice , que ceux qui mènent une 
vie fédentaire i les perfonnes fobres , 
& réglées , que celles qui fe livrent 
au vin , & aux plaifirs. de l'amour . 
Le tems le plus favorable pour guérir 
efi le Printems , ou du moins celui 
qui nefi ni chaud ni froid) car le 
trop grand froid , é‘ la trop grande 
chaleur font contraires aux corps ; 
mais ce qui leur efi furtout nuifible , 
ce font les variations de Tair} & c'efi 
par cette raifon que P Automne efi 
la faifon la plus mal-faine , & la plus 
funefie. ( a ) Cet Auteur a voit dit 

(a) Ad prognofim confert aliquid & &tas t 
& corpus , viu propofitum , & ctnni tempus s 

quia facilius fanefcit puer vel adolefcens , quant 
Jenior ; valent, quam infirmas ; ne que nimis te~ 
nt f s y neque nimis plenus, quam fi alterum ex hit 
e fi -, integri habitus , quam corrupii; exercitatus , 
quam iners ; fobrius, & tempérant, quam vino, 
"venerique dedîtus.Opportuniffimumque curationi 
tempus vernum efi , aut ■ certe neque fervent , 
neque frigidum ; fi quidem & nimius calor, 
nimium frigus infefiant, maxime tamen hotum 

Tome III. f 


ccx Dissertation. 
précédemment U premim chef, 
que le Médecin doive examiner , c'efi 
fi la maladie peut encorefe guérir , fi 
fi elle peut fe guérir promptement 
on fi elle fera opiniâtre. Car dabord 
la prudence veut qu'on ne touche point 
a celui q u on nepeut guérir y de crainte 
de pajferpour avoir tué celui que fin 
étoile entraîne a la mort. En fécond 
lieu , fi la maladie efi tres-dange- 
rtufe , mais non encore défefperée fl 
faut m donner avis aux amis du 
malade , afin que le Médecin ne pa- 
roijfe pas avoir ignoré le danger , ou 
voulu tromper la famille, fi lévéne¬ 
ment efi malheureux. Mais comme 
la prudence autorife ces précautions 7 
ÿi ne convient qu â un charlatan de 
faire un mon/ire d'une bagatelle 7 dans 
le deffein de fe faire plus $ honneur. 
XA ) Mais ii .dï inutile que je jm’ar- 

-varietas ; ideoque pemiciojijfimus Aututnnus ep. 
Cm. Lib. V. cap. 16 . 

(a) Ante omnî&feire Me/Ucusdébet /»m if fi 
■ftàbiûa fit , fi ^us. diffiàlem curationern b*~ 
eeant, prorfptiorem. Êp emm puikntis ho- 


Dîss-ertation. ccxj 
rête plus long-tems fur ce fujcc , 
après l’avoir traité fort au long 
dans une Diiïèrtation furiepréfagë 
certain de la mort dans les mala¬ 
dies. (a) 

Il n’eft point hors de propos de 
réformer ici un jugement injufte ' 
ou pour mieux dire, une calom¬ 
nie , qui n’eft point feulement ac¬ 
créditée chez le peuple, mais chez 
les fa vans, èc meme chez les Mé¬ 
decins , qu’un bon théoricien eft 
un mauvais praticien , & qu’il y 
a plus de capacité , & d’habileté J 
dans celui qui voit beaucoup de 
malades } que dans celui qui en 

minis, frjm tum qui fierevari non. potefi , nm. 
Oftingerç, nejc fubivefp-eçiem ejus, ùt oççifi ,qûem 
fors ïpfiu t s inter émit. Deinde ubi gravis metps 
fine céria, tamen defyerapone efi, ihdicare necef 
fariis periclitantis in dijfc{li remeffie.ine fi vi.fia 
ars mefiofuerit, veî ignorafie , vej, fefellijfe , viz 
deatur. Sed ut b&c prudents viro conveniunt , 
fie rurfus hifirionïs efi par verni rem attollere, que 
plus pr&fiitifie videatur. Çelf. ïbid. 

(a) Disert. De certo mortis in morbis pr&- 
Jdgio. ' 


ccxij Dissertation. 
voie peu. Ce qui a donné lieu à 
cette erreur , c’eft qu’on regarde 
la Medecine, 8c avec raifon, com¬ 
me une fcience qui demande beau¬ 
coup de tems, de travail ,• 6c d’ex- 
perience , d’où l’on conclud que 
celui qui a plus' de malades à trai¬ 
ter eft plus habile que celui qui a 
coutume de bien raifonner fur les 
maladies , mais qui voit peu de 
malades. Il eft bien vrai que l’ex- 
perience ; c eft-à-dire , Tobferva- 
tion exacte des chofes nuifibles, 6c 
avantagenfes , eft ce qui a princi¬ 
palement contribué a la décou¬ 
verte de la Medecine , 6c qu’en 
ordre elle précédé le raifonnement i 
mais comme il y a long-tenis que la 
Medecine a été inventée, 6c que 
des Médecins du premier ordre ont 
remarqué dans le cours d’un grand 
nombre de fiécles, 6c par l’obfer- 
vation faite en diffèrens pais , 6c 
fur différentes nations , ce qui eft 
avantageux , ou préjudiciable au 


Dissertation, ccxiij 
corps, il ne faut plus s’embarrafïèr 
fi fort de l’experience , mais tous 
les efforts du Médecin doivent ten¬ 
dre à faire l’application des reme- 
des dont les effets font connus , 
à des individus déterminés , à des 
circonftances particulières des ma¬ 
ladies , êc à les emploïer dans l’or¬ 
dre , le tems, & le lieu convena¬ 
ble , ou , pour le dire en un mot, 
fuivant les régies de la prudence. 
Or cette méthode fpeciale de trai¬ 
ter les maladies n’efl autre chofe 
que la prudence , le jugement ,& 
la raifon du Médecin, ôc ne s’ac- 
quert que par une comparaifon 
exa&e des remedes avec le carac¬ 
tère de la maladie , & un même 
examen de toutes les circonftan¬ 
ces ; ôc l’on ne fauroit nier que 
celui qui a cette prudence , cette 
maniéré de raifonner, & cette ha- 
bitude de juger, ne faflê de grands 
progrès par l’exercice continuel de 
« profefîion , & que ces qualités 


çcxiv DI SSER.TÂT I ON. 

ne prennent chez lui de nouvelles 
forces. Un bon théoricien, au ju¬ 
gement des Médecins les plus fen- 
fës, eft celui qui a appris à conci* 
lier la théorie , & le raifonnement 
à rhiftoire des maladies, & qui fait 
rendre l’experience conforme à la 
raifon , & fufoeptible de démonf- 
tràtion. D’où il fuit qu’un bon 
théoricien ne peut manquer d’être 
un bon praticien. Et ainfi le rai- 
fonnement, ou la théorie du Mé¬ 
decin , établie fur fexpérience, &: 
foutenue de tous les fecours né- 
ceflaires, fait de grands progrès en 
Médecine, découvre merveilleufe- 
ment les caufes, èc les fources des 
maladies, trouve avec une adreüe 
incroïable pourquoi certaines cho- 
fes font nuifibles aux corps , §C 
d’autres falutaires , concilie heu- 
reufement les Anciens, & les Mo¬ 
dernes , diftingue exactement la 
méthode curative convenable aux 
diderens climats, aux faifons 3 


Dissertation. cckv 
flijets, aux âges , aux genres de 
vie ; eonnoît l’abus des remedes y 
leur véritable ufage 5 s’apperçoif 
aifément que la pratique des au¬ 
tres eft moins sûre , & décou¬ 
vre facilement dans les maladies 
nouvelles la méthode la plus 
sure & la plus expeditive 5 tous 
avantages que n’a point celui qui 
ne refpire que la pratique , quelque 
nombre de malades qu’il traite , à 
moins-qu’il n’ait une bonne théo¬ 
rie. C’eft donc une fottife, bien 
que très-ordinaire, d'appeller l’ex- 
pericnce à fon feeours, lorfque la 
raifon eft en deffaut, que l’on n’à 
pas lùffifament pefe toutes les cir- 
conftances , & qu’on ne eonnoît ni 
le fujet, ni la caufe de la maladie 5 
mi la maniéré d’agir des remedeSo 
Au refte, je conviendrai volontiers 
'que la théorie eft fujette à jetter 
dans des erreurs , comme , par 
exemple , lorfqu’on veut adapter 
la pratique à des hypothefes vaines.» 


ccxvj Dissertation. 
fpéculatives, nées de la feule ima¬ 
gination , ôc établies fur des ter¬ 
mes obfcurs, 8c qui ne lignifient 
rien , plutôt que fur des principes 
clairs , 8c qu’en conféquence des 
mêmes hypothefes on fait tousfes 
efForts pour décrediter des efpeces 
de remedes, que tous les fiécles, 8c 
toutes les nations, on vu emploïer 
avec fuccès. Il eft dans ce cas très- 
vrai de dire qu’un mauvais théori¬ 
cien , eft un mauvais praticien ; 
bien entendu quand il veut ap- 
puïer là pratique fur une théorie 
pareille à celle dont nous venons 
de parler. 

C’eft encore le cara&ere d’un 
bon Médecin d’apporter pour con- 
noître la vérité un efprit dégagé , 
& ,^ re , 5 ^ S u * ne tienne à aucun 
préjugé , aucune autorité , opi¬ 
nion, ecole , ou feéfce. Car la li¬ 
berté du raisonnement eft le plus 
brillant ornement de l’efprit hu¬ 
main 5 8c l’avantage dont font le 


Dissertation, ccxvij 
plus fcuvent ufage ceux à qui la 
nature a donné un jugement pé¬ 
nétrant. Mais quand Ta nature a 
été avare de cette faveur, on s’at¬ 
tache fortement, & opiniâtrement 
aux jugemens , ôc aux fentimens 
des Maîtres qu’on a eus , qu’on a 
entendus , & qu’on aime , & l’on 
s’imagine qu’il ne faut pas s’écarter 
de leurs traces , tant dans la théo¬ 
rie, que la pratique, & qu’il faut 
louer , ou blâmer, ce qu’ils con¬ 
damnent , ou approuvent. Comme 
donc la Icience de ces fortes de per- 
lônnes fè borne à eonnoître les fen¬ 
timens de leurs Maîtres , ils ne font 
pas en état de porter un jugement 
fain fur ies fentimens, 6c les prin¬ 
cipes des autres. 

Je m’imagine qu’il cil évident 
par tout ce que nous venons de 
dire, qu’il faut beaucoup de talens, 
& de talens fuperieurs, pour être 
en état de donner à notre fcience 
l’ordre , & la connexion que dès 
Tome IIL t 


ÇCXviij DISSERTATION 
principes demandent ; & pour éta¬ 
blir d’une manière démonftrative 
un fyftême de Médecine raifonnée ; 
ôç i’on voit avec l.a mêmeévidence 
combien eft petit le nombre âp 
ceux qui font en droit de reven¬ 
diquer le nom, ôc le titre d’habiles, 
& bons Médecins , puilque la Mé¬ 
decine eft prefque'par : tout pure? 
ment empirique , èç deftituée dë 
fondemens surs i dp raifonne? 
mens fol ides . Il eft vrai qu ’il y a 
d’excellens Traités de Phyfique , 
d’Anatomie , de Phyfiologie } de 
Botanique , de Chimie ; mais il y 
en a très-peu de ceux qui appar¬ 
tiennent à la pratique, comme font 
les Pathologiques, Dogmatiques , 
& Thérapeutiques , qui méritent 
d’être eftimés ; parce que leur plus 
grand nombre cQç établi fur des 
opinions , des hy pothefes chance¬ 
lantes , des autorités, des préjugés, 
plutôt que fur des vérités utiles ? èç 
eéceilaires. 


Dissertât i§H.; qc^k 
Il eft vrai qu’il a parti de nos 
jours des Pathologies s ou Théo¬ 
ries médicinales des maladies, com? 
pofées par des Auteurs célébrés , 
que louent aveoemphaiè ceux qui 
ont pour- régie 1 de jurer fur la foi 
de leurs Maîtres , & qu’ils veulent 
faire regarder comme des Ou vra-; 
ges achevés de tout point. Mais 4 
on les examine avec exactitude -, 
qnles trouvera défecfccufes x & mu¬ 
tilées en grande partie. En effet 5 
on n’y trouve point clairement les 
çaufes des fqrces, & de la foibfefîg 
du corps humain , ni au vpjb celles 
qui établirent la. néceffité de la 
mort: on n’y dit pas un mot de l’o- 
rigine des maladies épidémiques v 
qui eaufeiît beaucoup d’embarras 
aux Médecins 5 on rejette preique 
entièrement les intempéries, les 

t ualités veneneufes des liqueurs : 

h’y eft rien dit de ces concrétions 
qui fe forment dans les y aideau x^, 
Sc qu’on nomme polypes, JefqueU 
tij ' 


ccxx Dissertation. 
les produifent des maladies incura¬ 
bles y ni de la correfpondancc mer- 
veilleufe qui fe trouve entre les 
parties nerveufes, & fans la con- 
noiflance de qui à peine peut-on 
expliquer une partie des lymptô- 
mes des maladies : on y regarde 
comme une chofe très-rare la cor¬ 
ruption fphaceleufe des parties , 
qui conftituë communément la 
caufe de la mort, qui furvient tant 
dans les maladies aiguës, que chro¬ 
niques : on y traite nonclialament, 
ou l’on paiïe entièrement fous fi- 
lence, la connoiflance du pouls , 
qui eft cependant fi utile pour por¬ 
ter un jugement fur l’évenemenc 
d’une maladie 5 êc fi l’on jette les 
ïeux fur l’application raifonnée des 
actions contre nature de notre 
corps , on y trouve une étrange 
confufion des opérations de notre 
ame, avec les càufes phyfiques , ôç 
méchaniques , & des actions mo- 
raies avec les phyfiques. 


Dissertation. ccxxj 

ïl y a encore des Traités de Pa¬ 
thologie compofes par de très-ha¬ 
biles gens, où l’on parle beaucoup 
plus des matières morbifiques, que 
des mouvemens déréglés, c’eft-à- 
dire-, qu’on y regarde comme cau- 
fes efficientes des maladies , une 
infinité de differentes intempéries 
des humeurs ; quoi qu’on doive re¬ 
garder comme la première caufe 
des fymptômes l’inégalité des mou- 
vemens , leurs vices, Scieurs dé- 
reglemens dans certaines parties , 
qui poufïè vers un autre endroit 
les liqueurs qu’elles devroient ren¬ 
fermer. 

Quant à la Thérapeutique des 
Auteurs modernes, on n’y dit pas 
un mot de la cure des maladies par 
le moïen de l’abftinence , des dé¬ 
coctions fudorifiques, 8c déficca- 
tlves, de la boiffon de l’eau , & des 
eaux minérales, froides , 8c chau¬ 
des, des bains, du lait, ou du petit 
lait, des eaux minérales froides 
tiij 


ccxxij D issirtaï ion* 

marines avec le lait, des vôïaga 3 
& des changemens d’air 5 &• de pais’ 
des diverfés efpeces d'exercice, & 
fürïGtit des ÏÜÉiènS, bién que l’on 
n’ait rien imaginé dans l’Antiqui¬ 
té > & dé nos jours, de plus effi¬ 
cace ÿ & de plus convenable, pour 
fût monter lesjpâfiïonSchroniques y 
6T Opiniâtrés 4 

Enfin , il y a une infinité de 
'ï’raités de Pharmacie , qui font 
remplis d’Un fatras imménfe dè 
médicartiens fimples, êê compofés 
galéniques v & chimiques ^ ou l’on 
ne trouvé pointAu tout îér vraies 
propriétés , &. vertus de ces remè¬ 
des dans les difilrens cas Ou l’on 
peut les êmpLoïer , de maniéré 
que cés ou vrages ne font d’aucu- 
iie } ou ne font que d’une très-pe¬ 
tite utilité. 

Et , pour finir par les Ouvragés 
de pratique * dont le nombre eft 
infini, à peiné y trouvé-t’on quel¬ 
ques obfer vatiOns j & hiftoires gchth 


BlSSËkTÂÏÎÔN. ccxxiij 
pierres des maladies, e’efl-à-dire, 
où l’on ait eu foin de raflembler 
routes iés circonftances ; & cepen¬ 
dant c’eft là je fondement fermé', 
& inébranlable , de la Medecinè 
théorique, Se pratique. 

Comme donc il y a tin grand 
nombre d’anhées que j’ai remarqué 
les obftacles VGonfidet ables qui ont 
retardé les^-progrèsy & la fëtâ&zA 
tion de notre Art, je n’ai dès-lors 
rien fouhaité avec plus d’ardeur , 
que de pouvoir digeret, èc rediget 
notre Art en fy'ftêfne ■ , ôc en uii 
corps difpofé fuivant üné méthode 
raifonnée , qui ne renfermât qoè 
les chofes utiles, néedlaires à Pë* 
Xercice de notre profeffion , & je 
n’attendois pour exécuter Ce projet 
que le tems nécêiairê pour arnaf- 
fèr un nombre fuffifant d’obferva- 
rions, & pour me mûrir le juge¬ 
ment. J’ai auffi futvi le fage conieil 
de Celle> qui dans la fin de fa Pré¬ 
face veut que U Medecine raifmne > 


ccxxiv Dissertation. 

4f°» ïétablife fur des caufes évi¬ 
dentes , & qu’on rejeîte non de l\C- 
frtt du Médecin , mais de U Méde¬ 
cine , tout ce qui efi obfcur. ( a ) Or 
il faut mettre en tête des caufes 
évidentes, la liberté , & l’égalité } 
du mouvement progreffif, & cir¬ 
culaire du fang, & des liqueurs , 
& les mouvemens fecretoires , & 
excrétoires. Auffi eft-ce le princi¬ 
pe , & le fondement de tous nos 
raifonnemens, 6c de toutes nos dé- 
monftrations en matière médici¬ 
nale. Nous* entendons auffi par 
câufès évidentes les railons qui le 
puifent dans l’Anatomie, & la Phi- 
lofophie naturelle, fans lefquelles 
la tneorie médicinale eft entière¬ 
ment imparfaite, & indigefte. 

J ai commencé à publier le pre¬ 
mier Tome de mon Syftême de 

(a ) Rattonalis Medicina ejje dehet , rnftmi 
vero ab evidentibus confis, obfcuris omnibus , 

iiAÇàt*** 9 ** * TtifiCiS ^ ipf * mS rejeC " 


Dissertation, ccxxv 
Médecine, avec le fecours de Dieu, 
â la foixantiéme année de mon 
âge j 6 c malgré le prodigieux em¬ 
barras d’occupations, de confuh⬠
tions , de voiages, 6 c la diminu¬ 
tion de mes forces - , ma foixante 
dix-feptiéme a vu paroître le fep- 
tiéme. Si ce travail ne fait rien de 
mieux, je fuis du moins perfuadé 
que ceux qui commencent à en¬ 
trer dans la carrière de la Médecine 
y trouveront un chemin fraié , 6 c 
découvert 5 6 c que, s’ils continuent 
de le fuivre, non-feulement il ne 
leur fera point aifé de fe tromper, 
6 c de nuire, mais qu’ils feront eri 
état de donner heureufement des 
fecours., 6 c du foulagement aux 
malades , avec un petit nombre 
de remedes choifis, furtout le ju¬ 
gement fe formant par l’expé¬ 
rience. 

J’ai d’autant plus de fujet de 
croire que mon travail produira 
cet effet , que je vois qu’il a eu 


ecxxvj DrssEiTÀTtôN. 
l’approbation des habiles gens 
comme on en peut juger par les 
différentes éditions qui ont été fai¬ 
tes , tant de mon Syflême de Mé¬ 
decine que de mes Confoitations, 
ôt de rries Diflertations , auffi-tot 
qu’elles ont été mifés au jour. Car 
mes 'Outrages .ont été imprimés 
en Allemagne , en Hollande , erl 
Suide, & en Italie. Si le Lecteur 
ne trouve pas tous mes écrits éga¬ 
lement châtiés j je le prie de s’en 
prendre aux differens travaux de 
pratique, qui ont continueilémetiè 
interrompu ceux de cabinet, èc dé 
faire rédexiôn qu’ils peuvent, où 
doivent naturellement fe feiitir des 
differens âges où ils ont été com- 
pofés. Au refte , bien qite le ftyle 
n’en foit pas élégant s il eft cepen¬ 
dant pur, clairfans embarras, 
convenable aux chofes qii’il fâl- 
lôit expliquer j j’ai retranché tou¬ 
tes les inutilités, èc me fuis attaché 
a cette partie de la Médecine 3 dàné 




D îSSlïtî AT ï ON. COSXvîj 
kqüdlë l’Art Côdfrfte principale¬ 
ment , Sê proprement. Je ne me 
fuis pas foucié de rapporter beau¬ 
coup d’a-iitorités ; mais e’eft fur tout 
mt Anciens que j’ai cru devoir re¬ 
courir J c’eft eux que j’ai confultés, 
& que je me fuis fait un devoir de 
fuivre, quant aux deferiptions des 
hiftoires de maladies, êc tant que 
leurs dogmes m’ont paru quadrer 
avec l’experiencè. Ce qui me refte 
pour terminer cette Préface ,eft de 
prier de tout mon cœur le fouve- 
rain Maître de vouloir Bien accor¬ 
der de tels progrès à cet Art diftin- 
gué, qu’il a bien voulu donner aux 
hommes pour leur confolation 
que j’ai exercé, Sc enfeigné pen¬ 
dant plus de la moitié d’un fiécle, 
& à l’avancement duquel j’ai def- 
tiné tous les Ouvrages qui font 
fortis de ma plume, que prenant 
le deiïlis fur tout ce qui eft faux* 
& nuifibîe > fa vérité, la certitude * 
fes avantages, parodient fans nua- 



ccxxviij Dissertation. 
ges, & qu’il benifîè allez mon tra¬ 
vail , pour que ceux qui's’appli. 
quent à la Medecine en retirent 
alTez de profit pour travailler uti¬ 
lement à la confervation du genre 
humain. 


PREFACE 

DE L'AUTEUR. 

0 E m’acquitte des engage¬ 
ons que j’ai pris avec le 
Publie. Je lui donne dans 
cette fécondé Partie de ma Méde¬ 
cine Rai formée , les fondemens, êç 
les principaux points de la fcience 
des maladies, qui fait une des par¬ 
ties des plus interefïàntes de nôtre 
Art; mais, je le dis à regret, une 
des moins perfectionnées , & mê¬ 
me des plus négligées. En effet, 
c’eft cçtte partie de la Medecine 
qui remonte jufqu’aux vraies four- 
ces , ou aux çaufes premières des 
maladies , qui attaquent de tems à 
autre le corps humain, <k Peuvent 




£&%% P R E* F A C E 
renferment fa vie dans des bornes 
très - étroites ; qui expofe claire¬ 
ment la puiflancc , 5e la force de 
tout ce qui peut contribuer à al¬ 
térer la faute 3 enfin, qui enfeigne 
le chemin le plus court, 5 e le plus 
uni, pour parvenir à une longue 
vie, au milieu des agrémens d'une 
fanté confiante. 

Perfonnç n’ignore que la Méde¬ 
cine n’ait été inflituée ideux|i%i 
la première , de garantir l’konïffié 
des douleurs ^ des maladies , fie 
d’une mort prématurée j la fecom 
de, de remédier aux maux qu’on 
n’a pas prévenus. Maïs autant il 
efl aifé , 5e dans la puiffoneç 
Médecin de prévenir les effets des 
caiifes des maladies, 5e d"entrete*r 
nir la fànté > autant il efl difficile 
d’attaqu er viélorieufoment 
mes maladies, quand elles font dé* 
cîarées, 5e d’autant plus que leurs 
attaques font plus violentes. 

•C’eft un principe univerfèlle- 


de l’Auteur. ccxxxj 
ment reçu, qu’il n’y a rien de plus 
agréable, de plus ddîrabîe, de plus 
charmant, qu’une fauté .égale, & 
inaltérable du corps, & de i’efprit. 
Cependant, admirés le pitoiable 
état, & la foibleflede l’intelligence 
humaine ! Loin d’être foigneiix 
& attentifs à conserver leur Conté , 
& leur vie , Içs hommes font fer¬ 
mement perfuadésque la longueur, 
ou la brièveté de la vie v ia conftan- 
ce j ou l’inftabilité de la fanté np 
dépendent ni de la raifon , ni de 
la fcience , ni de }a volonté de 
1 homme j mais d’une deftinée aux 
arrefts de qui il eft impolTiblede fe 
fouftraire. Ce préjugé n’a pasépar- 
gné les Médecins mêmes > &c c’eft 
lui fans doute qui efteaufe. qu’ils 
Ont négligé la partie de leur Art, 
qui a pour objet la recherche des 
çaufes des maladies ? les vérita¬ 
bles moiens deconlèrver la fanté, 
iniquement occupés du foin d’i¬ 
maginer des fecreçs > ou des reme= 


ccxxxij Pre’face 
des , Se compofitions faftueufes 
pour guérir les maladies de toute 
efpece ; comme fi quelqu’un d'eux 
pou voit ignorer combien leur puif. 
lance eft bornée dans la guerifon 
des maladies chroniques , ou ai¬ 
guës , opiniâtres, Se que la Nature 
s’eft réfervé le privilège de les gue*. 
rir privativement à l’Art ! 

Pour moi, j’avoue ingénuement 
qu’on peut faire la Medecine de 
différentes maniérés, ou en s’ap¬ 
pliquant uniquement au traite¬ 
ment des maladies, Se à la prati¬ 
que , ou en embraflant toutes les 
parties de cet Art , qui peuvent 
Contribuer à fa perfection. La pre¬ 
mière route eft bien plus abrégée , 
puifqu’elle ne demande point de 
théorie raifonnée -, ni par eonfé- 
quent la connoifîarice des fçiences, 
qui fervent à l’appuier , c’eft-à- 
dire, de l’Anatomie , la Phyfique, 
la Chimie, la Méchanique, Se celle 
de la méthode qu’on fuit dans 


T >e l’Auteur, ccxxxiij 
la démonftration. L’exemple des 
anciens Médecins eft une preuve 
parlante qu’on peut fe paflèr de ces 
fciences pour exercer la Medecine. 
11 eft d’ailleurs certain que le traite¬ 
ment des maladies ne demande 
que la connoifîance de leur gé¬ 
nie , des différences des corps , 6c 
des routes que fuit la nature, fou- 
vent la feule , 6c toujours la meil¬ 
leure Medecine des maladies ai¬ 
guës, enfin de quelques remedes 
doux qui la foulagent, 6c ne l’ac¬ 
cablent pas. 

Mais je ne mets point à fi bas 
prix le titre d? faofl , £ Ventâb'ê 
Médecin. Je demande à -celui que 
flatte ce titre , bien d’autres con- 
noiflànces qui ne s’acquerent pas 
f-tôt, ni fi aifément. Outre la pra¬ 
tique , Ôc Pexperience, que les dif 
ferens caraéteres des maladies , 6c 
des corps , rendent extrêmement 
incertaine , 6c trompeufe, je veux 
qu’il puife la certitude de fes opé- 
TmeIIL u 


ccxxxiv Pre’fà ce. 
rations; dans les hiâoires, Scies ob- 
fcrvations exactes des maladies 
écrites , ôc comparées entre elles 
avec foie , & jugement. Ce font 
én effet les ckfs dés vérités médi¬ 
cinales j ce font elles qui ouvrent 
le faneluairedé là nature, donnent 
l’entrée de fes abîmes les plus pro¬ 
fonds , 8c découvrent fés mouvé- 
mens ; 8c fëstfecrets, C’eff la qu’il 
fàùraller rechercher les vraies cau- 
fes , 8c les- eommeneemens des ma¬ 
ladies ,< leur génération , leurs dif- 
ferens car acier es , leurs effets, les 
mèiénS propireSafës prévenir, 8c à 
y, remédier , les forces des ehofes 
fiuiiiMéSi, 8c foliataites-, enfer c ? eft 
là qp ’it faut puifordçs principes né- 
ceffakes pqur; affooin un- jugement 
foin furl-’évenement des maladies. 
-Elles, ont. l’avantage, en effet ; de 
rgnver&jE I les fouiËs: fpéeula tiens- > 
les kvpotkefes qui. focoptredifent, 
ks opinioiis, Ipsiidlions, &des-et- 
reprs en matierodsMedecinp^ - i 


D É * l’ Âü'T E ü R. CCXXXŸ 

Mifô pour fee ; un ufoge raifon- 
nabîe des observations , il faut être 
muni des connoi (fonces nécdfoires 
ÿë&r ëàr tirer parti. Et comme fans. 
Fàÿfiqué, fans- Chimie*, fans Mé- 1 
eisamiqué, iPefêimpoffibîe de cou- 
nèi'tre les véritables califes de la 
vie , dé la fonte 3 dé la mort , des? 
maladies , Si de leur génération ÿ 
On né pou rràfons le Secours de ceS 
fiaênéésiæl^^ diffieufo 

tes qui fé rencénétenC dans leshif- 
toires des maladies y êc en difcuter 
éXâêlemenf toutes- les eirconlïah- 
ces, aligner, Si dëveloper les eau- 
Ses dé ce qui eÉ arrivé y Si doit ar¬ 
river-, & enfin 1 trouver les remettes 
convenables. 

Jé dèmande encore au Médecin , 
qui veut s’acquitter dignement de 
fa profeffion , qu’il Soit au fait des 
dérangemens des parties extérieu¬ 
res , de la maniéré de les guérir , 
«tes moïens, Si des opérations qui! 
fout emploïer fuivant les cas pour 


ecxxxvj Pre’f ACE. 
y parvenir } & par conféquent je 
juge qu’il doit poffeder la Chirur¬ 
gie dans un degré éminent. 

Enfin il y a dans la nature une 
infinité de chofes qui peuvent eau- 
fer differentes alterations à la fan- 
té , & la déranger confidérable- 
ment, foit qu’elles foient prifès 
dans la clafïe des alimens, des élé- 
mens , des médicamens , ou des 
poifons s ou que ce foient les varia¬ 
tions de l’air , & une multitude 
d’accidens de differente nature , 
dont il faut connoître à chacun en 
particulier le cara&ere , les quali¬ 
tés, & les forces 5 afin d’être en état 
d’en porter un jugement fain, fi 
l’occafion s’en préfente. 

C’eft forces fondemens que porte 
toute la fcience-médicinale. Il eft 
trifte fans doute que peu de per- 
fonnes parviennent à réunir ces 
connoiiïànces , & plus trifte en¬ 
core , que l’évidence de ces vérités 
a’ait engagé que peu d’Auteurs à . 


de l’Auteur, ecxxxvîf 
travailler à mettre dans un ordre 
naturel, ôc clair les principes de la 
Médecine , 6c furtout de celle qui 
a les maladies pour objet, & qui 
en eft fans contredit la partie la 
plus importante. Car quelle pro- 
digieufe quantité ne voit-on pas 
de Livres remplis de termes obf- 
curs, êc où l’on cherche vainement 
des idées claires , 6c encore mieux 
une fuite de vérités, 6c la force des 
démonftrations J 
G eft pour remédier à ce def- 
faut, que j’ai emploié le peu de 
lumières qu’il a plû à Dieu me dé¬ 
partir , 6c celles qu’une longue ex¬ 
périence , êe un jugement mûri par 
fâge peut m’avoir acquifes, pour 
exécuter un projet conçu , 6c com¬ 
mencé depuis que je m’applique à 
la Medecine, de rédiger cette fcien- 
ee divine en un fyftême clair, ôc de 
ranger fes vérités fondamentales 
dans leur ordre naturel, fuivant la 
méthode ufitée en matière de fcien- 


CCXXXVlij P R E* F A G E ' 
ces , & de démonftrations. C’eft 
dans ce dcffein que je donne au 
Public cet Ouvrage, fur le but du¬ 
quel il ne me refte plus que peu de 
chofes à remarquer. 

J’ai' renfermé dans ce volume y 
du mains je m’en flatte, lesfonde- 
mens d’une Pathologie & d’une 
Pratique raifotmées , dégagées; de 
la Paiale^reEptrtieuiere ; M delà* 
pratique que demande le traite-* 
ment actuel des maladies, que je 
donnerai , Ui.eur. aidant:, dans .le 
volumeqmi furvraeelui-dn J’ai dtf- 
trait de ce Traité ces déirx dernie^- 
_res parties^afin qneice valnmepût 
être lu, ; .relê médité fepatément 
par les amateurs des ; verites medi- - 
cinaies attendu qu’il jettera üm 
très-grand jour fur îesrvoiumcs fui-- 
v-a0S j &; que par fon moïen on ex- 
piquera plus aifément les luftoireg; 
qui y feront rapportées j & qulofâ 
en fera- plus sûrement: l’anplinâ.*- 
tia»; ai 


DE L’ÂÜ.TEÏÏL CCXXXix 
Je me fuis furtout appliqué à 
démontrer la maniéré donc les ma¬ 
ladies fe forment, & s’engendrent 
dans le corps Humain , & les loix 
fixes , & invariables des meuve» 
mens , qui eairfent lès maladies, àc 
détruifenc la nature, ou la conler- 
vent, ô£ la débarràttent des mala¬ 
dies, afin de mettre le LedlCur en 
état dfe nfieux dittingeer ceux qui 
tendent an féulagement,, ou à la 
dettrüéfcion. - 

Je me fuis enfùke attaché à 
mettre en évidence: là nature > 8s 
les forces de tou telles chnfescon- 
traires à la-fenté, des poifons 
même-des médicamens , que- leur 
grande énergie rend-dangereux;, 
capables- d^etre fii nettes, afin d’aps- 

E endie à-ceux qui traitent les ma- 
lës-a %re circonfpeébs, dans l ? u~ 
làge des remedes qui peuvent aug¬ 
menter les cailles des maladies ^ 
eaulèr la mort 5 ou- même Fa- 
v-ancer* 


GCxl PRÉFACÉ 

J'ai expliqué clairement l’orb 
gine de toutes les maladies, en 
remontant à quelques principes 
clairs , & des plus, (impies, c’efl-à- 
dire , aux defïauts, ou au manque 
des chofes qui doivent entrer dans 
le corps, ou en fortir. Car comme 
on jouit d’une fanté entière , 6C 
parfaite , tant qu’il y a une jufle 
proportion entre ce qui entre dans 
le corps, 8 c ce qui en fort , auffî 
efl-il prouvé par une expérience 
confiante que la diminution, ou la 
fuppreffion des excrétions fait ger¬ 
mer lescaufes des maladies, 8 c les 
produit, fi l’on n’en procure le ré- 
tablifïement. Combien cependant 
de génies du premier ordre fe font- 
ils fatigués à découvrir les caufes 
des maladies , ou pour mieux dire, 
à les imaginer, 8 c à les rapprocher 
des hypotefes qu’ils a voient defïèin 
d’établir , ou adoptées , 8 c fou- 
vent en les tirant de fort loin, pen¬ 
dant qu’ils négligeoient les caufès 
manifeftes, 


de l’Auteur, ccxlj 
manifeftes, &: qui tombent fous les 
fens 2 

T ai aufîi fait voir dans cet Ou¬ 
vrage, que le foier, & la miniers 
des maladies fe trouve principale¬ 
ment dans le canal inteftinal, ou il 
fe forme de la corruption que caufe 
le trop long féjour des differentes 
liqueurs qui s’y ralTemblent, & que 
les maladies y établirent leur do¬ 
micile fixe , ôe leur fîege. 

J’y fais voir encore que les pafi- 
fions aiguës , 6 c les mouvemens 
qui fe font dans les maladies , 
comme font les fièvres , les fpaf- 
mes , les douleurs , les inquiétu¬ 
des , les mou vemens convulfifs , 
font des affections des parties mo¬ 
trices du corps, & que les caufès 
pernicieüfes des maladies agiflent 
premièrement fur ces parties, qui 
ont une relation réciproque entre 
elles , de font d'ailleurs les orga¬ 
nes dès mouvemens , ôc des feu- 
timens. 

Tome IIL 


% 


ecxlij Préface 
. Je démontre auffi que le rallen- 
tiüemenc du mouvement du fana 
produit la pléthore , & l a caco¬ 
chymie , caufes les plus étendues 
fartout des maladies chroniques/ 
Enfin , je termine cet Ouvrage 
par quelques préceptes , & quel, 
ques régies , qui indiquent des 
moïens aifés pour fie préferver des 
maladies. Car je ne me luis point 
écarté dans cet Ouvrage du but 
que je me fuis propofe dans tous 
ceux que j’ai donnés jufqu’à ce 
jour, c’eft-à-dire, d’appuier, & de 
réduire en fcience fondée, finté- 
refïànte partie de la Medecine qui 
enfeigne la maniéré de le garantir 
des atteintes des maladies. Je laifie 
a juger au Leébeur, fi, abandonné 
a moi-même ? puifque perfonne 
n a couru cette carrière avant moi, 
j ai eu béioin d’un grand travail , 
& d une attention confidérable , 
pour ranger tous mes matériaux 
tous les titres 3 dans l’ordre qui 


t> E l’Auteür. ecxîiij 
leur convient naturellement. Or, 
qu’il foit difficile , & épineux de 
mettre en ordre une fci en ce, pour 
ainil dire , inculte , & dont les 
principes n’ont aucune liaifon , 
c’eil: ce que jugeront fans peine 
ceux qui ont eu la hardieife de 
faire de pareilles tentatives. 

Je répété donc ici ce que j’ai 
dit dans mon premier Tome, que 
j’y emploie la maniéré de démon- 
trer'dont les Mathématiciens font 
tifage; par ou je n’ai pas prétendu 
faire entendre que je diftribuerois 
chaque fujet que je dois traiter , 
en définitions , axiomes , theore- 
mes , problèmes , corollaires /de¬ 
mandes , obfervations , comme 
certaine perforine l’a ridiculement 
psnfe ; mais que ' j-établirais des 
vérités faciles , (impies, ôC claires, 
dont l’arrangement, la difpofition, 
la connexion donneraient lieu de 
déduire l’inconnu de ce qui ne le 
feroit pas. 


ccxliv Pre’fàce 

J’ai évité dans cet Ouvrage ; 
comme dans les autres, de fuivre 
fervilement, & en aveugle , fans 
réflexion , ni raifon, les ientimens 
des autres, comme fl c’étoient des 
oracles. La réputation des Auteurs 
ne ma point empêché d’examiner 
leurs fentimens. J’ai toujours ufé 
de la liberté qu’ont tenu les hom¬ 
mes de pefer, & les façons de pen¬ 
ser , & la force des raifons. La pierre 
de touche qui m’a fervi à décider 
de leur mérite, efl: les obfer varions 
de pratique 5 avec ce guide j’ai pro¬ 
noncé fur la vérité' la faufleté, la 
fuppofltion des principes , êc fur 
ce qui mérite d’être appliqué à la 
pratique. J’ajouterai que je ne con- 
nois point de meilleur moien de 
connoître la vérité , & même que 
c’eft le ièul ; bien qu’il foit ignoré 
de^ ceux qui ne font faits que pour 
fuivre les autres, & non point pour 
obferver, ou réfléchir. 

Il eft bon que j’obferve encore 


dé l’Adtéur. ccxlv 
que je me fuis écarté dans cet Ou¬ 
vrage , ainfi que dans les autresde 
plufieurs fentimens que j’avois 
adoptés autrefois -, conduite qui 
m’a paru la plus propre à la décou¬ 
verte de la vérité dans les matières 
difficiles , & qui -n’ont j’amais été 
rédigées dans un ordre diftinct, ni 
rapportées à des principes folidesj 
conduite , la feule convenable à la 
candeur dont les Gens de Lettres 
doivent faire profeffiom Rien donc 
de plus mal fondé que le reproche 
d’inconftance qui m’a été fait il y 
a quelque tems, fur ie fondement 
des changemens fréquens qu’on re¬ 
marque dans mes fentimens. D’ail¬ 
leurs > autre chofe eft de changer ,. 
ou plutôt de perfectionner des fen¬ 
timens fujets à difpute, & qui font 
de peu d’ufage dans cette fcience, 
ou d’être toujours indécis fur les 
vérités d’un grand ufage. Et com¬ 
me il efk deshonorant de s’attacher 
opiniâtrement à des fentimens corn 
x iij 


ccxlvj pRE’FACE 
vainciTS de fauiïètél’honneur, & 
laflncerité demandent qu’on quitte 
le moins bon pour le meilleur. Je 
ne prétens point vanter mon tra^ 
vail. Je fais trop combien peu je 
fuis en état de remplir fon objet ; 
je me flatte feulement que les juges 
éclairés, èc impartiaux, èi les ama¬ 
teurs des vérités médicinales , me 
fauront quelque gré des foins que 
j’ai pris pour leur préienter un Ou¬ 
vrage moins défeeteux que ceux 
qui ont paru jufqu a ce jour fur la 
Pathologie. J’ai de plus un titre 
pour demander l’indulgence des 
Lecteurs. Après l'honneur d’efti- 
mer la vérité, j’ai toujours mis ce¬ 
lui de juger avec équité, & modé¬ 
ration , ÔC j’ai toujours regardé 
comme - un defîàut puniflàble , èc 
furtqut entre Chrétiens, la mali¬ 
gnité avec laquelle quelques Gens 
Lettres déprifent des Ouvrages 
qu’ils ne font point en état de faire 
meilleurs , ôcavec laquelle ils s’at- 


de v Auteur, ccxlvij 
tachent à décrier les Auteurs, & à 
faire tort à leur réputation. Pour 
moi , je me fuis mis au-defïus des 
croademens de ces corbeaux en¬ 
vieux ; je les méprife autant qu’ils 
le méritent, & je. me tranquillife 
fur les jugemens avantageux qu’ont 
daigné faire, de mes Ouvrages beau» 
coup de grands hommes, qui ont 
coutume de diftinguer le vrai du 
faux , la lumière de l’obfcurité , 
l’utile d’une vaine fpéculation, ÔC 
les caiifes évidentes, & d’nfage des 
inconnues, & éloignées. Voilà les 
jugemens dont je m’embarradè' - 6c 
dont je tire ma gloire. Il ne me 
refie qu’a fouhaiter au Ledkeur , 
quihfe ferve de cet Ouvrage en 
parfaite fanté, & à l’aflurer , que 
i e ne lui ferai pas long-tems atten¬ 
dre la fuite , s’il plaît à Dieu de 
me conferver la vie. 









ccxlix 


TABLE 

DES CHAPITRES 

Contenus dans cetroifiéme 
Volume* 

P Réface du Traducteur, page j 
Mémoire pour fervir a la Vie de Monjieur 
Frédéric Hoffmann, XXÎ ]J 

Dilfertamn' de M. Hoffmann Jervant de 
Préface à la Collection de toutes fes Oeu¬ 
vres y ou l’on examine les differens états 
de la Meiecine 3 & des Médecins , & 
tes marques aufquelles on peut reconnaître 

un bon 5 & habile Médecin , cxxvi) 
Préface de T Auteur. 3 ccxxix 


PROLEGOMENES. 

Sur U nature de U maie ?athalogie, 
fes Fondement, Cufage des Obfer- 





tel TABLE 

vétions Médicinales , & k préja-> 
dice que caufent les hjpothefes. 

Chapjtre I. 

F la Nature , la Définition, & des 
•&-/ Fondement d’une vraie Pathologie 
Médicinales , page i 

Chapitre IL 

Du préjudice que les hypothefes caufent a la 
Medecine , %~j 

Chapitre III. 

Des vérités fondamentales de la Pathologie , 
qu’il faut tirer de la Phjfiologie , - $ 7 


LA PHILOSOPHIE 

DU COKPS HUMAIN MALADE, 

Ou la Pathologie générais. 

PREMIERE PARTIE. 

De la nature de la Mort , des Ma¬ 
ladies , & des mouvement Malar 



DES CHAPITRES, ccïj 
difs , & des loix que fuit la Na¬ 
ture dans la génération des Mala- 
die s , des Symptômes, & des eau - 
fes des Maladies. 

Chapitre I. 


T\ E l * nature , & des caufes de U mort, 

' ^ S>i 

Chapitre IF. 


De la nature des Maladies 3 & des Symp¬ 
tômes , y T ;, 

114 

Chapitre IIL 

Des toix des mouvemens qui fe font dans le 
corps humain 3 & de la marnere dont ils 
produifent les maladies 3 & les fÿmptô- 

SHPC JJ 1 


E|n de îa Table des Chapitres» 


cclij 


Errata du troifiérne Tome. 

Page ij. ligne i. difant, lifés , dit fans. P. iij. 

I. 1 3. nos. lif. mes. P. xxv. /. i. requérir, lif. ac¬ 
quérir. P. xxxj. /. J. Laurent, lif. Laurea. P. xcj. 

/. 10. Vie, lif. Pie. P. ciij. /. 1 6. pour, l. pourvu. 
P. eexiv./. 6. fait, lif. fait. P. eexx. L 19. ap. 
plication, lif. explication. P. 16. L 17. difïç- ■■ 
rente, ///i different» 


PROLEGOMENES 




LA MEDECINE 

R A I S O N N E’ E 

D E 

M> FR, HOFFMANN. 

4N -W.W. 1# W. W. W. W; 

PROLEGOMENES. 
Sur la nature de la vraie Pathologie y 
fes Fondewens , Puf âge des Obser¬ 
vations Médicinales 5 & le préju- 
• dice que caufent les hypothejes. 


CHAPITRE I. 

De la Nature , la Définition , & des Fonde- 
mens déune vrais Pathologie Médicinale. 

L {jggyaS Bg A Phyfiologie, comme on 
5 a vû plus haut, affigne les 
PB wÊMrn .raies caufès de la vie, & 
ae j a f ant £ } tj es mouve- 
mens qui confervent notre corps } & 
Terne III. A 







2. La Medecine 

en explique la nature & lufage ; l’Hy- 
gienne donne des régies fur lufage des 
chofes non naturelles, qui confervent 
la vigueur des mouvemens vitaux ; 
l’objet de la Pathologie eft de déduire 
du renverfement de l’ordre de ces 
mouvemens , les vraies çaules de la 
mort, & des maladies, & des effets 
de ces dernieres ; & celui de la Théra¬ 
peutique eft de faire rentrer dans l’or¬ 
dre ces mouvemens dérangés, ou d’en 
prévenir le dérangement par le moïen 
des fecpurs qu’elle indique, 

ScHÛLIE. 

Il eft donc évident que les différen¬ 
tes parties de la Medecine font fi étroi¬ 
tement liées, qu’on ne peut avoir une 
Intelligence exacte & parfaite de l’une, 
|àns l’avoir également de l’autre. Il eft 
cependant vrai qu’on doit regarder la 
Phyliologie, ou là connoiftance exaéte 
dù corps humain vivant & foin > com- 
me la fource & la bafe des autres par¬ 
ties de la Medecine. Cette relation fl 
étroite , & même fi néceflàire entre 
ces parties s produit un autre bien ; en 
prouvant fumfomment la certitude de 
notre Art. & le rendant fufceptibledg 


^AïSONNsfe, 3 

dêmonftration. Car une démonftra*- 
tion n’eft autre choie qu’un ordre } 6c 
une liaifbn convenable entre differen¬ 
tes propolitions. 

II. La vraie Pathologie eft une fcien- 
ce qui décrit méthodiquement, c’eft- 
à-dire, dans Tordre 6c la liaifon con¬ 
venables , l'origine des maladies, leur 
génération, leur progrès, leur carac¬ 
tère particulier, 6c les raifons de leurs 
fymptômes & de leur événement 9 des 
hiftoires complettes de ces mêmes ma¬ 
ladies, de la nature & des loix des 
mouvemens qui s’obfervent dans l’œ- 
conomie animale, 6c qui en fait l'ap¬ 
plication à la pratique Médicinale , 
au grand avantage du genre humain. 

III. Cette définition tirée du fond 
de la chofe même, met en évidence la 
différence de la vraie Pathologie, 6c 
•de la Pathologie d’imagination. L’une 
eft fondée fur des obfervations com- 
plettes 6c exades , fur dés principes 
anatomiques, clairs & certains, & fur 
la connoiffance des mouvemens qui le 
font dans le corps ; d’où elle tire des 
conféquences très-utiles dans la prati¬ 
que : l’autre, aufli commune que fu- 
perficielle s ne s’appuie que lùr des ex- 


4 , La Medecine 
périences particulières, fur des obfer- 
vations imparfaites, fur des opinions 
très-douteufes 9 ou même de pures fup- 
polirions, qui ne peuvent procurer à 
notre Art aucun avantage folide, ou 
dçlirable, &: dont il puilfe faire ufage. 

SçHpL I/E» 

La vraie Pathologie eft auffi éloi¬ 
gnée de celle qui eft fondée fur des 
fuppofjtions, que la fcience l’eft de 
l’opinion. C’eft ce qu’Hippocrate fait 
allez fentir, quand il dit ; ce font deux 
chofei très-differentes que la fcience & l'opfi 
nion. Car Vune fait favoir , & l'autre igno t 
ter. (a) C’eft daps le même fens qu’il 
dit ailleurs , on ne peut trop blâmer ceux 
qui fi livrent à l'opinion en fait de Médecine ; 
& ceux qui ont la hardieffe $ en faire les 
éprouvés fur eux-mêmes , en font punis par 
fis effets pernicieux, (b) 

IV. La vraie Pathologie a deux fom 
demens 5 l’un eft une hiftoire complette 

(à) Duo funt fiientia & opinio ; quarum al¬ 
téra quidem fcire facit , altéra vero ignorart . 
Hipp. Leg. f, j. 

! b ) Opinio in Medicina maxime in crimen 
vertitur eam adhibentibus. Ris vero qui ea in fi 
ufi funt perniciem afert . Hipp, Lib. de Dêcenh 

#rnat, §. 4, . • . 


' RAlSOÜNl'i. " $ 

de toutes les maladies, 6c de chacune 
d’elles en particulier , qui réfulte de 
beaucoup d obfervations 6c de remar¬ 
ques circonftanciées ; le fécond, eft une 
connoiflànce approfondie de la ftruc- 
ture de notre corps , de fes mouve- 
mens, 6c de toutes les chofés qui peu» 
vent changer fon état. 

ScHOIIL 

Deux fortes de vérités concourent 
néceflàirement à former une vraie Pa¬ 
thologie 3 les unes font des vérités de 
fait, ou des descriptions de ce qui eft 
arrivé, faites avec toutes fes circonfo 
tances, quant à la liaifon, l’ordte, 6c 
le tems 3 les autres font des vérités de 
démonftration , ou de raifonnement, 
qui , fur le fondement de principes 
clairs 6c connus, établiffent les caufos 
des phenomenes 6c des effets quelles 
ont produits, la maniéré dont ils l’ont 
été, 6c les fins pour lefquelles ils l’ont 
été 5 6c qui fur le même fondement 
établiffent des Theoremes, ou Axio¬ 
mes , dont l’utilité eft, quand on en 
fait faire ufage, de paffer de ce qui eft 
connu à ce qui ne l’eft pas. Les uns 
font les enfans de la mémoire, 6c d’une 
A iij 


€ LaMedecïhe 
exadê attention 5 mais les autres vien¬ 
nent de Inintelligence, qui fait former 
un raifonnement folide fur Fhiftoire 
complette d’une maladie, c’eft-à-dire y 
rapportée avec toutes Tes circonftan- 
ees j ou <|ui comprend fa naifîànce > 
fon progrès, & fa fin. 

V. Les hiftoires exades des mala¬ 
dies , êc les obfervations faites avec 
foin font le premier , & le principal 
fondement de la Pathologie, delà 
Thérapeutique. 

S c h o l 1 e. 

C’eft d’obfervations exades & répé¬ 
tées que fe forme enfin la vraie expé¬ 
rience , qui eft famé de la Médecine * 
l’ornement, & la perfe&ion du Méde¬ 
cin. La Patholpgie & la Thérapeuti¬ 
que qui ne s’appuient pas fur la foi des 
obfervations, portent en Pair. Il n’y a 
même pas de doute que les obferva¬ 
tions ne foient infiniment plus utiles 
que les raifbnnemens pour perfection¬ 
ner la Medecine ; parce qu’il arrive 
tous les jours dans l’homme des chofes* 
dont on ne peut découvrir la véritable 
caufè. Pour moi j’eftime que fi l’on 
veut porter la Medecine au point da 


AAI5 G SS - f 

perfection dont elle eft fufceptible, if 
faut fuivre l’exemple des célébrés Af- 
tronomes de notre tems , qui , par 
l’exaéte comparaifon dés obfervations 
qui ont été faites en différens tems fur 
les mouvemens des Àftres font parve¬ 
nus au point de déterminer leur cours j 
de leurs différentes portions refpecli- 
ves même cent ans auparavant ; & je 
fuis intimement perfuadé que,fi les Mé¬ 
decins obfervent avec attention tout 
ce qui a rapport à la production, au 
cours, & à la cure des maladies , s’ils 
mettent leurs remarques fur le papier * 
pour être en état de fe les communia 
quer, ou qu’ils les rendent publiques * 
notre art acquerera une certitude par¬ 
faite, non-feulement pour prédire, & 
détourner les maladies, mais pour les 
guérir avec toute la dextérité poffible, 
& prédire tout ce qui arrivera pendant 
leur cours. 

VI. Pour tirer des obfervations Me» 
dicinales tout le fruit qu’on a droit 
d’en efpérer , il faut qu’elles foient 
compîettes , entières , de fans omif- 
fion d’aucune circonftance qui mérite 
attention. 


I 


La Médecins 
S c h o l i e. 

Les Médecins doivent imiter la con¬ 
duite des Jurifconfultes. Quand on 
propofe une queftion à Ces derniers, il 
faut que lelpece fort parfaitement 
éclaircie, c’eft-à-dire, qu’onnomette 
aucune des circonftances qui peuvent 
changer la nature de la queftion ; fans 
quoi leur confultation eft illufoire ; de 
même les Médecins ont befoin d’un 
détail circonftancié, & complet, pour 
affeoir un jugement certain, & folide. 
Car fouvent une feule circonftance eft 
d’une extrême confidération. Nous ne 
pouvons donc rechercher avec trop de 
loin les obfervations exades, & com- 
plettes , dont le nombre eft extrême¬ 
ment petit , malgré la foule innom¬ 
brable d’Auteurs qui ont écrit fur la 
Medecine.- En effet s fort qu’on parle 
des Auteurs Anciens, ou Modernes, il 
eft également vrai de dire qu’ils ont 
peu ra malle de ces obfervations qui 
peuvent contribuer à perfedionner la 
Medecine. 

VIL On ne peut faire une hiftoire 
exade de chaque maladie,fi elle ne ren¬ 
ferme unedefcriptîon complette 


RAIS O N N l r t. 3 

taillée du fujet qui en eft attaqué. 

S e h o II E. 

Le premier pas, qui me paroît e£- 
fentiel, quand on entreprend de trai¬ 
ter un Malade, eft de connoître exac¬ 
tement ce que le fujet a de particulier. 
Je dis que cette connoifîànce eft effen- 
tielle ; & voici fur quoi je me fonde ; 
c’eft que la même maladie, & la mê¬ 
me caufe qui la produit, donne nâifi- 
fànce à des fymptômes & des effets 
extrêmement différens, fuivant la dif- 
pofition du fujet. 11 en eft de même 
des caufes des maladies, que d’un cer¬ 
tain aliment, médicament, ou poifon 
déterminé, dont les effets & les opé¬ 
rations varient infiniment, fuivant la 
différente difpofïtion du fujet ; car les 
caufes morbifiques, quoique de même 
caraétere , produifent des maladies 9 
qui, bien que les mêmes au fond, ont 
les dehors tout différens, foit à raiforx 
des accidens, du danger, ou de la gué* 
rifbn, fuivant que le Malade eft cons¬ 
titué. Cette remarque eft fondée fur 
un principe philofophique qu’on ne 
peut fe rappeller trop fouvent, que les 
forces qui font agir les corps ne font 


ïô La Medecine 
point abfolues, mais font Amplement 
relatives, & conditionnelles, & reçoi¬ 
vent des modifications extrêmement 

différentes, fuivant la différence des 
corps fur qui elles agiffent, ou qui ert 
reçoivent les impreffions. Mais, pour 
développer la difpofition intérieure 
d’un fujet, il ne fuffît pas d’en favoir 
l’âge, le fexe, la ftru&ure de lès par¬ 
ties , le tempérament, les forces, la 
difpofition héréditaire à certaines ma¬ 
ladies , le genre de vie, les mœurs, & 
les habitudes, il faut encore favoir quel 
eft, ou a été, î état de toutes les excré¬ 
tions , de quelles maladies le Malade 
a été précédemment attaqué, fi elles 
ont été parfaitement guéries > fi elles 
ont laiflè une foibleffe dans quelque - 
partie , & une difpofition à quelque 
autre maladie, enfin qu’elle en a été la 
crilè. Il eft encore important d’obfer- 
ver quel eft l’état du fang, c’eft-à-dire, 
s’il eft en trop grande abondance, ou 
trop gâté, quelle eft la difpofition des 
vifeeres, & du genre nerveux, forte , 
ou foible ; la combinaifon que fait un 
Médecin judicieux de ces différentes 
connoiftànces eft d’un extrême ufage 
pour connoître , diftinguer s ôc guérir 


RA î SONNE'E. ï! 

les maladies, & furtout indifpenfable- 
ment néceflàire pour tirer parti des ôb- 
fervations que les autres ont faites. 

VIII. Il faut pour que les oblèrva- 
tions des Médecins foient utiles, qu 5 el¬ 
les contiennent lefpece & le caradere 
de la maladie , fon origine , fes pro¬ 
grès , & les différentes caufes qui ont 
concouru à fa production* 

S C H O L I E. 

Quand on connoît la difpofition du 
corps du Malade, le premier foin dis 
Médecin doit être de connoître le gen¬ 
re , le caradere , & les caufes de la 
maladie. Car chaque maladie a fon ca¬ 
radere particulier & propre, &, pour 
ainfi dire, la marche particulière ; pudi¬ 
que non-feulement elle garde un cer¬ 
tain type, de certain tems, un ordre *. 
des périodes réglés dans fes commert- 
cemens, & fon augmentation ! qu elle 
fe termine de certaines maniérés , par 
de certaines voies, ou excrétions ; mais 
que chacune d’elles a fa maniéré par¬ 
ticulière de déranger, ou de renverfer 
les moüvemens, & les adions naturel¬ 
les , ou de produire des fymptômes » 
ce qu’il faut bien, connoître x §c diftin- 


Î2 . La Médecine 
guer, pour bien connoître, & diftJrt- 
guer les maladies. Il faut auffi f âV oir 
les fautes qui ont été commifes dans le 
régime, & l’ufage des chofes dont no- 
tre corps a tous les jours befoin pour 
fa confervation, parce qu’elles aident 
merveilleufement à connoître le com¬ 
mencement^ I’originedes maladies,ce 
qui eft d’un très-grand ufage pour s’en 
préferver. Il faut furtout s’appliquer 
à découvrir les caufes prochaines des 
maladies ; car c’eft un principe confiant 
parmi tous les Philofophes, & Méde¬ 
cins , un principe même qui a toujours 
été regardé comme tel, que, quand 
elles font découvertes , on a trouvé la 
maniéré de guérir. C’eft ce que dit ex- 
preffément Hippocrate , fi Von connoît 
bien les caufes des maladies , Von eft en état 
de donner au corps les fecours dont il a ht- 
foin j ceft-a-dire , de leur oppofer leurs con¬ 
traires, (a) 

IX. Il faut que les obforvations des 
Médecins contiennent les opérations 
des remedes qui ont été emploies, fi 

(a) Si qui s caufas corperis affeSH probe cogne- 
•verit, in quoque potens eft eu ajferre que. corport 
commodem , nimirum contraria . Hipp. Lié, de 
ftatib. §. 3. rr 


RAISONNE^. ïf 

l’on veut qu elles contribuent à rendre 
la maniéré de guérir plus aifée, & plus 
fûre, 

SCHOLIE. 

Rien ne peut mieux contribuer à 
augmenter i utilité & la dignité de la 
Médecine, qu’une connoiffance exade 
delà force & des opérations des reme- 
des qu’on y emploie. Car elles font 
très-différentes, foivant la différence 
des corps, des temperamens, des ma¬ 
ladies , & des tems. Car chaque re - 
mede, &: furtout les plus forts, ont 
une maniéré particulière d’agir, & d’o- 
perer, que le Médecin doit connoître 
avec la derniere précifion. En.effet, 
j’eftime qu’on n’a droit de prétendre 
au titre de Médecin , que quand on 
fait préparer des remedes choifis, êg 
qu’on lait parfaitement leurs vertus, 
& leur maniéré d’agir dans une infinité 
de cas três-différens, afin qu’en confié- 
quence il puiflè s’en fervir avec juge¬ 
ment. Car il n’y a point de médica¬ 
ment qui ne fbit auffi difpofé à faire 
mal que bien, félon la main qui l’em¬ 
ploie. Hippocrate a donc grande rai¬ 
son de recommander fort expreffçmenf 


ï4 La. Médecine 
aux Medecins .de faire une étude par¬ 
ticulière des vertus des médicamens. 
Aies foin 9 dit-il , devous fouvenir des mé¬ 
dicamens , de leurs facultés connues par tra¬ 
dition , ou par les livres.. Souvenez.-vous aujfi 
de ce qui appartient a la cure des maladies, 
de la forme qu’elles ont prife , des changement 
qu’elles ont foufferts , & de leurs différentes 
maniérés d’être dans les différent fujets. Car 
ce fi le commencement , le milieu } & la fin 
de la Médecine, (a) ' 

X. L’ouverture des corps morts de 
chaque maladie eft extrêmement utile 
pour en donner une hiftoire complette. 

S € H O X I E. 

11 ferai t difficile d’imaginer un moïen 

(a) lirmd memoria tenete médicamenta, & 
fimplices facultates , & defcriptas ,fi modo taies 
exiftant. Sint in memoria tïbi morbdtum cu- 
ratianes , & horum modi , quotupliciter , & quo- 
modo infingulis fefe haheant. Hoc enim princf 
pïum efi in M.edicina , medium > & finis. Hipp» 
Lib. de Decent. ornât . §. 8. Le mot fimplices étant 
mis en oppofîtioa avec defcriptas , qui lignifie 
écrites dans les livres, j’ai cru ne pouvoir le ren- 
àreraifonnablemçnt qu en difant connuéspar trn -, 
dition. Au refte , quelque Toit le lèns de ce mot » 
il eft peu interelTant-de le rendre. Il fuflît que le 
fond de la penfée foit rendu. Le Grgc ne 
fourni aucune lumière. 


râisonne'e. ï£ 

|>lus propre à découvrir les caufes des 
maladies, ck de la mort , que l’ouver¬ 
ture des corps qui font morts de ces 
maladies , quand elle eft faite par une 
main habile. Car quoique tout ce qu’on 
découvre dans ces. ouvertures ne foit 
pas toujours la caufo première , ou pro¬ 
chaine, des maladies , que fou ven t il 
foit l’effet de ces caufes, & de la mort 
tnênîe ; il arrive pourtant allez fré¬ 
quemment qu’on y trouve les -caufes 
des maladies & fymptomes extraordi¬ 
naires. Je fuis témoin d’une infinité de 
cas où des plus célébrés Médecins fo 
font trompés en affignant des caufes de 
maladie fort éloignées de la vérité , 
comme Touverture l’a fait voir. Car 
on a trouvé dans les fujets des concré¬ 
tions polypeufes dans le cœur ou les 
grands vaiffèaux , des abfcès dans le 
mefentere, des pierres dans la veficule 
du fiel, ou la veflie, des vaiffèaux fan- 
guins ou lymphatiques ouverts , des 
gonflemens confidérables de glandes , 
des vifoeres corrompus, l’uterus crevé, 
tous accidens qu’on ne foupçonnoit 
feulement pas auparavant. On ne peut 
donc trop recommander aux Mede- 
.©ns habiles en Anatomie d’ouvrir les 


1 6 La MEDECINE 

çorps des perfonnes mortes, parce que 
c’eft un moïen de découvrir les caufes 
des maladies ; or la çonnoiflance de 
leurs vraies caufes, &: l’adminiftration 
prudente des remedes, font les deux pô¬ 
les fur lefquel.s tourne toute la Méde¬ 
cine. 

XL Les pbfervations exades des 
Médecins procurent beaucoup, & de 
très-grands avantages à'notre Art, en 
contribuant à fa certitude ? & à fa pet” 
fedion. 

Se h o LIE. 

: En effet, il n’y a pas d’autre voie, 
oü d’autre méthode, pour parvenir à 
diftinguer les différentes efpeçes des 
maladies , & leurs caufes , qui dif¬ 
férentes auffi beaucoup les unes dey 
autres, qu’en multipliant les bonnes 
obfervations. 11 n’y en a point auffi de 
meilleure, & de plus certaine, pour 
former un prognoftic prudent, ou un 
jugement fur i’évenement des mala¬ 
dies 5 & cette connoiffançe contribue 
infiniment à la réputation, & a la per- 
fedion du Médecin. Car combien ne 
trouve-t’on pas dans Hippocrate , & 
les Anciens, de régies, qui, loin de 
devoir 


RAISON Ne'e. ÏJ 

devoir être regardées comme des axio¬ 
mes , ou des aphorifmes, font abfolu- 
ment fauflès, & trompeufes ! La rai- 
fon en eft très-fimpîe ; c’eft qu’elles ne 
.font point tirées d’hiftoires complettes 
des maladies, mais de quelques frag- 
mens, où les circonftances eflfentielles 
ne fe trouvent pas : pour perfectionner 
donc les réglés des prognoftics, il faut 
amafîer beaucoup d’obforvations exac¬ 
tes, & où Ion ne defire aucune cir- 
confiance intereffonte. On ne fouroit 
dire combien d utiles corollaires pour 
l’ufoge, foit à raifon de la méthode de 
guérir, de l’application des remedes * 
& de la connoiffîmce de ce qui peut 
être utile en l’un ou l’autre cas, peu¬ 
vent fe tirer des obfervations de cette 
efpece. Il né faut donc pas que le Mé¬ 
decin perde jamais de vue les obferva¬ 
tions , & les expériences , de quelque 
petite confequencequ elles puiflent pa¬ 
raître. Pour moi je n'e laiffè guère paf- 
fer aucun fait de Medecine fans y faire 
attention ; parce qu’il ne s’en préfente 
guère qui ne ferve à mon inftru&ion > 
ne fut-ce qu’en fervant de confirma¬ 
tion à ce que je fois, ou que,j’ai déjà, 
découvert. 

Tome ILL B 



i§’ La Médecine 
XII. Les obfervations médicinales^ 
ainfi que les hiftoires exa&es des ma¬ 
ladies font extrêmement propres à dé¬ 
cider du mérite des hypothefes médi¬ 
cinales qui fe contredifent , de celui 
des différens fentimens , & même à 
terminer les difputës qui furviennent 
dans la pratique» 

SCHOLII. 

On peut dire de la Medecine plus 
que de toute autre fcience, qu’elle eft 
noïée dans de pures fictions, des dif* 
putes , & des opinions particulières à 
quelqu’une de fes feétes» Or je ne vois 
pas de meilleure manière de Ibrtir de 
ce labirrnthe de contrariétés, que de 
les eflaier à la pierre de touche des ob¬ 
fervations médicinales,, qui renfer¬ 
ment l’ordre immuable que luit la na¬ 
ture dans ce qui concerne la vie , te 
tenté, les maladies. Pour lors leur fté- 
rilité fautera aux*yeux, quand on verra 
à combien peu de phenomenes & de 
circonftances ils peuvent fournir d’ex¬ 
plication. Combien n’y a-t’il pas de 
différens fentimens fur l’ufage des re- 
medes les plus efficaces de la Medeci¬ 
ne , comme la faignée 5 . les cautères * 


K A ï S O K N E*E« ï 5 

les veficatoires, les purgatifs , ceux ti¬ 
rés du pavot , le quinquina, les Tels 
volatils , les martiaux 1 Les uns les 
donnent pour des fpécifiques dans cer- 
. taines maladies, les autres les y trou¬ 
vent extrêmement dangereux, inuti¬ 
les , ou même funeftes ; & tous en ap¬ 
pellent à 1 expérience , qu’ils citent 
pour garand de leur fentiment. Il n’y 
a pas d’autre moïen de fe tirer de cet 
embarras, que de confulter des obfer- s 
varions faites avec toute l’attention né- 
cellàire fur les maladies où ces médi- 
camens ont été nuifibles ÿ ou falutaires» 
Car alors on verra clairement que ces 
différens effets ont été caufés par les 
différentes circonlfances où le Malade 
s’eft. trouvé , qu’ils ne font point nuifi- 
bies en eux-mêmes, & que c’eft à la 
mauvaife application qui en a été faite 3 , 
qu’il faut s’en prendre de leurs mau¬ 
vais fuccés. 

XIII. Le fécond fondement de la 
vraie Pathologie, & de la vraie Thé¬ 
rapeutique , eft la connoiffance exaâre 
de l’anatomie du corps humain, ôc de 
la Méchanique quy fuit la Mature^ 



20 La Medecinsï- - 

S C H O L I E.. 

Notre corps eft une machine que 
Dieu a faite avec un art infini, & une 
fageffe merveilleufe , pour produire 
des mouvemens convenables à l’arran¬ 
gement de fes parties. Le Médecin ne 
peut fe difpcnfer de les connoître par¬ 
faitement ; puilque ce font eux qui 
confier vent la vie , &: préfervent notre 
corps de la corruption à laquelle il a 
de kii-mêmo tant de difpofition 5 que 
ce font eux qui-règlent toutes fies ac¬ 
tions conformément à l’ordre * &: à 
l’inftitutîon divine, c’eft-à-dire, qui 
donnent la fianté •> qu’enfin ce font eux. 
qui par leur dérangement , ou leur defo 
truétion totale caufont les maladies 
meme la mort. La connoiflànee de ces 
mouvemens. eft encore néceffaire aux 
Medecins,parce quede leur étatdépend 
l’explication de tout ce qui arrive dans, 
le corps malade ou en fanté, & de tout 
ce qu on lit dans les hiftoires des mala¬ 
dies. Et c’eft ce qui fait que tous les Mé¬ 
decins Modernes recommandent fans, 
celle de recourir toujours aux principes 
Méchaniques ; tandis que les ouvrages 
desAnciens nous renvoient uniquement 


RAÎSONN e'e. 11 

aux différentes qualités & températu¬ 
res de la matière, fans jamais parler 
du mouvement, qui eft cependant le 
premier principe de la Méchanique. Il 
eft donc évident que rien n eft plus 
utile pour fie perfedionner en Méde¬ 
cine que d'avoir une connoifîànce exac¬ 
te de la Méchanique, èc de la Phyfi- 
que, qui comprend auffi la Phyfiolo- 
gie du corps humain. 

XIV. Quand on fait bien l'Anato¬ 
mie , & la Méchanique de notre corps, 
on eft très-capable de donner l'expli¬ 
cation de beaucoup de difficultés, 8 ç 
de phenomenes obfcurs qui fe paffent 
au-dedans de nous-mêmes. 

SCHOLIE. 

Je conviens volontiers que la Mé¬ 
chanique du corps humain eft infini¬ 
ment mpérieure à celle des machines 
faites de main d'homme., Audi les con- 
noiflànces de l’Etre fouverain furpaf- 
fent-elles infiniment les nôtres. Ne 
nous flattons donc pas de développer 
les reflorts des corps vivans avec la 
même précifion avec laquelle nous 
pouvons développer ceux de nos ou¬ 
vrages. Cependant nous devons don- 


ii La Mf.de cïné 
ner tous nos foins pour condbftre-ïes 
loix du méchanifme, la maniéré dont 
il fe fait, les raifons de fes phénomè¬ 
nes , aufïi parfaitement que la foiblefle 
de nos lumières peut nous le permet¬ 
tre ; bien qu’il en doive toujours relier 
d’inexplicables. Caron ne fauroitdou¬ 
ter que des avions, qu’on dit venir de 
l’àme, n’aient leur origine dans un mé¬ 
chanifme 3 très - délicat à la vérité>. 
mais cependant méchanifme vérita¬ 
ble , c’efl-à-dire, fans une difpolitioii 
du cerveau, quand on voit fur tout que 
les inclinations, les habitudes, les dé¬ 
lits , les vices, les vertus , la prudence 
même , & la folie dépendent telle¬ 
ment du méchanifme „ & de l’état du 
fang , quoiqu’on ne ptrifîè expliquer 
comment cela fe fait, que le régime 
& les médicamens y peuvent apporter 
des changemens eonfidérables. 

" XV. "Il n’appartient qu’au Phyff- 
cien , & au Méchanicien, de recher¬ 
cher la caufe des changemensdes dé- 
rangemens } des maladies que produit 
dans notre corps l’ufage des chofes- 
corporelles dont nous avons continuel¬ 
lement befoin pour entretenirou ré¬ 
tablit notre Xante.. . i 


m.Ai sonkê'e* 25 

S C H O L I E. 

II eft évident par toutes les remar¬ 
ques que nous avons faites que la con- 
noiflànçe de la Phyfique eft d’une ex¬ 
trême utilité pour parvenir à la décou¬ 
verte des vérités médicinales. Ceft ce 
que les plus habiles des anciens Méde¬ 
cins, je dis même des premiers tems * 
au nombre defqtrels 011 nè balancera 
pas fans doute a mettre Hippocrate s 
ont penfé comme nous. Je. n’en veux 
pas d’autre , preuve que fes Traités de 
Phyfique , fur la nature de- l’homme , le 
cœur , les lieux dans l’homme , les vents , les 
différons régimes , la nature de l’air , des 
eaux , & des lieux , où il établit que le 
régira#, & l’air, non-feulement produis 
fent différentes efpeces de maladies s 
mais donnent de la fagefîè, ou appe- 
fantiffent Tefprit des hommes. On ne 
peut donc trop s etonnerqu’il fe trouvé 
encore parmi les Médecins gens qui 
prétendent que la Phyfique eft tres- 
peu utile à la Medecine 5 fondés prin¬ 
cipalement fur la remarque qu’ils ont 
faite que les affeétions perverfes de 
l ame caufent diverfes maladies. Quoi¬ 
que nous convenions, de cette vérité s» 


*4 Là Medïcike 
nous n’en comprenons pas mieux que 
lame doive être la caufe & le principe 
de tons les mouvemens, & de toutes 
les aérions. Eft-il en effet quelqu’un 
affez hardi pour entreprendre d expli- 
' quer par ce principe les opérations tou¬ 
tes particulières, & totalement diffé¬ 
rentes des caufes morbifiques, des mé- 
dicamens, & des poifons ? 

5 XVI. Puifqu’il y a deux fondemens 
d’une Pathologie véritable, & raifon- 
née, lavoir une obfervation exade , & 
la connoiffmce de la méchanique du 
corps, il s’enfuit naturellement que les 
Anciens qui n’ont pas bâti fur ces fôn- 
demens n’ont rien donné de folide 
dans notre Art. 

SCHOLIE. 

On ne peut trop louer les Anciens 
en ce qu’ils ont fait plufieurs remar¬ 
ques litr la nature, fur le génie, le pro¬ 
grès , & l’évenement des maladies j 
mais comme ils n avoient qu’une cou- 
noiffance fuperfîcielle de l’Anatomie * 
& par conféquent de la ftrudure du 
corps humain, qufeftle fujet de cette 
fcience , & que d’ailleurs ils ne fa~ 
voient, ni la Méchanique, ni la Phy- 
fiqne * 


fique, & que leurs obfervations font 
en petit nombre * courtes& inco Em¬ 
plettes , il n’eft pas étonnant qu’ils 
aient fubftitué prelque partout de purs 
noms aux vraies caufes, & qu’ils aient 
ignoré les véritables caufes de la vie , 
delà mort, & des maladies , & les 
moïens de guérir ces dernieres. On ne 
peut donc tirer d’utile de leurs écrits» 
que ce qui concerne l’hiftoire des ma¬ 
ladies. Car les maladies avoient autre-' 
fois la même nature qu’aujourd’hui ; 
leur marche eft .toujours, & conftam- 
ment la même ; & fur ce point les ob¬ 
fervations des Anciens, fi elles étoient 
en nombre fuffifant, auraient le même 
avantage que celles des Modernes. 

XVII. Il eft étonnant, que, malgré 
les excellentes découvertes dont on a 
de nos jours enrichi l’Anatomie.» la 
Phyfique, la Botanique, fa Chimie , 
& la Méchanique, on ait fait fi peu 
de progrès dans l’établifièment d’une 
vraie Pathologie, 

SCHOLI E. 

On peut donner plufieurs raifons du 
peu de progrès de la Pathologie. La 
première, que beaucoup de Médecins 
Tome II A C 


i6 La Mp.de ci ni 

modernes négligent de compofer des 
hiftoires exades des faits dont ils ont 
été témoins 5 la fécondé, qu’ils Rap¬ 
pliquent pas, ou qu’ils appliquent mal 
aux hiftoires des maladies, & aux ob- 
fervations, les belles découvertes qui 
~ ont été faites dans la Phyfîque. Je ne 
veux d’autre exemple que celui de la 
circulation du fang. & je demande 
qui en a fait un ufage convenable pour 
-réduire en véritable feience la Patho¬ 
logie, & la Thérapeutique. Ne voit- 
on pas au contraire tirer tous les jours 
des conféquences fauffes , foires des 
principes des Anciens , qu’on s’accor¬ 
de à rejetter depuis long-tems, & qui 
font manifeftement contraires aux loix 
de la circulation î Une troifiéme rai- 
fon du peu. de progrès de la Patholo¬ 
gie , & quieft fans, contredit la prin¬ 
cipale , c’eft que la. très-grande partie 
des Médecins établirent leur dodrine 
fut des principes Tuppofés, & .for de 
pures hypothefes, qu’ils fe pîaifent à, 
en imaginer de nouvelles , & qu’ils 
tâchent d’attirer l’Antiquité dans leur 
parti. Ï1 arrive à beaucoup d’entr’enx, 
ce qui: arrive à nombre de ceux qui 
s’appliquent aux autres.Sciences > ccâ 


RAISONS E / E. 17 

de faire un mauvais ufage de leur juge¬ 
ment. y de s’attacher fervilement aux 
fentimens d’autres Do&eurs , qu’ils 
s’imaginent incapables de tromper , &c 
d’être trompés, & de ne vouloir pas fe 
départir de la doctrine qu’ils en ont ap- 
prife ; &, ce qui eft pis encore',, de vou¬ 
loir à toute force, que leurs, opinions 
s’ajuftent aux hrftoires des maladies > 
fouvent infuffifantes, imparfaites, & 
mal compoféeS. Voilà les principaux 
ohftacles aux progrès de notre Art. 



CHAPITRE IL 


Du préjudice que les hypethefes caufent 
d lu Medet ine » 

I. TJ Ien ne fait plus de tort à la dé- 
XVcouverte des vérités médicina¬ 
les, & à la certitude de la Medecine, 
■que la quantité d’hypothefes, d’opi¬ 
nions , ic de feétes. 

S c h o 11 E. 

Il y a une différence infinie entre 
les vérités , & les fictions , qui font 
Ci) 



iS La MEDECINE, 

des fources fécondes d’hypothéfes, & 
de variété dans les opinions. Car la vé¬ 
rité eft une, Ample, fans embarras, & 
âifée à entendre ; les opinions au con¬ 
traire font pleines de variétés, compo- 
fées , fouvent éloignées diamétrale¬ 
ment lune de l’autre, & difficiles à 
entendre. Elles font- d’ailleurs incer¬ 
taines', & douteufes ; tous attributs qui 
fie peuvent convenir à la vérité. La vé- 
' rite encore eft la fille d’une intelligen¬ 
ce faine ^dégagée, & libre ; les opi¬ 
nions les hypothefes, au contraire 
font les enfuis d’une imagination vive» 
&: échauffée ; enfin le fruit de toutes 
les vérités eft l’explication, la démonf- 
tration, ou la découverte d’autres vé¬ 
rités inconnues ; <k les opinions font 
des fources fécondes d’erreurs, & de' 
différens interminables. 

IL Les hypothefes font des princi¬ 
pes fiélifs , qui peuvent fervir a l’ex¬ 
plication de quelques phénomènes , 
mais ne peuvent s’accorder avec tous 
ceux qui fe préfentent. 

S C H O L I E. 

" SI les hypothefes étoient des princi¬ 
pes vrais, & non imaginés,, elles fer- 


S. AÏSÔNN E / Ei 19 

Viraient à l’explication de tous les phé¬ 
nomènes; il ne s’en enfuivroit aucune er¬ 
reur , & les explications en couleroieiit 
naturellement. Au relie , je ne bl⬠
me pas en entier les hypothefes ; par¬ 
ce qu’elles contiennent ordinairement 
quelques vérités utiles , quoiqu’elles 
ne foient point univerfelles. 

III, C’eft avec raifon que nous avan¬ 
çons comme un principe inconteftable 
qu’on ne peut trop dégager de toutes 
fixions, hypothefes, & opinions in¬ 
certaines j un Art qui promet la fanté, 
& une longue vie aux hommes ; dont 
le but ell d’en écarter les douleurs, & 
les maladies ; & à qui fon excellence 
mérite à bon droit le furnom de divin. 

S c h ou E. 

J’ai regret, & honte de le dire, quoi¬ 
que rien ne loit plus vrai ; il y a entre 
les Médecins une infinité de fentimens 
differens , non-feulement dans leurs 
écrits, mais même quand ils font ap- 
pellés en confultation. Ils s’accordent 
rarement ; que dis-je ? Ils font fouvent 
diamétralement oppofés fur la nature, 
& les caufes de la maladie, & plus en¬ 
core fur la maniéré de la traiter, èc les 
C iij 


3 ° La Médecin* 
remedes qu’il convient demploier. Y 
a-t 3 il rien de plus commun que de voir 
condamner par un fécond ce que le 
premier a fait ? Cette diverfité d opi¬ 
nions ne vient que de ce que leur fa¬ 
çon de juger, & d’agir, n’eft fondée 
que fur de pures fêlions, & fur le jeu 
d’une imagination erronée, au lieu de 
l’être &r des demonftrations, & des 
vérités inconteftables, ïl eft rare en 
effet de voir des difputes dans les 
Sciences qui ne font fondées que fur 
des vérités , & fur des vérités mani- 
feftes , comme font les Mathémati¬ 
ques ; mais rien n’eft plus commun 
dans celles ou la vérité n’eft point en¬ 
core découverte, & qui fourmillent 
d’incertitude, & d’opinions. Tel eft le 
privilège de la vérité,en qualité dè fille 
d’une intelligence pure, & lumineufè, 
quelle frappe tout à coup les ïeux auf 
quels elle le préfente, qu’elle porte la 
conviction avec elle-même , & force 
de lui donner fou fuffrage ; tandis que 
les opinions, fruits de la feule imagi¬ 
nation , ne font que répandre & biffer 
des doutes dans Tefpric des hommes., 
& ne font imprefïion que fur ceux qui 
ont plus, d’imagination, que de juge- 


R A 1 S O N ¥1 f/e, 31 

meot -, malheur d’autant plus grand , 
qu’ils fàififiènt le faux plus avidement, 
& qu’ils fe persuadent aifément que 
c’eft la vérité. Les différentes hypo- 
thefes n’entretiennent donc pas feule¬ 
ment la difeor-de entre les Médecins ; 
elles font même pernicieufes aux Ma- 
lades, & aviliflent, même parmi le 
commun des hommes, une profdïion 
qu’on ne fauroit trop eftimer. Ce mal 
au refie 11’eS pas nouveau, Hippocrate 
s’en plaignoit atifîi amèrement que 
nous. Le peuple , dit-âl, eft fi éloigne de 
refpecter la Médecine , qu’il s’imagine au 
contraire que c’efi un être de raifort. Il y a 
tant <k différetne -entre les façons de penfitr de 
trax qui la profefimt 9 quand ils &m à trimer 
des maladies aiguës } que Vun condamne com¬ 
me pernicieux , ce que Vautre trouve excel¬ 
lent y de forte que par cette raifon le peuple 
la regarde comme purement conjecturale , & 
incertaine, {a} Il faut donc fôuhaicer ar¬ 
demment , ( & y travailler de toutes 

(a) Qalumniam incurrit tout Ars apud vulgus 
aieo mxgnam , ut ne que omnino Medicinœm ejfe 
patent. Nam in acutismorbis in tantum in fe dif¬ 
férant artifices, ut qu& alter exbibet , optima ejfe 
put ans , ea alter jammala exifitmet-, & fere ob 
id Artem vaticinationi fimïlem ejfe dixerint. Hipp. 
Lïb. de Vict. in Acut. §.4. 


3 * La MEDECINE 
les forces ) que notre Art fe débarraffe 
de toutes les hypothefes pernicleufes 
dont il eft accablé ; au moïen de quoi 
il y a tout lieu d’efpérer quon verra la 
fin des contradidions , des diiputes, 
des haines, & des animofités quon a 
vu régner jufqu’à ce jour entre les Me- 
depins, au grand préjudice de la Mé¬ 
decine , & des Malades. 

IV. On peut réduire les hypothefes 
médicinales à trois efpeces ; l’une a 
pour objet la caufe, ou le principe qui 
opéré , régie , conduit toutes les 
adions qui fe font dans le corps ; 4 fé¬ 
condé , les caufes des maladies ; & la 
troifiéme , la méthode de traiter les 
maladies, & de juger des vertus des 
remedes. 

SCHOLIÏ. 

Toutes les hypothefes médicinales . 
ne doivent pas être mifes au même 
"rang, & les unes font préférables aux 
autres. Car il y en a beaucoup qui ne 
roulent que fur des chofes qui rie tom¬ 
bent , ni fous lés fens, ni fous l’intelli¬ 
gence , dont on ne peut concevoir 
l’exiftence ; pendant que d’autres ne 
font contraires, ni à l’un , ni à l’autre. 


RAISONNE' 1 !* 

& qu’on ne peut leur reprocher que 
leur infuffifànce à fatisfaire aux expli¬ 
cations , ou aux conféquences qu’on a 
befoin d’en tirer. 

V. Les plus mauvaifes de toutes les 
hypothefes font celles qui établirent 
de purs noms pour caufes univerfolles 
de la vie, de la lànté } de la conforva- 
tion, de la guérifon, en un mot, de 
tout ce qui fo fait dans le corps ; parce 
qu’elles font entièrement inutiles dans 
la ipécuîation, & dans la pratique. 

SCHOLIE. 

On doit làns contredit mettre dans 
cette clafîè celles des Anciens , qui 
n’aiant jamais connu la ftru&ure du 
corps j ni par confisquent les mouve- 
mens qui en font les fuites, non plus 
que la Force & la puiflànce des corps, 
qui réfulte principalement de leur réac¬ 
tion mutuelle, n’ont pu concevoir les 
"vraies caufes de la fanté, de la vie, ou 
des maladies, aulqu elles ils ont fubfti- 
tué de purs noms qui ne lignifient 
rien, comme la chaleur innée, l’hu¬ 
mide radical 3 l’efprit infus , la nature 
fage, l’ame douee de prudence , de 
raifon, d’intention ; le principe a&if. 


14 La Médecine 
qui. a en lui-même le fentiment &z le 
mouvement, fans le recevoir du de¬ 
hors ; le principe qui dirige , meut, & 
gouverne tout avec fageffe ; l’efprit vi¬ 
tal doué des facultés néceffaires. Nous: 
mettrons encore dans la même claie 
les rêveries de quelques Modernes , 
comme l’Archée de Van-heîmont, fon 
dnum-virât , & fa direction occulte 
de la vie, l’ame fenfitive nichée dans 
l’orifice gauche du ventricule, la flam¬ 
me de la vie, le phofphore du cœur 
& du cerveau $ tous principes d’une 
mauvaife Medecine , qui ne doivent 
leur être qu’au peu de eonnoiffànce 
phyfique delà nature des corps ; qu’à 
l’idée où ëtoient les Auteurs que les 
corps font purement paffifs, & dénués 
entièrement de toute aââon & de 
tout mou vement ; & qu’à l’attribution 
qu’ils faifoient à un principe intérieur, 
agiffimt avec jugement , dont ils ne 
peuvent prouver l’exiftence par aucune 
raifbn fblide, & au-deffus de la répli¬ 
que , des mouvemens qui fe font dans 
le corps humain dans la proportion , 
1 ordre,& le tems déterminé, & pour 
des fins certaines ; mouvemens , qui 
font les effets de l’art infini avec lequel 


raisonne'e. ff 

notre machine eft conftruite , & de 
l’a&ion réciproque des folides, & des 
fluides. Mais je pofe comme un prin¬ 
cipe certain qu’il ne faut jamais remon¬ 
ter à des caufes -inintelligibles, ou ex¬ 
trêmement difficiles à eonnoître , tant 
qu’on en trouvera de manifeftes pour 
expliquer les phenomenes qui fe pré- 
fentent-j & fi quelques-uns d’eux dé¬ 
pendent de caufes que la raifon, & le 
jugemenr,ne puiflèntfaifir furie champ, 
confia tons les faits, &c gardons le fi- 
Icnce fur les caufes qui nous font ca¬ 
chées y plutôt que d’en apporter qu’on 
me peut, ni concevoir, ni expliquer, 
&: qui ne font d’aucun ufàge , parce 
-qu’elles,ne peuvent recevoir d’applica¬ 
tion à rien de ce qui fait l’objet de la 
Medecine. 

VI. Il faut anffi mettre dans la claffe 
des hypothefes vuides, &: très-dange- 
reufes , la doâxine qui affigne pour 
-caufes de toutes les maladies l’intem- 
perie des quatre humeurs, qui eft celle 
de Galien,& desGaleniftes 5 ou l’acide, 
le vifqueux , &: la bile , comme fait 
Sylvius; ou l’acide , èc le vifqueux, 
comme Bontekoé ; ou une infinité 
de fols, ou de fermons morbifiques, 


La Mede« iisfE 

comme plufieurs Modernes l’ont ima¬ 
gine* 

SCHOLIE. 

Bien que toutes ces caufés aient beau» 
coup de force pour déranger les mou- 
Vemens naturels, elles font cependant 
très-infuffifantes pour l’établiflement 
des claflès des caulcs morbifiques. Car 
elles ne touchent point aux caufes vraies 
& prochaines qui prôduifent les mala¬ 
dies, & qui confident dans le déran¬ 
gement de l’ordre des mouvemens, & 
elles ne peuvent fervir à expliquer 
pourquoi certaines maladies font pro¬ 
pres à certains âges, ôc comment les 
violentes pallions de lame, où les poi- 
fons prôduifent fi promptement des 
affedions très-graves dans des corps 
parfaitement fàins. 

VII. Les hypothefes de ceux qui 
déduifent toutes les maladies d’une in¬ 
tempérie faline , acre , ou fcorbuti- 
que, ne méritent pas un meilleur trai¬ 
tement. 

SCHOLIÏ. . 

f Les cauftiques font une preuve fans 
réplique de la grande énergie des fels. 


raisonne'e. 37 

par les picotemens, les irritations, les 
eorrofions qu’ils caufent aux parties 
folides de notre corps ; mais il y a en¬ 
core bien d’autres caufes qui produi- 
. fent les maladies , ou les difpofitions 
morbifiques. Car qui peut dans ce fy£ 
tême expliquer les maladies qui vien¬ 
nent de l’abondance du fang , & des li¬ 
queurs , & de leur ftagnation dans les 
yifceres ? Ôn peut encore moins dans 
ce fyftême expliquer la naiftànce, &: 
les caufes , des maladies héréditaires, 
& de celles qui font propres à certains 
âges, & qui font en grand nombre, 
& d’une grande violence, ou pourquoi 
ceux qui s’écartent beaucoup des loix 
de la tempérance ne deviennent pas 
âufli-tôt malades. 

VIII. La feule abondance exceffive 
du fang & des liqueurs,&la fuppreffion 
-de leurs excrétions ne fuffit donc pas 
pour expliquer d’une maniéré fatisfe? 
iante tous les effets des maladies. 

SCHOLIE. 

Il eft fans contredit qu’une afïèz 
grande/abondance de fang pour faire 
obftacle à la circulation, eft quelque¬ 
fois la première, & la principale caufe 



5S La Medecine 
de beaucoup de paffions, &~furtout de 
paffions chroniques ; témoin la dimi¬ 
nution , la fuppreffion, ou l’arrêt fo- 
bit, des évacuations par l’utèrus, ou 
les hemorrhoïdes. Mais comment dé- 
duira-t’on de ce principe les maladies 
qui n aillent du défaut de-fang, ou cel¬ 
les qui attaquent ordinairement ceux 
qui font convalefcens d’une maladie 
aiguë, où chronique, ou qui ont fouf- 
fert de grandes hémorrhagies ; en un 
mot, qui font reffés fort foibles après 
quelque accident ? 11 fera encore bien 
plus difficile de déduire de cette hy- 
pothefe la naiflance des maladies épi¬ 
démiques , qui font en grand nombre, 
& que produit'le ¥ice de l’air , fou 
changement fubit , ou la difpofition 
contre nature des faifons. Outre la 
fuppreffion des évacuations fanguines , 
celle des évacuations qui.fo font par le 
bas ventre , la tranfpiration infenfrble, 
par l’expedoration, caufe auffi des ma¬ 
ladies très-graves, La pléthore , & la 
Stagnation qui en eft la foi te, & fuite 
fi contraire à l’œconomie de notre 
corps , donne quelquefois naiflance 
àux maladies , & fortout aux chro¬ 
niques $ & la diminution* de la plethü- 


raisonne' êN-' f 9 

re contribue fans doute inerveiüeufe- 
rnent à les détourner ; cependant com- 
rxte elle donne lieu à des ikgnations, 
des ftafics, des engorgemens, des obfi- 
trudions, des fchirres, des corruptions» 
& des éxuleerations des vifcercs, d’où 
.naiffent des cachexies, differentes for¬ 
tes d’hydropifie, des fièvres lentes & 
hediques , quand ces accidens paroifi- 
fent, il ne s’agit plus en traitant ces 
maladies d’avoir attention à la caufie 
première, mais plutôt à fes effets. La 
pléthore ne fuffit donc pas pour expli¬ 
quer les accidens de ces maladies. 

IX. On ne peut auffi donner toute 
la généralité poffibie à la proportion 
qui diroit que le bon état des excré¬ 
tions hiffit pour entretenir la vie » & le 
bon état du corps. 

SciIOLI E. 

Il n’eft pas befioin de prouver que la 
iànté, & la vie, ne peuventfo foutenir 
long-tems làns les excrétions. Cepen¬ 
dant elles ne fiuffifient pas absolument 
pour la conforvation de la vie 3 & de la 
lanté. Car fi les fia es que les excrétions 
emportent continuellement n’étoient 
réparés par d’autres louables » & ccn- 



4 ° La Medecine 
venables, ce feroit bien-tôt fait de îa 
vie, & de la fanté. Le Médecin doit 
donc, pour conferver la-fanté, non-feu¬ 
lement faire attention aux excrétions, 
mais à la bonne, ou mauvaife qualité , 
de ce qui entre dans le corps, éc y re¬ 
courir pour trouver lacaufe des mala¬ 
dies. 

X. Ce feroit encore bleffer la vérité 
que d’adopter le fyftême de ceux qui 
prétendent que les caufes materielles 
des maladies n’en font que les occa- 
fions, &£ que la nature prudente n’a 
inftitué les maladies , que pour faire 
fortir ces caufes du corps. 

Scholie. 

Il feroit fort à fouhaiter qu’il y eut 
- au-dedans de nous-mêmes un agent 
capable de prévoir de loin les effets 
des caufes morbifiques, & d’en arbi¬ 
trer , au moins moralement, la force > 
pour s’armer contre elles de différens 
mouvemens fecretoires , réfoîntifs, &: 
excrétoires. Mais je ne vois point com¬ 
ment on peut concilier avec un agent 
fi fage une infinité de phenomenes , 
comme la production de mouvemens 
très-violens, & même mortels qu’on 
remarque 


1AI SONNî'e. 4ï 

remarque dans différera cas, & même 
pour des caufes très-légeres, par exem¬ 
ple à l’occafion des vents renfermés 
dans les inteftins, ou le ventricule, de 
la piqueure caufée aux nerfs par des 
Vers, par le dard d’une gtiefpe / ou 
quelque infiniment piquant fou par 
les pointes de l’arfenic qui s’attachent 
aux membranes de ïeftomac. J’ai en¬ 
core plus de peine à concilier les vues 
d’une fagefle/elle que celle qu’on fup- 
pofe, avec ces reflerremens, fpafmodi- 
ques fi confidérables quelle caufe dans 
les vaîffeaux excrétoires, &: les éxtrê- 
inités 3 pour faire fortir du corps les cau- 
lès des fièvres, quand je vois que non- 
feulement ces refîèrremens caufent un 
dérangement dans la circulation du 
fang, mais le repoufîènt dans les vaif- 
feaux de l’intérieur du corps , ce qui 
retarde l’exclufion des caufes morbifi¬ 
ques , fur tout quand il y a une maniéré 
beaucoup plus fimple , & plus fûre , 
d’ouvrir les excrétoires,& d’augmenter 
& d’exciter le mouvemenrdu cœur,& 
des arteres , d’où dépend l’exclufion 
de ces caufes. Je ne vois point d’ail¬ 
leurs pourquoi on veut feulement éta¬ 
blir des caufes occafioneiles des mala- 
• TomeIII. D 


4 l La Médecins 
dies , pendant qu’elles ont en elles- 
mêmes , & de leur propre nature , 
tou te la force néceflàire pour troubler* 
déranger / détruire , les mouvemens 
qui fe font dans notre machine ; c’cft 
cependant ce qui eft clair, & évident, 
par l’effet de la chaleur exceffîve de 
l’air, fa froideur , fon humidité , les 
alimens très-forts, & toutes les efpe- 
ces de poifons. Eft-il quelqu’un qui 
ofè refufer à ces caufès une puiflànee 
capable de nuire , qu’elles ne peuvent 
cependant mettre en aâtion que par un 
mouvement de trouble, & de dcftruc- 
tion ? 

XL J’eftime qu’il faut aufti rappor¬ 
ter aux hypothefes l’idée de certains 
-Médecins qui regardent comme le 
principe de la Medecime , & de tous 
les mouvemens qui entretiennent la 
vie, & guériftènt les maladies, la na¬ 
ture , ou une ame raifonnable , qui a 
de la prudence, des deffeins, & une- 
fcience intérieure. 

ScHOl I E. 

Puifque fans ame intelligente il fe 
fait non-feulement dans l’univers, mais 
4 ans les végétaux, & les animaux, des 


RAISONNE 7 fi 4| 

mouvemens très-réglés, & îiibôrdon- 
nés à une fin déterminée , par quelle 
raïfon vraifemblabie refuferons-nous 
à notre corps, qui eft compofé avec 
tant d’art,ces mêmes mouvemens qui 
dérivent plutôt activement que paffi- 
vement de la difpofition de la matière ! 
Perfonne ne peut nier que notre corps 
n’eft point une pure machine, & qu’il 
n’y Toit joint un principe d’une nature 
beaucoup plus parfaite, qui influe fur 
certains mouvemens des parties , fi 
Pon fait attention qu’ils fuivent immé¬ 
diatement la détermination de la vo¬ 
lonté , & que le dérèglement des idées 
trouble, le mouvement des folides, & 
des fluides -, mais il n’en faut pas Con¬ 
clure que tous les mouvemens qu’on 
remarque dans le corps, dépendent de 
lame , puifqu’il eft certain qu’avec 
quelque force quelle le veuille, elle 
ne peut, ni retarder, ni augmenter, lè 
mouvement du cœur, & des arteres, 
ou le mouvement periftaltique du ca¬ 
nal inteftinal. D’ailleurs, peut-on igno¬ 
rer que la fageffe, les inclinations, les 
mœurs, dépendent beaucoup du mou¬ 
vement deS fluides , & des folides , 
mouvement a qui les chofes corporel- 


44 La Medecine 
les caufent des alterations confidéra- 
bles ? 11 faut donc établir un commer¬ 
ce mutuel entre lame & le corps ; 
parce qu’à raifon de ce commerce on 
peut donner Texjplication de plufieurs 
phenomenes, & foudre plufieurs diffi¬ 
cultés. 

XII. La troifiéme clafle d’hypothe- 
fes renferme celles qui ont été imagi¬ 
nées fur la force des remedes, & la 
maniéré de traiter les maladies ; & 
nous mettons en tête l’idée très-répan¬ 
due de l’exiftence d’une Medecine üni- 
verfelle. 

SCHOIIE. 

Il y a eu, & il y a encore beaucoup 
tl’Auteurs, furtout parmi les Chimiftes 
qui annoncenfavec emphafe une Mé¬ 
decine propre à guérir toutes les ma¬ 
ladies , & ils ajoutent que cette pana¬ 
cée fe tire principalement de l’or, qui 
eft propre à fortifier le principe mo¬ 
teur de notre corps. Si les effets ré¬ 
pondaient aux promeflès , & fi l’on 
n’apportoit point de raifons folides 
pour en prouver la futilité , leur tra¬ 
vail ne ferait point en pure perte. Mais 
comme ils ne réalifent pas leurs pro- 


R A I S G N H e'e, 4| 

aieflès s ceux qui favent diftinguer les 
forces de là nature de celles des reme- 
des, ont grande raifon de révoquer en 
doute les merveilleufes vertus de leurs 
prétendus élixirs. Pour moi , je me 
luis toujours perfuadé que ces remedes 
univerfels font incapables de nuire , 
parce qu’ils le font d’agir, & qu’ainli 
l’on ne rifque point de les emploïer 
dans toutes les maladies. Car je ne 
connois dans la nature aucun remede 
capable d’agirqui ne le foit de nuire, 
s’il eft mal appliqué. Je fais d’ailleurs 
que les forces de tous les êtres corporels 
ne font pas abfoluè's , mais feulement 
conditionelles, & relatives 5 & j’appli¬ 
que ce principe aux forces des reme¬ 
des , dont la puiflance } bornée à cer¬ 
tains effets, varie encore dans l’appli¬ 
cation, fuivant les difpofitions dés fu- 
jets qui en ufent, foit en leur faifant du 
bien, ou du mal. Si l’on fait encore at¬ 
tention que les mouvemens qui font 
les caufes prochaines dés maladies 3 ne 
font pas de même efpece, que les uns 
pêchent par leur augmentation,& leur 
violence, pendant qu’on reproche aux 
autres leur diminution , & leur foi- 
bleffe, à d’autres l’inégalité, ou le ren- 



4^ La Medecine 
VerFement, comme lorsqu’ils portent 
les liqueurs du dehors au dedans, on 
verra clairement que le même remede 
eft incapable de rétablir tous ces mou- 
vemens oppofés, & qui ne le reflem- 
bîent qu’en ce qu’ils Font contre nature. 

' Ce raifonnement aura encore plus de 
force li l’on met en ôppofition ce re¬ 
mede unique avec une fi grande quan¬ 
tité de cauFes, qui occafionnent des. 
mouvemens déréglés, &: qui pêchent 
par la quantité, par le défaut, la tem¬ 
pérature , ou le trop d’aéfivité. 

XIII. J’en dis autant des remedes 
honorés du titre de fpécifiques pour 
certaines maladies , & qui fe trouvent 
en grand nombre. 

Sc h pu e. 

C’eft une façon de penFer três-faufte 
que de croire qu’il y a des remedes 
tellement Ipécinques dans certaines 
maladies , qu’ils les guériflfent fûre- 
ment , ou du moins qu’ils les foula- 
gent infailliblement. C’eft l’idée du 
peuple ; c’eft même celle de beaucoup 
de Médecins. Auftï fi quelque remede- 
de marque leur a réuffi une, ou deux 
foiSjdans le traitement de quelque ma- 


raîsonnï'l 47 

kdie , les voilà difpofés à l’emploier, 
toutes les fois que la même maladie fe 
préfonte. Mais réuûiffent-ils toujours 2 
C’eft fur quoi je m’en rapporte à leur 
bonne foi. C’eft cependant dans cette 
idée que l’écorce de Quinquina a été 
érigée en fébrifuge fpécifique, le mer¬ 
cure en and -venerien, le kit en anti- 
phtnifique & anti-arthritique, les mar¬ 
tiaux , & les eaux minérales froides en 
anti-mélanchoîiques, le caftoreum en 
ânti-hyfterique, llpecacuanha en anti- 
dyfenterique, i’alemelle, & la pareira 
brava en and-néphrétique , le fang 
d’ane en anti-maniaque. Je ne prétens, 
point ôter à ces remedes bien appli¬ 
qués la gloire qui leur eft due dans ces 
maladies $ mais je fondais qu’on ne 
doit point les adminïftrer indiftinâe- 
ment, & fans attention aux fujets, ou 
aux caufes , & je foutiens encore plus 
leur infuffifance pour opérer fouis la 
guérifon de toutes ces maladies : & ce¬ 
pendant on eft à l’affût de tous les fpé- 
cifiques s & de tous les focrets, quoi- 

3 u’il foit certain qu’il n’y en a aucun 
ans la nature qui mérite ce titre, que 
la fcience, & la prudence des Méde¬ 
cins. 


4^ Là Médecine 

XIV. C’eft encore un préjugé qu’on 
ne peut trop combattre, que de dire 
que le même traitement convient à 
toutes les maladies de même efpece. 

SCHOLIÏ. 

11 eft étonnant combien on fe trouve 
éloigné de compte , quand on veut 
traiter une maladie quelconque, com¬ 
me la fièvre quarte, la colique, la fup- 
preiïion des régies ,1’épilepfie chroni¬ 
que, l’afthme, Scc. de la même ma¬ 
nière quon a traité ces maladies une 
autre fois , bien qu’avec fuccès. Car 
ori fe trouve arrêté par la diverfité des 
caufes de la même maladie, & par lès 
différentes' difpofitions des fujets, qui 
varient infiniment. Or comme la vé¬ 
ritable Medecine confifte à trouver la 
proportion entre les caufes des mala¬ 
dies , & les forces des remedes, à fa- 
voir corriger la matière défedueufe -, 
& la faire fortir quand il convient de 
le faire ; il eft évident qu’on ne peut y 
réuffir par un feul, & même moïen. 
Celfe a donc eu raifon de dire. Livre 
III. eh. XI. que les mêmes feccurs ne 
conviennent pas à tous les Malades ; & 
• Sydenham d’aflurer 3 fondé fur fa pro¬ 
pre 



raisonne' e. 45 

pre expérience , qu’une méthode qui 
lui a parfaitement réuffi dans la guéri- 
fon d’une fièvre épidémique, par exem¬ 
ple , non-feulement nuit dans un autre 
tems, mais même donne la mort au 
Malade. Car chaque maladie, & cha¬ 
que fujet demande un traitement par¬ 
ticulier. If faut donc bien approfondir, 
& pefer les maladies, & leurs hiftoi- 
res, afin qu’une férieufe attention fur 
toutes leurs circonftances faflè trouver 
au Médecin -judicieux la maniéré con¬ 
venable de les traiter. Car la méthode 
nécefïàire pour traiter chaque maladie 
en particulier comme elle le doit être, 
ne peut fe trouver que par une judi¬ 
ciaire excellente. Auffi meilleur elle 
eft, meilleur eft le Médecin. 

XV. En traitant les maladies, il ne 
faut pas trop étendre l’empire de la na¬ 
ture. 

SCHOIIL 

Hippocrate a eu raifon de le dire, 
êc tous les Médecins Grecs de le répé¬ 
ter ; c’eft à la nature qu’il appartient de 
guérir les maladies. On ne fauroit trop 
dire ce qu’ils entendent dans cette oc- 
cafion par le terme de nature. Car les 
Tome III\ E 


50 La Medecine 
Anciens lui ont donné bien des figniff- ... 
cations différentes. Mais dans le fait il 
eft vrai que beaucoup de maladies, 
furtout de maladies aiguës , guériffent 
fans le fecours du Médecin. La con- 
noilfance de cette vérité a fait naître à 
quelques perfonnes la penfée qu'il y a 
dans notre corps un principe qui fait 
.comment, en quel teras, dans quelle 
quantité, & par quel chemin, il doit 
agir , mouvoir, & faire fortir la caufe 
morbifique , & d’établir en colifé- 
quence que le Médecin doit imiter, & 
fuivre cette voie, & cette méthode, 
& venir au fecours des efforts que fait 
ce principe pour le rétablillèment du 
Malade. Mais , quoiqu’on ne puifie 
nier que les mouvement qui fe font 
dans notre corps, quelle qu’en foit la 
caufe, c’eft-à-dire ,«iatérielle, du im¬ 
matérielle , fuivent le plus fouvent la 
proportion , l’ordre , le tems conve¬ 
nables , & que, bien qu’ils foient exci¬ 
tés par une caufe morbifique s ils ne 
tendent pas moins à faire fortir du 
corps cette caufe mçme à qui ils doi¬ 
vent l’être -, cependant cela n’arrive 
pas toujours , &: il y a beaucoup de 
maladies, & de mouvemens maladifs* 


RAISONNE^. 51 

qui non-feulement ne font pas falutai- 
res, mais font au contraire fi perni¬ 
cieux , que le Médecin ne peut les cal¬ 
mer trop tôt. C’eft ce qui- fevoit évi¬ 
demment dans çes mpuvemens , & 
ces excrétions, que caiife une matière 
acre &: canftique, ou la picqueure des 
parties nerveuies par des vers, l’irri¬ 
tation qu’y caufe une pierre, la ftagna- 
tion du fang dans le cerveau, les ex- 
halaifons fermentatives qui tranfmet- 
tent les maladies , ou le poifon pris in¬ 
térieurement. D’ailleurs ces mouve- 
Jnens convulfifs font inutiles, & ne 
fervent en aucune maniéré à enlever 
la çaufe des maladies chroniques , 
comme ou le voit dans la maladie hy- 
poçhondriaque s ou hyftérique , & 
même ils ne font que les augmenter. 
Il y a même piufieurs maladies chro¬ 
niques , où la nature ne fait rien , ou 
très peu., & quil n’appartient qu’à 
l’art de guérir, comme les maladies 
vénériennes, fcorbutiques, ou cachec¬ 
tiques. La nature eft également inca¬ 
pable de vaincre un poifon narcoti¬ 
que , ou cauftique, fi l’art ne vient au 
fecours. 11 en eft de même du choiera- 
morbus , de la pafîion iliaque caufée 

Ei) 


5 * La Medeciné 
par une hernie, de la colique appeîlée 
convulfive , & de l’épilepfie chroni¬ 
que. Il faut donc connoître les juftes 
bornes de l’empire de la nature, avant 
que d’en tirer des induélions dans la 
pratique. 

XVI. Les faufifes hypothefes des 
Médecins, & leurs préjugés en ma¬ 
tière de Pathologie, ont été caufes de - 
pluiieurs erreurs, & même très-perni- 
cieufes dans la pratique. 

S c h o L 11. 

Je pourrais établir cette vérité fur 
une infinité d’exemples, s’il en ëtoit 
befoin ; mais je me contente de quel¬ 
ques-uns. Il y a encore beaucoup de 
Médecins qui redoutent la fàignée dans 
la plupart des maladies, quelque grand 
que fbit ce remede 3 ou même n’en veu¬ 
lent point faire ufage, fur le fondement 
que le làng eft le tréfor de la vie , ôc 
qu’ils ne s’imaginent pas qu’il puifle pé¬ 
cher par la quantité. D’autres rejettent 
totalement les émetiques, parce que, 
fùivant leur fyftême , la plupart des 
maladies aiguës, Sc chroniques, font 
eaufees par la Pléthore, ou la fuppref* 
fion des évacuations de lang ordinal 


RAISON N^E. | j 

tes 5 caufes aiifquellés les vomitifs ne 
remédient pas. Quelques-uns, s’imar- 
ginant que les maladies chroniques 
font caufées par un acide furabondant, 
ne prefcrivent que l’tifage des remedes 
qui abforbent, ou adoüciflent l’acide * 
comme les martiaux , & les alkalis 
terreux. On n’a pas d’autres raifons 
pour croire que le Quinquina eft un 
fébrifuge excellent', & prefque infail¬ 
lible dans les fièvres intermittentes, fî 
ce n’eft que, fuivant l’idée de certains 
Médecins, il change* & corrige le fer¬ 
ment fébrile qu’ils s’imaginent réfider 
dans les premières voies. Quelques- 
uns ont condamné l’ufàge des remedes 
tirés du pavot, & des caïmans en gé¬ 
néral , & même du caftoreum & des 
médicamens vaporeux, parce que non- 
feulement ils ne diminuent point la 
pléthore, & ne facilitent pas les excré¬ 
tions fanguines, mais qu’ils les empê¬ 
chent plutôt. Quelques Médecins mo¬ 
dernes condamnent l’ufage de la fai- 
gnée dans les fièvres intermittentes, & 
aigues, parce que leur fyftéme les en¬ 
gage à croire que le but dé la nature 
dans la guérifon des fièvres, n’eft pas 
tant de faire fortir le fang furabcn- 
E i\) 


54 La Médecins 
dant , que de le confommer. Tous 
ceux enfin qui fuppofent que î acide 
eft rarement caufe des maladies, ou 
même ne l’eft pas du tout, j ugent qu’il 
y a peu de cas où l’on puifîè emploïer 
les remedes alkalis, lixiviels, & les 
Tels volatils. 

XII. Le Médecin ne peut faire trop 
d’efforts pour fe défaire de tant de pré¬ 
jugés , & d’hypothefes douteufes, qui 
font plus de tort que de bien à notre 
fcience. à 

ScHOLIE. 

S’il faut éviter tout ce qui fent la 
fede dans quelque fcience que ce foit, 
parce que c’eft le'moïen de s’éloigner 
de la vérité, il faut le faire avec bien 
plus de foin en Medecine, parce que 
les opinions, qui font des fourçes fé¬ 
condes d’erreurs, n’y font point feule¬ 
ment préjudiciables à l’efprit de celui 
qui les adopte, comme il arrive dans 
les autres fciences , mais qu’elles in¬ 
fluent fur la pratique d’un art deftiné à 
guérir les maladies , & à éloigner la 
mort, & caufent quelquefois des ra¬ 
vages extrêmes. 

Xyill. Le meilleur moïen, & le 


H A I S O N ne'ê. 55 

plus certain, de fc défaire de cette foule 
d’opinions qui inondent notre Art, eft 
de douter méthodiquement de tout, 
<k de ne fe livrer à aucun dogme, fans 
l’avoir éprouvé à la pierre de touche 
des obfervations de pratique , & fans 
avoir examiné s’il eft de quelque ufage 
dans la pratique, & pour la refolution 
des difficultés qui le prélèntent dans 
î’hiftoire des maladies. De plus com¬ 
me la Medecine eft une philofophie 
perfectionnée , le Médecin n’y doit 
rien admettre qui ne foit clairement 
connu , & démontré, & il doit telle¬ 
ment ranger les vérités connues, qu’il 
en tire par voie d’analyfe celles qu’il 
ne connoît pas. 

SCHVLIE. 

Il feroit fort à fouhaiter que dans les 
Academies, deftinées à donner aux 
Eleves les Elemens des Sciences, on ne 
leur prefentât rien que d’excellent, & 
de débarraffé de toute erreur, & opi¬ 
nion. En effet on remarque, & Quin- 
tilien l’a obfervé il y a long-tems, que 
ce qu’on a appris dans la jeuneflè fait 
de fortes impreffions, & s’efface rare¬ 
ment de la mémoire. Mais par malheur 
E iiij 


5^ La ,Mede-c ini 
il eft rare qu’on remporte cet avantage 
des Academies ; parce que beaucoup 
de ceux qui y enfeignent regardent 
comme un deshonneur de s’écarter des 
fentimens qu’ils ont adoptés inconfidé- 
rément dans les premiers tems, ou 
même de les reélifîer. Pour moi telle a 
toujours été ma coutume , & j’en re¬ 
commande Pufage à tout le monde ; je 
ne jure fur la Foi de perfonne ; je doute 
méthodiquement de tout ; je décide du 
mérite des fentimens, par Pufage qu’on 
en peut faite dans la pratique ; je m’ap¬ 
proprie ce que j’y trouve de bon , & je 
tâche de donner à mes idées 3 l’ordre, &£ 
rarrangement le plus naturel qu’il m’eft 
poflible. J’eftime même que c’eft à ce 
travail qu’il faut que tous les Sa vans, 
amateurs des vérités utiles, qui portent 
le caraétere de la Divinité, fa cri dent 
tout le tems de leur vie, & je recom¬ 
mande cette pratique, &: même de fe 
rompre à ce travail, à tous ceux qui fe 
chargent d’enfeigner aux autres notre 
profeffion. Car il eft certain que celui 
qui n’apprend Part de guérir qu’en li- 
lant, ou en entendant parler , ne peut 
etre qu un écho qui répété ce qu’il a 
lü 3 ou entendu. C’eft donc avec fa f&= 


RAISONNEREZ 

geflê ordinaire qu’Hippocrate (a) afin- 
re qu on fera trompé dans fon attente 9 
fi Ton efpere parvenir a la connoiflàn- 
ce du vrai , à travers les écueils des 
opinions dont la Medecine eft rem¬ 
plie , â moins que l’on ne s’exerce 
avec confiance à le chercher. 

(a) Lib. de Pr&cept. n. io. 


CHAPITRE IIL 

If es vérités fondamentales de la Pathologie 3 
qu'il faut tirer de la Phyfiologïe. 

L /^Omme: toute fcience , & dé- 
V^/monftration fuppofe quelques 
vérités connues, qu’on peut regarder 
comme des principes, defquelles on 
peut découvrir parvoie d’analyfe, c’effc- 
à-dire , fui vaut un certain ordre, & 
dans une certaine fuite, des vérités in¬ 
connues 5 fi l’on veut traiter géométri¬ 
quement la doélrine des maladies , il 
faut fuppofer des vérités démontrées » 
qui tiennent lieu desLprincipes, & de¬ 
mandes que les Géomètres avancent 
avant de faire leurs démonftrations. 




' La MEDECINE 
SCHOL IE. 

C’eH de la philoSophie du corps hu¬ 
main vivant, & Sain , ou de la Phy- 
fiologie, qu’il faut tirer la plupart des 
vérités qui fervent de bafe aux. dé- 
monftratiôns pathologiques. Car com¬ 
me on ne conrioît l’oblique, que par 
comparaison à ce qui eft droit, l’état 
du corps , cpiand il eft en fanté, doit 
Servir de réglé pour le connaître en 
maladie. 

II. Une des premières, & principa¬ 
les vérités qui fervent à établir une Pa¬ 
thologie folide, eft la vraie définition 
de la vie , qui n’eft, félon nous, qu’un 
mouvement circulaire du fàng, & des 
Jîqueurs, caùfé par le relâchement, 
le reflérrement Succeflîfs des folidesl, 
qui preServe le corps d’une corruption 
imminente. 

SCHOIIE. 

En fait de Mathématique , & de 
Phiîofophie , les vraies définitions des 
chofés font les meilleurs principes de 
demonftrations. Auffinous Servirons- 
nous tres-utilement dans nos démons¬ 
trations pathologiques de celle qui ren- 


rai sonne' fi. $9 . 

ferme la nature, la génération , & la 
eaufe formelle, & efficiente de la vie» 
En effet le premier, êt le principal de¬ 
voir du Médecin étant de conferver là 
vie, & d'éloigner la mort, comment 
le fera-fil avec raifonnement 3 s'il 
ignore les caufes de la vie ? 

III. La vraie définition, de la fanté 9 
qui eft, félon nous, l'intégrité des ac¬ 
tions du corps, en conféquence de l’é¬ 
galité 3 & de la liberté de la contrac¬ 
tion , & du relâchement des folides, 
êt de la circulation , fuivies des fècre- 
tions 3 ôt des excrétions dans l'ordre 
convenable, eft encore un des princi¬ 
paux fondement de la Pathologie. 

Schoiïe. 

La connoiffance entière, §t parfaite 
des mouvemens de la nature, de leur 
ordre, de leurs loix, & des avantages 
qui en reviennent à la fanté, eft abso¬ 
lument néceffaire pour parvenir à celle 
des mouvemens qui forment les mala¬ 
dies. La liberté de la circulation con- 
fifte dans la facilité que trouve te fang 
à paffer de l'intérieur à l’extérieur du 
, corps , fans rencontrer aucun empê¬ 
chement dans les vaifîèaux qui le por- 


to -La Medecini 
tent ; fon égalité confifte, à n’ètre, n! 
trop^lente-, ni trop vite , & à garder 
une jufte proportion dans le degré, h 
fuite, l’ordre, & le tcms. Ces mou- 
vemens font de telle nature 5 qu’ils 
gouvernent toutes les fondions vita¬ 
les , naturelles, animales 5 luivant les 
loix & rinftitütion de la nature. 

iy. Les mouvemens qui fe font 
dans l’économie de notre corps, font 
de deux efpeces ; car ils fe font dans 
les parties folides, ou dans les fluides. 
• r V. Ceux qui fe font dans les folides, 
font extrêmement Amples; car ils corn 
liftent feulement dans la contradion, 
& le relâchement alternatifs , que les 
'Grecs appellent fyftole , & diaftole j 
& ces deux mouvemens font les cau¬ 
sés de l’impulfion des fluides , de leur 
mouvement progreffîf, de leur circu¬ 
lation , des fecretions, & des excré¬ 
tions. 

VI. Ces deux mouvemens , tout 
Amples qu’ils font, fontjes feules cau- 
fes des effets merveilleux qu’on remar¬ 
que dans le corps. Il y a cependant 
quelque différence d’eux à eux-mê¬ 
mes , a railbn de différentes parties, 
oc on leur donne différens noms qui 



RALSONNï'e. éî 

leur font propres. Ils forment le pouls 
dans le cœur, & les arteres ; le mou¬ 
vement periftaltique dans le ventricu¬ 
le , les inteftins, & les canaux excré¬ 
toires de toute elpece, comme les bi¬ 
liaires j les uretheres ; le ton, la force â 
la relîftance, & le reflort, dans les fi¬ 
bres motrices, & une elpece de mou¬ 
vement d ondulation dans les parties 
nerveufes.. 

VIL Les mouvemens des fluides 
lont auffi de différentes efpeces ; car ils 
font progreffifs 3 quand les liqueurs 
lont portées d un lieu dans un autre s 
& inteftins 3 lorfque les parties des li¬ 
queurs changent continuellement de 
fituation refpedive , & font agitées 
dun mouvement de tourbillon 3 & ce 
font ceux qui caufexit la chaleur, && 
fluidité. 

VIII. Le premier , & le principal 
des mouvemens progreffifs 3 & celui 
de qui dépendent les inteftins 3 & les 
auteres , eft le mouvement de circula¬ 
tion, 

Schou e. 

Les mouvemens fecretoires qui le- 
parent de la malfe du fang les fucs uti- 



<5z La Médecins 
les, &: les' excrétoires qui font fortir 
du corps les fuperflus , & les perni¬ 
cieux , fui vent tellement le mouve¬ 
ment circulaire du fang , que plus il 
aborde aux vaifleaux fecretoires , & 
excrétoires avec liberté , & viteffe , 
plus les fecretions, & les excrétions fe 
font promptement, & abondamment, ' 
Sc au contraire- Il y a auffi deux efpe- 
ces de mouvemens inteftins, qui font 
réglés par le mouvement progreffif du 
fang. Le premier, eft celui qui caufe la 
chaleur -, le fécond , celui qui donne de 
la fluidité aux liqueurs, & fait un mé- \ 
lange exad, & intime de leurs parties 
folides s & fluides. Car la forte , & 
continuelle contraction du cœur , & 
des. arteres, prefîb le fang contre les 
paroits des arteres, & fes parties ful- 
phureufes s’échauffant par le mouve¬ 
ment inteftin 5 & le broiement quelles 
fouffrent , communiquent à tout le 
corps la chaleur q u’elies ont conçue ; &C 
la contraétion des folides , aidée de 
V agitation intérieure des parties des li¬ 
queurs , mêle intimement les parties 
folides du fang, avec les fluides, afin 
quelles puiflent paflèr librement par 
les plus petits vaifleaux capillaires. Il 



RAISON N e' î. 6$ 

J à encore deux àutres mouvemens in- 
teftins des liqueurs, qui ne dépendent 
pas du mouvement progreffif du fang, 
mais plutôt d’une efpece de repos -, ou 
du moins d’un rallentiffement du mou¬ 
vement de cette liqueur. Je les appelle 
mouvement de fermentation , & de 
tranfmutation. Le premier, fe voit prin¬ 
cipalement dans les premières voies, 
où il opéré la réfoîution du tiflu des 
alimens, les volatilife-, & leur donne 
une efpece d’acidité ; le fécond, eft ce¬ 
lui qui fait prendre à une liqueur la 
forme d’une autre, qui l’adapte à cer¬ 
tains pores, & la rend propre à cer¬ 
taines parties ; tel eft celui qui change 
le chyle en fang, la férofité fulphu- 
fetife en bile, le chyle en lait, & qui 
dans l’état de maladie fait prendre aux 
humeurs bien temperées la qualité nui- 
lible de celles qui croupiflent. Car. 
comme on voit un peu de levain aigrir 
tine mafTe confidérable de farine , un 
peu de vinaigre , aigrir une grande 
quantité de vin, de même on voit les 
humeurs de notre corps, furtout quand 
elles ont croupi pendant quelque tems, 
avoir la vertu d’imprimer le carac¬ 
tère pernicieux qu’elles ont contraaé 


€Af La MEDECINE 

à celles qui viennent s’y mêler. 

IX- Le cœur, les artères, & les fo» 
lides de toute efpece, mettent en mou? 
vement , & en action les fluides , & 
règlent leur mouvement circulaire ; 
mais comme ils n’ont point de mouve¬ 
ment par eux-mêmes, & de leur na¬ 
ture , il eft néceflaire que celui qu’ils 
ont ait un principe qui leur eft étran¬ 
ge 

SCHOIIE. 

Les Anciens fèfoient dépendre tous 
les mouvemens qui fe font dans les 
animaux d’une ame , a qui ils don- 
noient un mouvement intérieur , & 
qui devenoit le premier mobile. Mais 
comme on ne conçoit pas ce que c’é- 
toit que cette ame, ni de quelle nature 
elle étoit, on peut regarder cette cau- 
fe comme une pétition de principe, 
pour me fervir d’une expreffion ufitée 
çn Logique. Car de ce qu’à certaines 
penfées, certaines impreffions, ou mê¬ 
me quelque ade de volonté, il fe fait 
des mouvemens dans les parties ioli- 
des, il ne s’enfuit pas que tous les mou¬ 
vemens qui fe font dans le corps, èc 
fartout ceux qui entretiennent la vie . 


raisonne 'fi. 6 $ 

& îa fanté, doivent fe rapporter à là 
même caufe. Car toutes les perfonnes 
imbues des principes d’une Phyfique 3 
& d’une Medecine folide, nTgnorent 
point, ou ne doivent point ignorer, 
que tous les corps ont une force aétive 
innée pour fe mouvoir ; que l’un agit 
fur l’autre ; que de-là s’enfuivent diffé- 
rens effets ; & que les Anciens étoient 
-dans une erreur groffiere , quand ils 
penfoient que tous les corps étoient 
purement paffifs , & a voient befoin 
d’être mis en mouvement par un autre 
agent, ou ame diftinguée eflèntielle- 
ment de îa nature du corps. 

X. Le mouvement, la vigueur » le 
ton , la force de contra&ion , & de 
reffort du cœur, & dé routes les par¬ 
ties motrices , dépendent des fluides 
extrêmement déliés qui font dans le 
cerveau, les nerfs, & le fang même* 

SCHOLII. | 

Ce théorème étant d’un très-grand 
tîfage pour les explications raifbnnées 
des maladies, mérite d’etre établi fur 
des raifons folides. i°. Une expérien¬ 
ce invariable nous apprend , que tout 
organe,, quelque fain que foit lénifia 
Terne IIL F 


66 La Medecxne 
de Tes parties , quelque entier qui! 
foit, & exempt de toute léfion , eft 
incapable de Elire le moindre mouve¬ 
ment , fi on lie , ou l’on coupelles 
nerfs, ou les artères qui s’y diftribuent; 
preuve évidente que fon mouvement 
dépend des fluides que ces parties y 
apportent. 2 Voici une expérience 
que nous avons répétée plufieurs fois, 
êç qui mérite une attention particu¬ 
lière. Le cœur d’un poiflon jetté dans 
l’eau chaude, peu de tems apres avoir 
été tiré de fa poitrine , celle de fe mou¬ 
voir , ce qu’il eut continué de faire en¬ 
core long-tenus ; & recommence à fe 
mouvoir, li on le jette dans l’eau froi¬ 
de ; d’où je -conclud qu’il y a dans le 
cœur une caufe matérielle de mouve¬ 
ment ; fans quoi la chaleur, & le froid 
n’y cauferoient pas d’altération. Une 
autre obfervation , non moins digne 
d’être remarquée , c’eft que fefant for- 
tir le fang des veines coronaires , au 
moïen d’une incifion , les pulfations 
ceflent tout à coup. 11 eft donc très- 
vraifemblable, que non-feulement le 
fluide qu’apportent les nerfs , mais le 
fàrig diftribué par les àrteres capillaires 
dans les organes du mouvement, les 



R A I S Ô N N e'e. 67 

fibres motrices, & les membranes muf- 
culair.es , les nourrirent moins, qu’ils 
ne fervent à leur donner le reflort, la 
vigueur, & la force de fe contra&er ; 
& c’eft la raifon pourquoi les . trop 
grandes pertes de fang diminuent la 
force, le ton , & le reflort des folides, 
& que les forces du corps, quelques 
affoihlies qu’elles foient, augmentent 
par la formation d’un fang abondant s 
& bien conditioné. 

XL La partie la plus dépurée , la 
plus fubtile, étherée. & élaftique d’un 
fang bien conftitué, eft le, principe ac¬ 
tif, & moteur de notre corps, èc cet¬ 
te partie eft principalement engendrée 
par la portion la plus fubtile, & la 
plus pure de l’air, & des alimens. 

ScH OLI E. 

Comme on voit dans la nature des 
fluides extrêmement tnobiles } tels que 
l’air 3 & la matière étherée 3 caufer des 
effets furprenans, il n’y a pas lieu de 
douter que les parties les plus fubtiles 
de l’air, de l’éther, & des fouffres qui 
fe trouvent dans le fang, êz la lym¬ 
phe , n’aient une très-grande force 
pour caufer des mouvemens dans les 



6 % La Médecins 
corps des animaux ; furtout quand vmè 
expérience invariable fait foi que les 
alimens , & les médicamens compo¬ 
sés de parties Subtiles, & même un air 
pur, augmentent évidemment k force 
au corps 5 & que les alimens pefans 3 
&: Pair impur les diminuent. C’eft 
donc dans le Sang qu’il faut chercher 
le tréfor de la vie, & des forces, com¬ 
me. les Anciens y plaçoient leur efprit 
vital. Hippocrate (^).afluroit que lame 
de l’homme Se nourrilfoit d’une Subs¬ 
tance pure, & diftinguee ; qui Se fé- 
paroit du làng ; peut-être par la raifon 
qu’il remarquent qu’un làng bien tem- 
peré, & bien, conftkué , contribuoit 
beaucoup à entretenir la làgelle, 

XIL L’air eft indilpenfabfement né- 
celïaire pour entretenir la vie des ani¬ 
maux j tant à raifon de fon relïbrt, & 
de Sa peSanteur, qu’à caule de Son mé-. 
lange avec Vêlement três-limple 3 U 
três-agih^de l’éther, que quelques-uns 
regardent comme une ame, &: un ef¬ 
prit j dont l’air eft le véhicule* 

SCIIOLIE. 

Hippocrate a donc raifon de dire , 

(a) Lib. de Cord. §. 8. 



iAISOSNB^ éf 

qtlV/ /kùe beaucoup fîattention a la 
force de l’air , ç&’i/ influe puifaniment 

fur tout ce qui arrive au corps > (a) Et plus 
bas, que l’air donne aux hommes les mala¬ 
dies j & la vie y - (b) & que c’eftfa cor¬ 
ruption qui caufe îes maladies dont les 
hommes font attaqués,.. Car qti’eft-ce 
qui ignore que c’eft aux changemçns 
que l’air éprouve , que les maladies 
épidémiques, fimples, ou peftilentiel- 
îes, & celles qui reviennent dans cer¬ 
taines faifons déterminées , doivent 
leur naiffance î D’où il -fuit naturefle- 
inent,, que l’air a plus de force pour 
altérer la conftitution du corps >. que le 
régime même ; parce que noir-feule¬ 
ment l’air dans la refpiration eft reçu 
dans les poumons ., & que notre corps 
en eft entièrement enveloppé » mais 
qu’il pénétre dans le fang meme au 
moïen des alimens qui lui fervent de 
véhicule. Or fa pefaateur , & l’aug¬ 
mentation de fon reflort dans les pou¬ 
mons y y hâte la circulation du fang 3 

' {a) Aer in omnibus spu& covpori acciduntma- 
ximusefi autor & dominas, cujus patentiam di¬ 
ligenter refpicere oportet. Hipp. Ltb. de flatib. §.4, 
(b), MonaUbus vii&ac morbsrum stgrotït aer ejb 
autor. Ibid- §;. 6 . 


e>7 La Medecini 
I anime, & le rend propre à parcourir 
tous les vaiffeaux du corps ^ ce que Ton 
épaiffeur le rendoit incapable de faire ; 
au dehors là pelànteur conferve l'équi¬ 
libre entre celui du dedans, & celui 
de dehors ; & celui qui eft contenu 
dans le fang, à raifon de fon refîort, 
& de fa vertu expanlive , anime les 
mouvemens des folides ; de forte qu’il 
n’eft point étonnant que la force de 
l’ame, & du corps, augmente, ou dimi¬ 
nue , fuivant les differentes dilpolitions 
de l’air. Et même li l’on confulte les 
Anciens, & furtout Hippocrate , on 
verra clairement que ce qu’ils enten¬ 
dent par l’ame , n’eft autre chofe que 
l’air.,.ou pour mieux dire l’éther- C’eft 
ce que prouvent ces paffages , dont 
l’un tiré de fon Traité du Régime , porte 
que tome augmente , & devient trés-fage , 
quand elle eft également temperée de feu > 
& d’eau ; (a) &r un autre, c’eft dans la 
chaleur que conftfte l’ame qui nous fait vi¬ 
vre i (b) un troiliéme , le fang corrompt 

- (a) Anima kominis augetùr ,-fapientijftma eft , 
qu& ignis & aqu& habet tempéramentam. Hipp¬ 
ie. de Di&t. §,. g. " 

Calere commetur anima qua vivimuz* 
Hipp. Lib. de Sanit. tuenL 


R A î S O N N e' e» 71 

famé ; (afi & enfin , famé des hommes fs 
produit continuellement , çéft-k-dire, végété 
jufqu'a la mort, (b) 

XIII. La ftru&ure des parties foli- 
des, qui font les organes des mouve- 
mens, ne contribue pas peu à confier- 
•ver l’égalité de l’impulfion , & du 
mouvement du fang. 

ScHOlI E* 

' Perfonne n’ignore que les parties fo~ 
lides de notre corps 11e font compofées 
que de fibres, & de filamens. Ileft done 
très-important de connoître la difpofi- 
tion de ces fibres élémentaires des par¬ 
ties folides ; fil elles font tendues, ten¬ 
dres , folides , compactes , fiafques 
groffieres, épaiffes ; parce que, fiuivant 
ces difpofitions , elles ont plus , ou 
moins’de force pour réfifter à l’effort 
des fluides , ou pour les pouffer. Il ne 
l’eft pas moins de fia voir fi le corps eff 
compofé de vaiffeaux plus gros, & en 
moindre quantité , ou jaltis ^petits, & 
en plus grande quantité; Car j’eftime 

(a) Sanguis animant vitiat. Ibid. 

(b) Rominum anima femperproducitur , idjfi * 
vegetatur ufque ad mortem. Hipp. Lib, VI. Epi~ 


7* La Médecins 
que c’eft du différent tifîu , & de U 
différente ftrudure des parties folidcs, 
que dépendent pour la plus grande 
partie les temperamens, & le mouve¬ 
ment du fang. Et comme la difpofi- 
tion des fibres varie fuivant Page, le 
fexe, & même fuivant la difpofition 
originaire qu elles reçoivent dans le 
fein de la mere, il nef! point étonnant 
que les âges, & les fèxes , aient leurs 
• maladies particulières, & que quel¬ 
ques-unes foient héréditaires. 

XIV. Cefl: une loi confiante du mi- 
crôcofme, que le maintien des mou- 
vemens vitaux demande une jufte tem¬ 
pérature, & proportion dans le fang, 
ék. les humeurs. 

ScHOIIEr 

L’expanfiou , & la contradion li¬ 
bre, & convenable des membranes des 
vaiffeaux qui fervent à la circulation 
des liqueurs , demande que les hu¬ 
meurs ne pechent, ni par excès, ni 
par défaut. Car un trop gros volume, 
ou trop de réfiftance dans les liqueurs, 
diminue confidérablement le reflort 
.des vaifîeaux ; ce qui rallentit la circu¬ 
lation a contribue beaucoup à eau- 
fer 


B. A I S O N K è' Ê . 7 | 

fer des ftagnations, & des corruptions 
■des liqueurs ; & fi elles font en trop 
petite quantité, la dilatation des vait 
féaux eft infuffifante , pour quelles 
■puiffènt fe diftribuer aux extrémités 
des vaifleaux capillaires des membra¬ 
nes qui compefcnt les canaux qu elles 
parcourent, &: qui doivent aider leur 
mouvement de refîort. Il ne faut donc 
point setonner, que dans ce cas la pul- 
fation du cœur, & des arteres devien¬ 
ne plus languiflante , & que tout le 
corps s’aftbibliCe. 

XV. C’eft encore une loi de la na¬ 
ture, pour que le fang foit propre à 
entretenir les mouvemens vitaux,que 
les parties eflèntieîles dont il eft com- 
pofé foient exactement mélangées. 

ScHOIIE. 

Les élèmens dont le fang eft compofe» 
font rhuiIe,lefoüffre,laterre,& l’eau,&: 
la perfection de leur mélange, confifte 
en ce que le folide ne foit que la qua¬ 
trième partie du tout, ou aux envi¬ 
rons; comme il paroît par l'évapora- , 
tion faite à feu lent du fang d un hom¬ 
me fain. On ne peut déterminer de 
même la proportion du principe ful- 
Tame III. G 



74 La Médecine 
phureux au terreux , par rapport au 
changement qu’y caufent la différence 
des ali mens , 5c les mouvemens pro- 
greffif, 5c inteftin du fang. Il étoit né- 
ceffaire que le fluide excédât le folide 
dans la proportion marquée, afin que 
le mélange qui en réfuite , put paffer 
librement par les défilés extrêmement 
jétroits qu’on trouve par toute notre 
machine, qui eff entièrement hydrau¬ 
lique. 

XVI. La meme loi de la nature 
veut qu’il y ait un mélange exad des 
parties folides, fulphureufes, terreu¬ 
ses , 5c mucilagineufes, 

SCHOLIE. 

À faute du mélange exad des folides 
5c des fluides ., ces derniers fe fépare- 
roient aifément des autres ; ce qui cau- 
feroit néceflàirement des obifeudions 
d une partie des petits vaiffeaux. C’eft 
pour prévenir cet inconvénient, que 
la prévoiante nature a compofé plu- 
fleurs vifceres, furtout les poumons, 
5c la rate, d’un nombre infini de petits 
vaiffeaux, dont la preffion, 5c la con¬ 
traction obligeant le fang de paflèr par 
une infinité de détroits, féparent ftl 



parties fotides en globules très-petits s 
. qui,nageant dans le liquide qui les en vi¬ 
ronne , ont plus de facilité à achever 
leur circulation par tout le corps. Et 
c’eft par cette raifbn que Pobftrudiois 
qui fe forme dans ces vifceres, favo- 
rife la génération de beaucoup de ma¬ 
ladies , en caufant des altérations efïèn- 
tielles au tiffu du fàng. 

XVII. Il eft aufîi dans l’ordre, 8c 
conforme aux loix que la nature a éta¬ 
blies pour la confervation du micro- 
cofme, que le fàng foit bien temperé ÿ 
c’eft-à-dire , dégagé , & purifié de 
toutes parties falines , fulphureufes » 
mucilagineufes, excrémenteufes ; fans 
quoi il y a du dérangement dans les 
fondions qui fe font dans le corps hu¬ 
main, 

SCHGLIE. 

C’eft par cette raifon que la nature 
a. tant multiplié les excrétoires , qui 
-doivent donner continuellement i fine 
aux parties inutiles, &: ufées, de diffé¬ 
rentes efpeces. Car plus le fang eff char¬ 
gé d’impuretés excrémenteufes, moins 
il convient pour la fanté 5 il devient 
même une caufe de maladie, & de la 
Gij 


7 6 La Medïcïne 

tnort. Par où l’on peut juger de l’ex- 
trcme néceflité des excrétions pour 
conferver la fanté, & la vie. 

XVIII- Les mouvemens vitaux du 
fang, que nous avons .appellé progref- 
fif,& inteftin, font de telle nature, 
qu’ils aétruifent à la fin le mélange 
éxad du fang le meilleur, & le mieux 
proportionné , & le rendent intem- 
peré, & inutile à la confervation de la 
vie. De-là vient qu’il eft nécelfaire 
que les parties inutiles, & excrémen- 
teufes fe féparc-nt, & feient pouflfées 
Lors du corps, & remplacées par d’au¬ 
tres d’une nature témperée. 6 

S C HOLI E. 

Ce theoreme fait toucher au doigt 
la railbn pourquoi l’on ne peut vivre 
long-tems, être fort , ou jouir d’une 
bonne fanté, fans alimens, & fans ex¬ 
crétions. Car la chaleur, qui a’eft au¬ 
tre chofe que le mouvement inteftin 
du làng , en conféquence du mouve¬ 
ment progreffif, attaque fans cefîe la 
température de cette liqueur , qu’elle 
change en excrémees falins - fulphu- 
reux, mucilagineux, dipofé à la cor¬ 
ruption , de forte qu'elle a confe 



K A i s o n hb's.' 77 

Mieilement befoin d’être rafraîchie par 
îaflbciation de nouveaux fucs bien 
conditionnés. Ceft donc- au moïen de 
l’alternative continuelle de fucs intro¬ 
duits dans le corps, & d’expuMion d’au¬ 
tres , qu’il fs conferve f & fe préferve 
de la corruption t Ceft donc avec là' 
fageffe ordinaire , qu’Hippoerate {a} 
demande pour la fanté de l’homme y 
& la bonne dilpofition de tout le corps» 
l’intégrité de toutes les circulations .» 
de l’ulage des alimens , & des fbcre- 
tiens. Mais il explique ailleurs plus- 
pofitivement, & plus particulièrement 
la nature de la fanté, qu’il fait conlif* 
ter dans l’alternative réglée de fucs in¬ 
troduits dans la mafie du £ang, fë- 
parés dé ce liquide. Voici comme il 
en parle., Ceft par le moïen des alimens 
que les liqueurs viennent dans le corps 3 & y 
demeurent. Maïs s 'il en feraient de nou- 
y elles le lendemain, les premières répandues 
fart ont , ■& atténuées' par la chaleur , font 
ehaftées par les fécondés, & prenant avec le 
tems une mauvaife odeur y fartent avec les ex 
erémens grojjiers 3 & l’urine en égale quan¬ 
tité , & en même poids que tes alimens que 
mt été pris fou , s’il en demeure quelque 
(a) Hipp. Lib. de Infomn. §. la. 

G Ü), 



7$ Là Medeçiw* 
partie dans le corps , elle en efi ch affée te trê* 
fi'eme jour par l’ arrivée de nouvelles liqueurs $ 
& ceft ainfi que la fant'e fe conferve. (à) If 
dit au même endroit, que l’humide qui 
refie dans le corps lui donne de la force ; (b) 
&: un peu aprèsil ajoute , fi l’humide- 
refie plus de trois jours dans le corps, & qu’il 
s’en joigne d’autre en grande quantité , les 
veines venant à s’échauffer , & fie tendre 3 il 
taufe plus , ou moins de mal. (e) 

XIX. Enfin e’efî; une loi de la natu¬ 
re , pour qu’une perfonne qui ne croît 
plus j fe porte bien, il faut que le poids; 

(a) Per ingefia humer ad corpus venir, & m 
■go manet ; fipoftridie vero alius ad ipfum accedii, 

'tum prior caliditate diffufus, & tenais faBus , à 
recenti expellitur , tempore graveolens faBus , 
nna cum fier cor e & urina exit copia ipfejîbi &qun“ 
Us , conjtmilir, & equilibris ; etiamfî pars qm- 
Bam fit que, maneat in corpore , tamen tertia die. 
Jinovus injluit humor , rurfus fecedere debet ,at~ 
que hoc modo fanitas conîingere folet. Hipp • do- 
morb. Lib.IV. §. 16 . 

(b) Humor in corpore manens rohur exhiber.. 

Ibid. 

(c) Si humor plüribus quam tribus diebus in¬ 
corpore permanent, aut alius multus implens ac~ 
cédât-, venis calefcentibus, & fiantibus , majus- 
aut minus malum facit. Ibid. Ces trois paflage»; 
ne font qu’un extrait du texte d’Hippocrate s 

trouvera en entier aux p. $03. & §04. dt" 
l’édition de fis Œuvres par fo’éfius.. 


k A i é 6 n N /t. jp 

de cé que les excrétions font fortir y 
foit égal à celui des alimens qu’il a- 
pris. 

SéHoiiÊ. 

Pour prouver cette vérité , qui elt- 
d’un très-grand ufage; en Pathologie * 
il ne faut qu’une balance. Car fi l’on 
pefe exactement une perfonne , & les 
alimens liquides , ou folides qu’elle 
peut prendre en trois jours, alimens f 
qui, fi elle efi robufte, 8c qu’elle fati¬ 
gue , peuvent monter aifément à cin¬ 
quante livres, & qu’on la repefe apres 
les trois jours, on ne la trouvera pas 
augmentée de poids, ou, s’il en eff au¬ 
trement , il s’enfuivra plufieurs incom¬ 
modités. D’où il fuit, que dans l’état 
de fanté, l’on perd autant quei’on ga¬ 
gne. Il eft donc très-important pour 
prévenir les maladies , & s’affurer de 
la fanté, d’examiner attentivement fi 
les excrétions répondent aux alimens 

3 ui ont été pris. Car li elles n’y répon- 
ent pas , les femences des maladies 
font déjà jettées. Et en effet, tout l’art 
de la Diettetique fe réduit à entretenir 
cette proportion. 

XX. Suivant le calcul de San€to 
G iii’j. 



^o. La Médecine 
rius, l’excrétion qui Te fait par la tranf- 
piration infenfible eft beaucoup plus 
confiderable qu’aucune autre. Ainfi fa 
fuppreffion , ou fa diminution, porte 
beaucoup de préjudice à la fanté. 

S C H O L I F. 

C’eft donc avec vérité, & juftelfe, 
qu’Hippocrate avance ce principe, que 
fi ion trouve la jûfie mefure d’aliment , & 
de travail qui convient, à chaque ’fujet , de 
forte qu'on ne peche , ni par excéj,nipar défi 
faut , on a trouvé le moïen fur de cdnferver - 
lapante, (a) La râifon en eft claire ; puif- 
qu’il eft notoire que le travail , & 
l’exercice du corps , animent parfaite¬ 
ment la circulation du fang, &: par 
conféquent excitent, <k augmentent 
la tranfpiration. 

XXI.. Comme la force du mouve¬ 
ment périftaltique doit pouftcr fans 
ceflè vers le dehors du corps les feces 
qui reftent dans les inteftins après la 
folution , & l’extraélion des aîimens, 

(à) Si inventa, fuerit ciborum menfura., & la~ 
horum ad unamquamque naturam numerus , ita 
ut excejfus nequefupa , neque infra modumfiaï, 
inventa, fane exacte fuerit homïmbus fanitaè. 
Hjpp. Lib. I. de Dut. §.3. 


' RAISONNEES. $1 

Sz avec,elles lefu perdude labile, & 
= ; beaucoup de mucofîté , il eft évident 
que rien ne contribue plus à entrete¬ 
nir la fànté, que la confervation de la 
liberté, de l’égalité, & du degré con¬ 
venable de force de ce mouvement, 
& que fon dérangement caufe au corps 
des maladies très-férieufes. 

Scholie. 

H eft inconcevable combien une li¬ 
berté convenable du ventre, qui a fa 
caufe dans la jufteflè du mouvement 
périftaltique, ou vermiculaire des iri- 
' teftins, contribue à entretenir la fànté, 
& à éloigner les maladies. Un autre 
avantage du bon état du mouvement 
périftaltique, c’eft que la diffolution 
des alimens, leur extraétion parfaite 9 
rentrée du chyle dans les veines lac¬ 
tées , & fon mouvement progreftif 
dans ces mêmes veines, fè font beau¬ 
coup mieux. C’eft donc travailler très- 
utilement à la confervation de fa fàn¬ 
té , que de fe mettre parfaitement au 
fait des chofes qui peuvent conferver , 
détruire , ou affoiblir le mouvement 
périftaltique. 

XXII. Comme les excrétions ne font 
Tome 111* ! G 


§2 La Medecini 
prefque jamais géométriquement pra- 
portionnées à la quantité d’alimens 
quon a pris, & que les corps de cer¬ 
tains fujets font plus difpofés que d’au¬ 
tres à amaflfer une grande quantité de 
fucs, que quelques-uns y contribuent 
pa.r leur vie oifive, & fèdentaire il fe 
fait ordinairement plus de'fang, qu’il 
n’en eft befoin pour la nourriture du 
corps , & la confervation de l’égalité 
des mouvemens vitaux ; comme on le 
remarque principalement dans les fem¬ 
mes , & dans les hommes d’un tem¬ 
pérament 'fanguin-, & qui ont l’habi¬ 
tude du corps fpongieufe. C’eft donc 
avec beaucoup d’utilité qu’il furvient 
dans cet état un mouvement fpafmo- 
dique contre nature , qui évacue le 
fuperflu des humeurs, même bien con¬ 
ditionnées , chez les femmes par les 
vaifleaux de l’uterus, &: chez les hom¬ 
mes , par les hemorrhoïdaux. 

XX1IL On ne fauroit dire combien 
ces excrétions fanguines font fàlutai- 
res. Il n eft donc pas étonnant, que 
leur dérangement, ou leur fuppreffion> 
produite par une caufe violente , en¬ 
gendre une fi grande quantité de ma¬ 
ladies , comme on le fera voir plus au 
long. r 


ràïsonhe's. 

XXIV. Puifque rien ne contribue 
plus à la fànté , 8c à la vie, que la li¬ 
berté qu’ont les liqueurs de circuler 
fans celle dans notre corps 3 machine 
purement hydraulique , & unique¬ 
ment tiflue.de vaiiTeaux, 8c même de 
s’écouler quand il en eft befoin, il s’en¬ 
fuit qu’il faut non-feulement que ces 
liqueurs foient fluides , mais que les- 
infinimentpetits canaux dont font corn- 
pofés 3 furtout les vaiiTeaux fecretoires*. 
8c excrétoires , fe maintiennent ou¬ 
verts , 8c ne s’affàiflènt pas. 

S c h o r i Ei» 

Par où l’on voit clairement combien; 
eft nuifible 8c contraire à la fanté ^ 
ïépaiTeur.j Ou la vifcofité du fimg, 8c 
des humeurs. En effet , elles devien¬ 
nent une fource féconde d obftrudions; 
dans les petits canaux qui compofenr 
prefque tous lesvifceres. Or je ne crois- 
pas qu’on trouve de Médecins qui 
©fent nier que les obftruétiôns dès vif» 
ceres , qui dégénèrent promptement 
en fchirre 3 ou en-corruption 5 ne foient: 
les caufes d’une grands quantité da 
maladies chroniques- 

XXV. Puis donc que fa bafe: de m 


^4 La Médecins 
corifervation de notre corps, très-difo 
pofé de lui-même à la putrefadion, 
eft 1 écoulement continuel des liqueurs 
inutiles , & intemperées , & l’abord 
continuel de licjueurs bénignes , & 
bien conditionnées, il faut faire ufàge 
de ce qui entretient lés excrétions, & 
de ce qui peut utilement remplacer c£ 
qu’elles font perdre. 

Sc H Ôil E„ 

C’eft ce que fait l’ùfage raifonnabîe 
des fix choies que Galien a appellées 
non naturelles. Car c’eft lui qui donne 
la faute , &: la vie , comme l’abus de 
ces mêmes chofes caufe les maladies , 
& la mort. Quelques-unes de ces cho¬ 
ies, comme les aKmens , le repos de 
l’efpritj & du corps, le fommeil y con¬ 
tribuent à produire, & retenir.les focs 
utiles à notre corps ; d’autres, comme 
le mouvement, & l’exercice , & la; 
veille font fortir celles qui font inuti- ■ 
les.- Quant à l’air , & aux paffions de 
l ame , telle eft leur nature que félon 
leurs différentes difpofitions , ils- af- 
fedent principalement les parties foli- 
des, & leur impriment différons mon- 
vemçns.' 


RAISONNE*®. 

XXVL L’ulage des chofes non na¬ 
turelles étant indifpenfable pour la 
eonfervation de la vie, <k de la fanté, 
& étant caufe de la mort, &: des ma-* 
ladies , le Médecin ne peut trop s’ap¬ 
pliquer à connoître ce qui eft nuifible, 
& propre à caufer des maladies, & ce 
-qui pçut faire l’effet contraire. 

S e h o l 1 E. 

C’eft ce qui fait voir évidem¬ 
ment combien il eft utile au Médecin 
de connoître parfaitement la nature, 
les forces, & les propriétés de l’air, 
des eaux , des alimens , des pais , 
& de la maniqre .de vivre , & com¬ 
ment toutes ces chofes contribuent à 
la fanté, ou à la génération des mala¬ 
dies. C’eft une vérité que le foin , & 
l’exa&itude avec lefquels Hippocrate 
a traité des matières purement phyfl- 
ques , comme le régime,, l’air / les 
■eaux , & les lieux, les alimens, l’ufa- 
v ge des chofes humides, les vents, prou¬ 
ve qu’il connoifloit parfaitement. Nous 
parcourrons, Dieu aidant, tous ces ar¬ 
ticles par la fuite, & nous feront voir 
au long comment chacune de ces cho¬ 
ies peut concourir à caufer des mala¬ 
dies. 



%6 La MEDECINE 

XXVII. Un des principaux fonde- 
anens de la Pathologie, eft que notre 
corps eft -une machine fi artiftement 
.compofée, qu’il y a une telle liaifon 
■entre fes parties folides , & fluides, 
qu’elles agiflènt réciproquement l’une 
contre l’autre , comme il arrive dans 
les machines de notre invention ; & 
que tout vice, ou léfion , de quelque 
partie folide, ou fluide, influe fur le 
tout , & dérange la téralité des mou- 
vemens* 

S .C HO X I E. 

On ne peut rendre raifon de düfé- 
rens fymptômes, & fouvent infolites, 
flans favoir parfaitement comment les 
léfions des parties fluides, à râïfon de 
leur température, & de leur mouve¬ 
ment , fe communiquent aux parties 
folides , mufculeufes , & nerveufes , 
Sc comment les mouvemens défordon- 
siés de celles-ci dérangent la tempéra¬ 
ture , le mélange, & le tiffii des flui-* 
«des ; & comment une léfion confidéra- 
ble d’une partie nerveufe fe communi¬ 
que à tout le fyftême des nerfs, & des 
membranes , & caufe des altérations 
flans les fluides» Je renvoie fur ce fuj et 


RA I S <3 N N E * £. tj 

k ma Dijfertation , j’établis que les mou*- 
vemens Jj/mpathiques font le principal fonde* 
ment de la Pathologie , & de la pratique 
Médicinale, (a) 

XXVIIL C’eft une chofe étonnant? 
«que la correfpondance, &c la commu¬ 
nication qui le trouvent entre les par¬ 
ties nerveufes, & prefque tout le corps, 

Sc HO LI E. 

C’eft cependant une vérité que beau*- 
coup d’exemples rendent fenüble. Car 
qu’eft-ce qui ne fait pas que la bleffure 
d’un nerf, ou d’un tendon, par exem¬ 
ple , dans une faignée mal faite, la pic- 
queure d’une guefpe, la comprefïion 
violente 9 le picotement, ou le tiraille¬ 
ment des membranes nerveufes, par 
un ver, ou des vents,'caufe des fiè¬ 
vres , des délires, des foiblefles, des 
mouvemens épileptiques, des convul¬ 
sions ? 

XXIX. Le ventricule, & les intes¬ 
tins , font de toutes les parties celles 
qui ont les rapports les plus intimes 
avec les parties nerveufes, & tout le 
corps. 

(a.) Dijfertatio de confenfu parttum pr&cipuê 
Pathologie,, &prxzeos M.edïc&fimdamenio, 



SS ,La Médecine 

S C H O L I E. 

C’efl: ce que prouve évidemment , 
fans parler d’autres preuves, la quanti¬ 
té de fymptômes cruels qui naifîent de 
Térofion du ventricule par un poifon 
qui y eft entré ; tels que font le froid 
des extrémités , accompagné d’une 
fueur froide, la difficulté d’uriner, la 
fynoope , les convullions, des tran¬ 
chées violentes, d’extrêmes inquiétu¬ 
des dans les parties voifines du cœur, 
la difficulté de refpirer, l’épilepfie ,1a 
•paralyfie , l’inflammation du gofier, 
la difficulté d’avaler, les agitations in¬ 
volontaires , une infinité d’autres 
accidens. Audi eft-ce ce merveilleux 
rapport de l’eftomac avec tout le corps 
qui a déterminé Van-helmont à met¬ 
tre dans l’eftomac le liège de l’ame 
fenfitive. t - 

XXX. Il y a un rapport très-étroit, 
& une communication réciproque en¬ 
tre les opérations animales, le fluide 
nerveux, & celui du cerveau, Sz iss 
fondions vitales. 

SCHOIIL 

C’eft par çette raifon que les blefîu- 
res 


& X I s o nn e'E. 8 V 

ï'cs de la tête , accompagnées de pic- 
queiire, ou d’irritation de la dure mere, 
font fuivies de vomiflèmens, de mou- 
vemens convulfifs , Bz même de fiè¬ 
vres ; que Fextravafation du fang dans 
la bafe du: cerveau, arrête enfin le 
mouvement du cœur, Bz des arteres y> 
que la force, le fentiment, Bz la nu¬ 
trition diminuent dans les parties pa¬ 
ralytiques , que la circulation du fang, 
s y ralientit, & que le pouls y devient 
plus foible ; que dans les paffions vio¬ 
lentes , comme la colere le cœur pal¬ 
pite, de fe contraire très-fortement y 
de forte que le làng coule dans les vaifo 
féaux, comme pendant la fièvre ; que 
la fraïeur reflèrre les parties extérieu¬ 
res du corps, arrête le fang: dans le vol- 
finage du cœur, rend le pouls petit 
foible , & inégal 5 que les longs cha¬ 
grins , les longues inquiétudes, les mé¬ 
ditations profondes , dérangent la ten- 
fion , dé le mouvement périftaltique 
de Feftomae, Bz des inteftins, Bz trou¬ 
blent la digeftion , Bz Tes excrétions- 
qui fe font par le. Sas ventre j que le-' 
dérangement de l'imagination impri¬ 
me aux vifceres un mouvement étran¬ 
ger . comme le vomiflèment, ou l’en- 
Tome. ILE. Hl 



90 E, MEDECINE 
vie de vomir à la préfence d’un objet 
défagréable , un influx abondant dir 
lang , & du fuc nerveux dans les par¬ 
ties génitales à l’afp eéfc dune femme 
aimable, & les marques avec lefquél- 
les naît quelquefois le fétus, à l’occa- 
flon des mouvemens déréglés de l’ima¬ 
gination de la mere; enfin qu’une odeur 
agréable caufe de violentes convulfions 
aux vifeeres du bas ventre , & que les 
défagréables appaifent ces mouvemens. 
Ces exemples font des preuves parlan¬ 
tes de la correfpondance intime qu’il 
y a entre le cerveau, & les nerfs, & 
les parties folides, <k fluides de notre 
corps. 





PHILOSOPHIE 


du Corps Humain balade , 

o v 

LA PATHOLOGIE GENERALE. 
*58 -W. *(¥. .«H* #f -W. W, 

PREMIERE PARTIE. 
De la nature y de la Mon r des Mœ* 
■- ladies é* des mouvemens-Mala¬ 
dif s, & des lôix que fuît la Na¬ 
ture dans la génération des Mala¬ 
dies y des Symptômes, & des eau- 
fes des Maladies r 


C H A P i T R E I. 

Be la nature y & des caufes de U Mm* 

L A vie étant îk marque de la 

||^J| confervation du corps animé*. 
& de lui-même très-difpofé 
U- là- corruption , au moïen du mouve>- 



5)2. La Médecins 
ment interne des folides, & des flui¬ 
des , & furtout de la circulation du 
fang, la mort eft une deftrudion tota¬ 
le de la circulation du fang, & la par¬ 
faite celfation des mouvemens qui fe 
doivent faire dans les folides, & les 
fluides, qui entraîne après foi là cor¬ 
ruption , & la putréfaction du corps... 

ScHOLIE. 

Hippocrate a très-bien donné lès 
eaufes méçhaniques de la vie, & de la 
mort | quand il. dit que., tant qu an hom¬ 
me eft vivant 3 fesfteines font ouvertes , reçoi¬ 
vent , & laiffent fortir les humeurs , & que 
quand il eft mort , elles fe ferment , & s’af- 
faijfent.. (a). Mais les moins clairvoians 
s’a pperçoi vent que les- définitions que 
les Anciens nous ont données dé la 
mort, en difant que c’eft la féparation 
de l’ame & du corps, la ceflàtion des 
opérations de l’ame fur le corps , la 
deftruéHon du lien qui unit la chaleur 
innée &: l’humide radical , ou , fui- 
vant Galien, l’abbattement, ou ladef* 

(a) Donec vïvit homo vena aperU funt: y & 
fttjeipiunt & dimittunt humorem ; ubi 'vero tnor- 
tuus fuerit., dauduntur, & exténuantur, Hipf» 
Lib, IV, de Morb, §, 


& A ISO NÎÎff % ■ ;$'f 

ffuâîon totale des forces, oü despuif* 
lances du corps , par le défaut de la 
chaleur innée dans le cœur , ne font 
rien moins que parfaites,& complexes; 
Car ces termes, dame, de chaleur in¬ 
née , d’humide radical, que l’ignoran¬ 
ce a inventés, & que les Anciens nous 
ont donnés pour des eau fes de la vie r 
ne préfentent point une idée allez clai^ 

. re pour connoître par oppofition ce; 
que c’eft que la mort, & pour fervir 
de. baie à un raifonnement folide ; ce 
qui eft cependant eflentieî à une défi¬ 
nition réelle. Il faut pourtant excu- 
fer ces erreurs dans les Anciens s qui ne 
■eonnoifloiéae point la circulation du 
fang, découverte d’un prix infini, & 
à qui , entr’autres obligations , nous 
avons celle de fa voir, que quand l’a¬ 
bord de cette liqueur dans une partie y 
©il dans tout- le corps, ou fon retour au 
cœur , trouvent- des obftaeles infur- 
montabîes , non-feulement toutes les 
fondions du corps cefîent, mais qu’il 
tombe fur le champ dans la corrup¬ 
tion } & la putrefaétion. 

IL Une expérience certaine , inva¬ 
riable , & confirmée journellement 
par desexcmples, prouve quel’extinc? 



$4 MËDïcïïrË' 

don totale de la fyftole & de îadîaf- 
tole du cœur , & des arteres , & la 
perte complette du ton, & de la force 
des fibres, caufe non-feulement un ar¬ 
rêt du mouvement progreffif du fiing r 
mais l’extinélion fubite des penfées, des 
fenfations , de la chaleur, dès forces ^de¬ 
là refpiration, & du mouv-ement de$ 
parties.- 

S e H O E I E„- 

II faut fe garder de confondre avec 
la mort , qui eft une deftructîon fi 
complette des mouvemens, qu’ils ne' 
peuvent être rétablis y une fyncope, 
qui n’eft qu’une eefîation pafîagere du- 
mouvement du cœur , & du fèng, fi© 
vie cependant de celle des penfées , des- 
fenfations des forces , & des mouve¬ 
mens. La méprife ferait extrêmement 
dangerenfecomme il paraît par le 
malheureux exemple du reftaurateur 
de l’Anatomie, lexélébre Vefàle, qui r 
appellé pour ouvrir une femme hyfte- 
rique qu’on croioit morte, n’eut point 

précaution de bien conftater lé fait, 
avant de procéder à l’opération. Au© 
a peine eut-il enfoncé le biftouri, que 
ses mouvemens 3 . &: fes cris lui firent 


k A’rs e'^ îî'îV» . ff; 
Cônnoître fon imprudence; quîrendit 
cet homme malgré toutes Tes bonnes ; 
qualités, l’objet de la haine, &de l’a~ 
verfion publique, & îe précipita dan& 
un abîme de malheurs. 

III. Il y a dès-marques pour diftin- 
guer la mort véritable de la fÿncope: 
qui eft fon image. 

Se h ©lie; 

Il eft quelquefois trés-difficiîè de dis¬ 
tinguer les morts de ceux qui font atta¬ 
qués d’une fynçope violente parce; 
que le mouvement alternatif de l’air 
qui entre dans là poitrine, & en fort §, 
celui du cœur „& des arteres 3 eft telle¬ 
ment imperceptible , qu’il échappe à; 
l’attention la plus fcrupuleufe. Il y 
cependant des indices certains de la-* 
mortcomme là froideur „ &: la pe- 
Êmteur du corps, êz de toutes fes par¬ 
ties, l’infenfibilité aux plus fort fier- 
nutatoires qu’on puiflè faire entrer 
dans les narines ,1’abolition entière du 
mouvement dans la région du cœur 
& au col, où lès carotides font fituées ,, 
enfin l’éclat d’un miroir qu on a laifîe 
quelque tems appliqué fur la bouche 
& qu’on en ôte fans qu’il foit terni à 



r f 6 \ La MedêcïnI 
mais le ligne le plus certain de la mort 
sft un commencement de putréfac¬ 
tion. 

IV. Quoique la corruption j ou la 1 
putrefadion ne foit pas uniquement la 
eaufe- formelle , & complette de la 
mort, on remarque cependant bien 
fouvent qu’elle en eft la caufe pro¬ 
chaine , & toujours qu’elle en eft- 
l’effet. 

S C H O L I El 

Ce qu’il y a de fur , ceft que le 
corps 3 ou une de fes parties, eft mor- S 
te, quand elle eft atteinte de putréfac¬ 
tion , parce que fon effet eft de dé- r 
truire le tifîlr des corps où elle s’en¬ 
gendre ; mais il n’eft pas également 
^rai que. le corps ne foit pas mort, 
parce qu’on ne voit point de veftige 
de putrefadion. On eft'tous les jours 
en état de prouver là vérité de cette 
proportion par l’exemple de ceux qui 
meurent d’une mort violente, caufée 
par la bleflure de quelque partie no¬ 
ble , comme le coeur , quelque grand 
vaiflèau , ou la bafe du cerveau , ou 
enfin, par l’excès dit froid; Car la pu- 
ttefadion dépend moins de fextinc- 
tios- 


•- f -J 

RAISONNE E. pJ 

lion des mouvemens de la machine 
animale , que du long repos des li¬ 
queurs , & de l’a&ion d’une atmos¬ 
phère chaude, & humide, fur un corps 
déjà rempli d’humidité. 

V. Le repos parfait du cœur, &du 
fang , étant la caufe prochaine de la 
mort, il s’enfuit que tout ce qui peut 
annéantir la fyftole, & la diaftole du 
cœur, &: le mouvement circulaire du 
fang , eft capable de donner la mort. 

VI. C’eft avec juftefïè qu’on remon¬ 
te aux caufes du mouvement du cœur, 
èz de la circulation du fang , pour 
trouver les vraies caufes de la mort, 
puifque ces caufes pofées, la vie fub- 
fifte, & que leur deftrudion entraîne 
la fienne. 

VH. La machine du cœur ne peut 
fe mouvoir, fans l’abord du fang par 
les vaiffeaux, du lue nerveux par les 
nérfs de cette partie, 5z fans l’entrée 
du lang dans les poumons. Il faut donc 
regarder comme caufe de mort infail¬ 
lible ce qui empêche le fang d’aborder 
à fes ventricules , le fluide nerveux 
dans les fibres dont il eft compofé, & 
l’entrée de l’air dans les poumons» 


Tome IIL 


l 



$$ Là Me.decins 

S C H OLIE. 

Nous avons vu dans la Phy biologie 
que,tous les nerfs qui vontau cœur étant 
coupés, fon mouvement cefle ; que h 
diaftolc du cœur que caufe l’abord du 
iang, eft caufe de la fyftole, & la fyfi 
tole à fon tour de la diaftole, ou que 
le fang meut le cœur, & en reçoit à 
fon tour le mouvement. Il faut encore 
remarquer qu’il y a dans les fibres du 
coeur une difpofition merveilleufe, en 
conféquence de laquelle leur reffort ai¬ 
de merveiileufement la preffion du 

%g. 

VIII. Une violente apoplexie, eau- 
fée par l’extravafation du fang du ple¬ 
xus choroïde dans les ventricules du 
cerveau, & la fraélure des vertébrés 
du col, font des caufes de mort fubite, 
à caufe de l’interception de circulation 
du ftic nerveux du cerveau , ou de h 
moelle de l’épine , que ces acçidcns 
empêchent de le porter librement au 
cœur s & aux vifceres. 

IX. Une hémorrhagie exoej^ive, une 
concrétion polypeufe, qui bouche l’o¬ 
rifice de quelque vaiffeau du cœur, l’ia- 



?. I 5 0 H K e I. 9 ? 

fereeption de l’air, caufent une mort 
libite. 

SCHOLIE, 

On voit clairement en conféquence 
de ces principes, pourquoi les bleffii- 
res confidérables des grands vaifleaux » 
la fuffocation dans l’eau , l’étrangle¬ 
ment, & la perte du reffort de l’air par 
le mélange d’exhalaifons fulphureufes, 
ou de vapeurs de charbons , ont la 
force de donner fi promptement la 
mort. 

X. Il eft nécefîàire que les bleflures 
de la fubftance du coeur , fiirtout fi 
elles pénétrent jufqu’aux cavités s cau¬ 
fent une morr très-prompte. 

S C H O L I E. 

C’eft ce qui n’arrive pas feulement à 
caufe de l’écoulement du fang, mais s 
parce que cette machine, de qui dé¬ 
pend le mouvement & l’impulfion des 
liqueurs, n’eft plus entière, ou eft dé¬ 
truite. 

XI. lies poifens très-cauftiques, la 
.morfijre, & la picqure des animaux 
veneneux, ne caufent fi promptement 
la mort, qu’au moïen des convulfions 

Iij 



ïoo La Médecine 
violentes qu’ils excitent dans tout le 
fyftême membraneux , & nerveux, 
lefquelles détruifent entièrement l’é¬ 
quilibre des mouvemens des folides, 

6c des fluides, & la liberté de celui 
du cœur , & de la circulation , à 
raifon des ftafes fphacéleufes, & in¬ 
flammatoires , qu’ils produîfent dans 
îe ventricule, 

XII. D’autres poifons font mortels 

à caûfe d’un fouflre délié, vaporeux, v 
& narcotique, qui gâte le fluide très- 
fubtil ? que contiennent les membra¬ 
nes , & les nerfs, &: font perdre au 
cœur, & aux autres folides, leur for¬ 
ce j &: leur contraction. 

XIII. Outre ces caufes de mort 
violente, il en eft de naturelles , qui 
donnent la mort dans les maladies ; & 
entre celles-là , l’atonie , ou le trop 
grand relâchement des parties folides , 
qui donne lieu aux ftagnations, à la 
ftafe parfaite des liqueurs, & à leur 
corruption, mérite de tenir le premier 
rang. 

XIV. On remarque ordinairement 
dans les corps morts de maladie des 
epançhemens de fang, ou d’une férolitp 
corrompue, dans la poitrine, la tête 3 U 



RAISONNE^. ï 61 

bas-ventre 5 ou des vifceres corrôm- 
pus, fphacélés , & folides. 

S c m o l 1 F. 

C’eft une chofe très-digne d’être re¬ 
marquée , que dans la diffeéfcion dés 
corps morts de mort violenté, on né 
s’apperçoit, ni de maüvaife odeur, ni 
de corruption , & que dans ceux qui 
font morts de maladie, on remarque 
prelque toujours en les dilTéquant une 
puanteur conlidérable, de la putréfac¬ 
tion , de de la corruption. 

XV. On trouve toujours en ou¬ 
vrant un corps, ce qui lui a caufé la 
mort, quelle foit naturelle, ou vio¬ 
lente. - 

ScHOLIÉ. 

11 eft à propos de lire fur ce füjet ma 
Difertation fur la génération de la mort 
dans les maladies , (a) où j’ai apporté 
beaucoup d’exemples , & d’obferva- 
tions de fujets ouverts , après être 
morts de différentes maladies , & j’ai 
fait voir qu’on avoit trouvé partout 
des liqueurs extravafées, ou corrom¬ 
pues , ou des concrétions polypeufes. 

(a) Dijfertatio de générâtione mortis in morbis. 

liij 


toi Là Medbciks 
II faut cependant prendre garde de 
donner les caufes de mort pour celles 
des maladies , comme font quelques 
Médecins, qui veulent en impofer aux 
affiftans, en leur fêlant croire qu’une 
maladie caufée par une léfion suffi no¬ 
table de quelque partie, étoit une Ma¬ 
ladie incurable. Car la mort n’arrive 
pas fans caufes évidentes , & mani- 
feftes, mais elles ne font point tou¬ 
jours celles des maladies ; elles en font 
plutôt les effets. La queftion dans l’ef- 
pece fe-réduit à favoir fi l’on ne pou¬ 
voir pas détruire les caufes des mala¬ 
dies j & en conféqtienee empêcher la 
génération de celles de la mort, que 
la diffè&ion fait connoître. 

XVI. La caiifê la plus ordinaire de 
la mort dans les maladies, eft la cor¬ 
ruption de quelque vifcere, ou de quel- 

S artie de l’intérieur du corps, que 
fifent três-promptement les fta- 
îès inflammatoires dans les maladies 
aiguës, & les ftagnations du fang, & 
des liqueurs dans les maladies chroni¬ 
ques. 

S G H O L IE» 

Pour prouver la vérité de ce thcore* 



R À f S O N N E f'É, ÏOf 

îlie, il fuffit de dire qu’à l’ouverture 
des corps morts de maladies aigues , 
ou chroniques , bien que faite peu 
d’heures après la mort, on voit foiï- 
Vent au-dedans dtï corps la plus fétide 
de toutes les putréfactions. Car les vif- 
ceres, comme le ventricule, ou quel¬ 
que partie de%inteftins ;5 l’épiploon, le 
foie, la rate, l’utérus, font fphacélés, 
& rendent une odeur très-puante, du 
bien il y a dans les cavités un épanche-* 
ment d’une féroftté , ou d’un pus très- 
fétide , ou I on trouve ça & là des abf- 
eès pleins de matière purulente ; ou 
enfin on trouve dans la tête des li¬ 
queurs eitravaféds, & corrompues-. 
D’où l’on à raifbn de conclure qu’une 
dès eaufes des plus ordinaires de là 
mort, eft la putréfaction de quelque 
vifeere , & que la putréfaction de tout 
le corps j èft une fuite nécefîàire de la 
mort. Je fuis donc bien éloigné dé di¬ 
re avec quelques Médecins , que le 
fphacéle fe rencontre fi rarement, que 
de cent mille hommes , à peine en 
meurt-il un. Je dis au contraire que: 
de cent mille , à peine s’en trouve-t’if 
unqui meurefàns corruption fphacéleu- 
ie, de fétide, de quelque partie interne- 



ÏQ4 La M-edecine 

XVII. La putrefa&ion eft extrême¬ 
ment contraire à la vie , parce que 
non-feulement elle ôte aux parties fo- 
lides, & fluides, toutes les forces qui 
les font mouvoir, mais qu’elle caufe la 
diffolution de la ftru&ure, & du mé¬ 
lange des unes, & des autres. 

S c h o l i e. 7 

La nature de la putrefa&ion eft telle, 
qu’elle fe répand très-promptement, 
& fe communique avec la même vi- 
teflè aux parties voifines ; & en fécond 
lieu > qu’elle abbat en peu de tems 
toutes les forces, comme il paroît évi¬ 
demment chez ceux qui font malades 
d’un cancer ulcéré , ou qui ont quel¬ 
que partie extérieure attaquée de fpha- 
céle. 

XVIII. La putrefa&ion ôte les for¬ 
ces , & enfin la vie, parce qu’elle pé¬ 
nétre , & corrompt par là puanteur 
fermentative cette partie la plus pure 
du fang, & du fuc nerveux, d’où dé¬ 
pendent la force, le ton, & le mouve¬ 
ment du cœur, des fibres élaftiques, 
en un mot de toutes les parties lolides. 


RAISONN e'e. IO| 

S C H O I I E. 

On fe fouviendra que nous avons dit 
plus haut, que la principale caufe du 
mouvement du cœur , & des autres 
parties folides, eft la partie la plus fub- 
tiÏ0 * firiphureufe, étherée-aê’rienne du 
fang, qui fe fépare dans le cerveau. 

XIX. Donc toute maladie qui caufe 
une prompte corruption dans le corps, 
détruit aifément les forcés, & la vie, 
& doit palier pour maligne dans un de¬ 
gré éminent. 

S'cfiOLIE. 

C’eft ce que prouvent les fièvres pes¬ 
tilentielles, petechiales, & autres épi¬ 
démiques , & exanthématiques mali¬ 
gnes , qui font produites ordinaire¬ 
ment par un ferment corruptif , qui 
difpofe le corps à une putréfaction très- 
prompte. Mais fi la corruption putri¬ 
de agit, plus lentement, & réfide plu¬ 
tôt dans la lymphe, que dans le fang, 
comme il arrive dans le fcorbut, & la 
maladie vénérienne, quoiqu’elle n’ôte 
pas fi promptement la vie, elle laifîe 
une grande laflitude. Auffi eftime-je 
quon doit toujours juger du degré de 



iàS La Medécïnë 
malignité, & du danger des maladief 
par le degré de laiïaibligemem. *. 

XX. La corruption qui eaufe la 
mort dans les maladies , eft produite 
par la ftafe, & le parlait repos du fang, 
ou par 1 extinélion totale de 1k circu¬ 
lation. 

SCHOLI E. 

Ôn ne remarque aucune puanteur, 
ou corruption, tant que le fang circu¬ 
le dans lès vaiflèaux ; mais lorfqu’iî 
s arrête parfaitement, & qu’il perd en¬ 
tièrement fon mouvement progreffif, 
la mort des parties, ou la corruption 
iphacéîeufè du corps , s’enfuit fur le 
champ. Hippocrate a donc fort bien 
explique ce' que c’eft que la vie, en 
dilant, que c’eft le mouvement , & la cha¬ 
leur du fang , & ce que c’eft que la mort, 
quand il dit, que c’eft fa congellation 3 & 
fon repos, (a) ' 

. La première, & la principale 

intention du Médecin doit donc être 
d empêcher dans les maladies toute 
itaie , & tout arrêt parfait du fang, 

(s.) A motu & calore fanguinis vita , ah ejm ' 

lcVorbf e t( CemU & ****** 




it Âï*s CfSNt'Ê. téy 
afin que k mort ne s’en enfûive pâ$. 
C’eft à quoi il réuffit en conférVant, & 
entretenant tes forces avec tout le foin, 
& toute l’attention poffible, 

SCHOUE* 

On voit par ce theorême clé quelle 
utilité font dans les maladies aiguës , 
& malignes les analeptiques, &: les 
remedes qui câufont un mouvement 
modéré du fang & une tranfpiration 
raifonnabîe ; &c combien il y a de dan¬ 
ger a emploïer dans ces maladies ce 
qui arrête les mouvemens, & abbat 
les forces, comme font les purgatifs , 
les faignées 3 tous les anodins, & fom- 
niferes, à quoi nous joindrons ce qui 
caufe du trouble dans Pâme. Plufîeurs 
exemples funefies nous ont appris que 
rien n’eft plus pernicieux dans ces ma¬ 
ladies , & que la mort eneft très-fou- 
vent le fruit. 

XXII. La mort qui termine les ma¬ 
ladies , vient, ou du trop grand affoi.- 
blififement, eu d’un fpafme qui la pré¬ 
cédé. - 

SCHOIIE. 

La chaleur exceffive s lés veilles 


ïo8 . La Medeciné 
continuelles, la longue abftinence* fe 
ferment malin qui le trouve mêlé aü 
lang, venant à détruire dans les fièvres 
continues la température des fucs bien 
conditionnés, & le mélange naturel 
du fang, détruit en même tems les for¬ 
ces^ qui confervent les mouvemens des 
folides, & des fluides ; ce qui fait que 
le fang commence à le corrompre dans 
différentes parties, furtout dans le cer¬ 
veau , les poumons, quelque vifeere 
du bas ventre, le ventricule , ou les 
intefiins, corruption qui affoiblit le 
mouvement du cœur , & des artè¬ 
res. Je pourrais apporter une infinité 
<d exemples de Malades qui fe font eaufé 
une mort fubite, & inopinée dans des 
maladies aiguës qui les avoient fort af¬ 
faiblis , pour s’être tenu fur leur féaflt 
un peu trop long-tems. La raifon de 
cet accident, eft, que dans cette fitua- 
tion le fang trouve plus de difficulté à 
monter au cerveau , furtout à catife 
de a affoibliflement du mouvement du 
coeur. S’il celle donc d’y monter, ou 
s il n’y monte pas en fuffifante quan¬ 
tité, le fuc nerveux n’eft plus pouffé i 
dans les fibres du cœur, & fon mou¬ 
vement s’arrête entièrement. Ceftdone 



raisonnée, 105 
avec raifon , qu’Hippocrate regardé 
comme un mal dans toutes les maladies aiguës „ 
que le Malade foit ajfis fur fon feant pendant 
la force de la maladie (a). Il arrive en¬ 
core fort fouvent que le Malade meurt 
dans la force , &c 1 état des fièvres ai¬ 
gues par une congeftion de fang qui fç 
fait dans le cerveau, fort affoibli d’ail¬ 
leurs par la maladie, congeftion occa- 
nonnee par la roideur la tenfion con- 
vulfive des extrémités, & qui caufç 
ane ftafe , une inflammation dans les 
méninges , ou une convulfion mor¬ 
telle , fi une hémorrhagie par le nés n$ 
vient au fecours. C’eft donc un très- 
mauvais ligne 5 & un fignç mortel ? 
fi , furtout en jour impair, jour ou , 

-îuivant Hippocrate (b) , & l'expé¬ 
rience , il eft ordinaire que meurent lès. 
Malades attaqués de fièvres aiguës , 
petites veroles, pourpre miliaire, fiè¬ 
vres pétéchiales, & autres épidémi¬ 
ques aiguës & malignes, ilfurvientun 
friffon avec des urines claires, & des 
rêveries lans hémorrhagie. Car il eft 

(ï) -I» omnibus acutis morbis malum ? Jt ager 
ereStus in vigore morbi fedeat. Hipp, Lib. Pranotr. 
5 • 4 - 

Iky Hipp. Lib. IL Egid.Seft. 3, 



•no La Med ecine 
très - vrai, comme Hippocrate le re¬ 
marque (a), que le frifîbn eft mortel 
dans les maladies aigues s lorfque le 
corps eft affbibli. On voit auffi du 
même coup d’œil, pourquoi la noir¬ 
ceur des ongles , les doigts froids & 
xeflerrés, les levres pendantes, & froi¬ 
des les oreilles froides & refîèrrés, 
les tempes affaiftes font des lignes de 
mort prochaine. 

XXIII. Le défaut des forces eft une 
fuite ordinaire de la vieillefte 3 & tous 
les hommes doivent tribut à la mort s 
avec quelque exaditude qu’ils iuiyent 
|e régime le plus falutaire. 

SCHOEIÏ. 

Quelque pur que foit l’air qu’il ref- 
pire , qui eft cependant en cet état le 
meilleur foutien des forces, & des ef~ 
prits, quelque exaditude qu’il.ait dans 
i’ufage des alimens les plus fainsquel? 
que calme qui régne dans Ion ame , 
une extrême vieillefte ôtera cependant 
à l’homme la force, & la vie. Ge n’eft 
donc point dans les fluides, mais dans 
te tilfu des lolides, qui change confî- 
dérablement dans les différens âges * 
f a ) Hijpp. Vr&ditl. Cmp, ' 


. X Â I s 0 N N E / fi.' -îîf 

dî'éil faut chercher la caufe de ces ef¬ 
fets. 

XXIV”. La caufe véritable, & mé- 
chaniquedu deffaut des forces, & de la 
mort des perfonnes fort âgées paraît 
-être la trop grande folidité, Ôc la dure¬ 
té des fibres 3 & des membranes, & le 
vice des vaifïèaux devenus trop étroits,. 

Sc h o L I E. 

^ Ç’eft une ohfervation confiante, &€ 
invariable que les fibres, & membra¬ 
nes , qui font les principales parties qui 
entrent dans la compofition des vaif- 
feaux du corps , deviennent d’autant 
•plus dures , & plus denfes ; que les ani¬ 
maux deviennent plus vieux ; ce qui 
•rend leurs chairs plus difficiles à dige- 
i*er. Or tous les Ânatomiftes faventque 
c’eft par l’entremife dé vaifleaux capil¬ 
laires extrêmement petits 5 qu’il fefépare 
dans le. cerveau, pour être conduites 
dans les nerfs, & les membranes 5 des li¬ 
queurs indifpenfàblement nécefîaires 
aux forces & au mouvement. Il eft éga¬ 
lement connu que les petits vaifleaux 
qui font fous lapeaufontfbrtirdu corps 
aine liqueur excrementeufè extrême¬ 
ment déliée. Les membranes étant 



Yri La Medecinf 
donc devenues plus dures > & plus 
épaiffes dans un âge décrépit, les ca¬ 
naux quelles forment deviennent plus 
étroits, ou fe bouchent entièrement, 
deforteque les liqueurs néceflaires à la 
nutrition, -& au mouvement, ne peu¬ 
vent plus fe diftribuer en fuffi&nte 
quantité dans les parties, ni les excre- 
menteufes fortir du corps. Il n’eft donc, 
point étonnant que les organes des 
mouvemens, <k des fentimens, foient 
destitués de leurs fondions, & que les 
Lues, bons par eux-mêmes, foient gâtés 
par le mélange d’impuretés excremen- 
teufes. Là nutrition ne fe fait donc plus 
dans les organes des fens, les forces- 
manquent , des liqueurs excrcmen- 
teufes s’amaffent dans le corps ; par 
confisquent il eft néceflàire, & inévi¬ 
table qu’il arrive une ftagnation, 
enfin un repos parfait du fang, & des 
humeurs. Puis donc que la mort dans 
les vieillards a des caufes méchani- 
ques, & dépendantes de la conforma¬ 
tion des parties foîides, le fentiment 
qui établit la néceffité de la mort des 
animaux, fur le decret de Dieu qui a 
prefcrit des bornes aux opérations de 
leur ame , croule par les fondemens. 

xxv. 



RAI SONNE'E. Il J 

XXV. Ceux qui ont l’habitude du 
corps fpongieufe, mollafîè , pleine , 
& les vaiflèaüx étroits, petits, & en 
quantité, meurent plusaifément, & le 
rétablirent de leurs maladies plus diffi¬ 
cilement que les perfonnes maigres, & 
qui ont les vaifîeaux plus larges. 

S C H O LI E. 

Cette vérité n’a point échappé à 
Hippocrate, comme il paroît par Ton 
Âphorifme 44. de la Sed. II. & il n’eft 
pas difficile d’en trouver la caufe mé- 
chânique. Car il fuffit d’obferver que 
les fibres folides, & tendues, ont plus 
de confidence, & de force motrice, 
que celles qui font lâches, & que la 
circulation au fang eft plus libre dans 
" des vaifîeaux d’un plus grand diamè¬ 
tre, que dans ceux d’un plus "petit $ 
d’où il fuit qu’il fe fait plus aifément 
dans ces derniers des ftagnations, & 
des ftafes, qui, comme nous l’avons 
dit, font des caufès de mort, ôc qu’el¬ 
les y font plus dangereufes. 


TmsIIL 


K 



La MEDECINE 


114. 


CHAPITRE IL 
De la nature des Maladies , & des- 



I. X) Uisque le corps humain eft fu~ 

X jet à beaucoup d’alterations,qui 
détruifent non - feulement la fanté 
mais même la vie, il eft indifpenfa- 
ble au Médecin, dont le devoir eft de 
détourner la mort, & de rétablir k 
fànté, de connoître la nature,. & les 
caufes de ces altérations. 

II. Quelques Auteurs définiflènt k 
maladie,. le changement de l’état natu¬ 
rel en un état contre nature. , 

S e h o 11 b. 

Cette définition n’eft., à proprement; 
parler , que celle, du nom de maladie v 
car elle ne renferme , ni l'effet, ni k 
caufe du changement dont elle pârle. 
Ce n’eft point la feule définition que les 
Anciens aient donnée de la maladie, a 
laquelle on puifte reprocher ce défaut. 
Je n’eftime pas davantage leur affeética 



K À ï % & ÎT TT É # £.- tl$ 

Contre nature , leur difpofition contre 
nature, Ou leur altération ftable des 
fondions du corps. Je ne fais pas plus 
de cas de celles des Modernes qui di- 
fent que la maladie eft un effort pour 
mourir, ou une complication de fymp- 
tome ? ou même un effort, ou bien un 
mouvement extraordinaire de la natu¬ 
re fubordonné a une fin qui eft l’expuî- 
fion de ce qui eft contraire à la tempé¬ 
rature du corps, & par eonféquent la. 
prefervation de k mort, ou de la cor¬ 
ruption. Car le terme de nature ne don¬ 
ne point d’idée claire , non plus que 
Ion effort fatetaire ; & fer ce principe 
on ne concevra jamais comment les 
maladies fé terminent fi fouvent par la 
mort, ou laiffent dans le corps une dîff 
pofitioa à d’autres maladies.fbuvént de 
plus mauvais caradete. 

III. On définir bien plus régulière¬ 
ment la maladie , en difant que c’eft une 
altération , & un dérangement nota¬ 
ble de proportion, & d’ordre, dans les. 
mouvemems des folides, & des Suides „ 
accélérés , ou retardés dans tout le 
corpsou certaines parties», dérange¬ 
ment accompagné d’une léfton confi- 
derable des {barétions excrétions. d£ 



nS La Médecine 
autres fondions du corps, tendant à fa 
confervation. , fa deftru&ion ou à la 
production d’une dilpolition à prendre 
d’autres maladies. 

S c h o l i 

Cette définition , qui explique ce 
que c’eft que la maladie en général, 
ou qui diftingue letat de maladie de 
celui de fanté, eft vraiment réelle ; car 
elle contient non-feulement la raifon 
formelle de la maladie, qui eft la lé- 
iion, 6 c la dépravation des fondions, 
mais encore fa génération ,, 6 c fa caufe 
prochaine, 6 c continente, qui eft le 
dérangement de proportion des mou- 
vemens dans tout le corps, ou l’une 
de fes parties, 6 c enfin l’effet delà ma¬ 
ladie fur le corps. 

IV. Comme la fanté confifte dans 
l’intégrité des fondions, du corps 6 c 
de l’ame , Tétât de maladie confifte 
dans le dérangement, 6 c la léfion des 
fondions de ces deux fiibftances. 

V. Il ne faut pas regarder fur le 
champ comme urie maladie route lé¬ 
fion legere, 6 c pafîàgere des fondions 
du corps. Il faut qu’elle foit ftable s 




fcÀϧOiîNE f ï, xi7 

' te qûéîîô continue pendant quelque 
têms. 

Schoiie. 

L’homme efl obligé de faire ufage 
d’un fi grand nombre de chofes, qui 
peuvent altérer, &• même déranger 
puiflàmment la fanté, qu’il ne peut 
gueres fe flatter d’en goûter conftam- 
ment » & parfaitement les charmes. 
Àuffi ne doit-on pas traiter de maladie 
une mdifpofitîon îegere, te pafïagere , 
bien quelle foit une maniéré d’être dif¬ 
férente de la fanté ; on ne doit donner 
ce nom qu’aux dérangemens, ou aux 
renverfemeas durables de l’équilibre a 
& de Fordre des mouvemens ae la ma¬ 
chine du corps. Et comme les caufes 
qui peuvent déranger, & intervertir 
l’ordre de tous lés mouvemens ne font 
pas fi communes,, il eft nécefîaire qu’om 
nefbk pas fouvent maîadé. 

VL Dans chaque maladie il y a vice 
& dépravation, ou des fondions vita¬ 
les , reliés que font les forces la pul- 
fation des arteres la refpiration ,1a 
circulation du fang; ou des fondions 
animales , telles que l’exercice dés 
fèns, le mouvement arbitraire des par- 



ïil La MedeCî^m 

îies, le fommeil, & la veille, la force ^ 

& la confidence de l’efprit ; ou des 
fondions naturelles, telles quel’appe- 
tit, la digeftion , & I’expulfion des 
parties excrémenteufes pairies gros in- 
teftins j la veffie, &C les excrétoires dé 
la peau. 

VII. C’eft par le degré de renverfe- 
ment, ou de dérangement de ces fond 
dions qu’on connoft le degréde force 
de la maladie ,j &: de la caufe qui là 
produit. ; 

ScHOIIE. Vf. 

L’effet étant néceflàiremént propor T _ 
tionnéàfa caufe, le dérangement Gp^- 
lidérabîe des fondions du corps animé 
cft une marque certaine de la force 
de la puiiïance, de îa caufe morbifique. 

¥ III.. Gomme la modération, la li ¬ 
berté , l’égalité de la circulation dit 
làng > & des liqueurs, fuite néceffàiie^ 
d’une jufte proportion entré la fyftole» 
&: la diaftoie, ou le relâchement, & là 
èontradion des parties folides qui pouf¬ 
fent , & livrent paflàge aux fluides dans 
tout le corps, entretient la fanté , 
les excrétions dans la proportion re~ 
quife j, lê dérèglementl’embarÉâS: » 



R A ï s çj>» n ï⣠, r rje 
Tifrégularité de la circulation du fang* 
& des liqueurs, caufés par le dérange¬ 
ment de proportion entre la fyftole, & 
la diaftole, ou de tous les Folîdes du 
corps, ou de certaines parties Feule¬ 
ment , à l’occalion de leur augmenta¬ 
tion , ou diminution notable, caufe un 
trouble dans les fondions de la ma¬ 
chine y & par conféquent une maladie». 

IX. C’eft donc le changement nota¬ 
ble des mouvemcns des folides, & des 
fluides, ou leur deffaut de proportion s 
foit qu’ils pêchent par augmenfation,otE 
diminution, quieft la caufe première * 
& eflentielle des maladies, telle en un? 
mot qu’elle pofée la maladie s’enfuit, 
comme fon annéantilfement entraîne; 
fa deftrudion. 

ScHOIII» 

Tous les changemens qui fè font 
dans l’univers dépendent du mouve- 
-ment, & le corps humain eft fùjet % 
cette loi comme tous les êtres. C’eft le 
mouvement qui donne la vie ; c’eft lui' 
qui entretient la fauter ; c’eft aufîi lui 
qui blefte plus ou moins grièvement 
les fondions dans les maladies, qui fe 
trouve quelquefois tellement difpofë. 



ïiô La Medïciné 
^ u 3 il caufe la deftru&ion du cofps ,&r 
da mort ; &: enfin c’eft lui qui, repa* 
rant ledefordrequi! a caufé, rétablit 
la fanté, & reftitue les parties léfées 
en même état où elles étoient ayant 
lattaque de la maladie. Comme les 
anciens Médecins ne connoiffoient pas 
ïa circulation du fang, & qu’ils ne dé- 
duifoient les explications des Phéno¬ 
mènes que des différentes difpofitions 
de la matière qu’ils fuppofoient pêcher 
par fa trop grande quantité, fon in¬ 
tempérie , fes facultés, fes différentes 
qualités, au lieu de remonter aux mou- 
vemens des folides , & des fluides, ils 
n’ont pu donner en Pathologie rren de 
lolide , ou de démonftratif ; c’efl ce 
qui paraît clairement par leurs ouvra¬ 
ges dogmatiques, dont la plus grande 
partie, qui aurait dû être emploïée à 
expliquer les caufes des maladies , & 
des fymptômes, ne préfente que de pu¬ 
res fi&ions, auxquelles ils ont taché de 
donner le plus de vraifemblance qu’il a 
été poffîble. 

X. Les mouvemensdes fluides qu’on 
oblervé dans le corps malade font prin¬ 
cipalement de deux elpeces j car les li¬ 
queurs fe portent du centre à la circon¬ 
férence 5 



IâI S0 NSe'e. lit 

férence, on de l’intériêür du corps à 
l’extérieur ; ou la diredion de leur 
mouvement eft oppofée , c’eft-à-dire 
de la circonférence, ou des parties ex¬ 
térieures , & des extrémités, au cen¬ 
tre, ou aux parties intérieures, 

S c II o L I JE. 

Les ffiouvemens dont la diredion eft 
du centre à la circonférence ne font pas 
fi contraires à la nature• & produilcnc 
fou vent des effets falutaires, ftirtout 
s'ils font forts , & véhemens, parce 
qu’ils fervent à faire forcir du corps les 
impuretés excrémenteufes. 11 n’en eft 
pas de même de ceux qui ont une di¬ 
redion oppofée, lefquels font extrê¬ 
mement contraires au corps, & mèri- 
, tent par excellence le nom de maladifs,. 
parce que de leur nature ils font tou¬ 
jours nuifibles , qu’ils ne deviennent 
utiles que par accident, & que leur 
violence caufc ordinairement la def- 
trudion du méchaniime qui entretient 
la vie du corps. 

XL Si l’augmentation confidérable 
de là contradion du cœur, & des artè¬ 
res fait circuler le fang avec vîteflè, &r 
impétuofitç dans tout le fyftême vafou- 
Tomÿ ///. L 


111 La MEDECINE 

leux, ce mouvement s’appelle fébrîl 
& fe connoît à une chaleur immodé¬ 
rée, & la vîteffe du pouls. 

XII. Si la contraction des folides 
membraneux, & principalement de la 
dure mere, devient trop forte, le fuc 
nerveux fe porte trop rapidement aux 
parties deftinées aux mouvemens vo¬ 
lontaires , & caufe dans les mufcles 
trop de tenfion, de contraction, d’agi¬ 
tation ; & ce mouvement fe nomme 
épileptique. 

XIII. La trop grande augmentation.. 
du mouvement périftaltique, qui ? 
dans l’état naturel confifte dans l’alterr 
native d’une contraction, & d’une di¬ 
latation douces, qui n’eft pas feuler 
ment propre aux inteftins, mais ap¬ 
partient auffi aux canaux excrétoires 
de différais volumes, & fa trop gran¬ 
de vivacité , précipite les excrétions 
qui fe font par le bas ventre, la peau, 
la veffie, & les canaux biliaires. 

Xi¥. Le mouvement fyftaltique ne 
peut augmenter dans les glandes eon- 
gîobées, dont la fonction eft d’aider 
par leur reftertement le mouvement 
"progreffifde la lymphe dans les vaif 
fcaux qui lui font dsftinés, fans accès 


, S.A ISO NîiE'f, rtf 

îerer le mouvement, & l'excrétion de 
h lymphe, & même de la fali ve. 

XV. On appelle fpafme le relferre» 
ment, ou la contra&ion des parties 
quelconques du corps , foit qu’elles 
ioient tiffiies de fibres mufculeufes 9 
membraneufès, ou nerveufes. 

XVI. Il y a deux efpeces de fpaf- 
mes, l’uni verfel, & le particulier. Le 
premier commence par les extrémités, 
& les parties les plus éloignées du cen¬ 
tre, & afFeéle tout le fyftéme des fi- 
:bres charnues , & des vaifleaux , qui 
ioiit compofés de membranes nerveu- 
iès, & mufculeufes. -Ce mouvement 
fe remarque principalement au com¬ 
mencement des fièvres intermittentes, 
dans les accès des maladies chroni¬ 
ques j & dans les affeétions fpafmodi- 
ques , & fè connoît par un roidiflè- 
ment, un frifionnement 3 un froid, un 
refferrrement de l'habitude du corps , 
tine inquiétude des parties intérieures 
la dureté } & la foibleflè de la pulla- 
tion des arteres. 

XVII. Lorfque le fpafme fè com- 
munique, des extrémités 3 ou il a com- 

- inencég aux membranes douées d’un 
fcntimcnt exquis, & furtout aux mem- 
L ij 


ii4 La Medecine 
brades du cerveau , & aux nerfs de 
cette partie, il dégénéré en épilepfîe | 
mais s’il n’attaque que les nerfs qui 
vont à certaines parties, ou ceux qui 
fortent de la moelle de l’épine, il ne 
çaufe que des mouvemens convulfifs. 

SCHOIIE. 

Il n’eft pas rare que les vives dou¬ 
leurs quelles enfans reflèntcnt dans les 
inteftins a ou celles que leur caufent 
les dents qui ont peine à fortir, & les 
grandes douleurs des inteftins dans les 
adultes, ou celles qui accompagnent 
le calcul 3 & la cardialgie * dégénèrent 
en mouvemens épileptiques. Nous 
voïons même fouvent les accès épilep¬ 
tiques commencer par les extrémités, 
comme les doigts des pieds ; d’autres 
difent que la première impreftïon que 
l’accès leur faffe fentir , commence 
dans les inteftins, d’où elle fe commu¬ 
nique à la tête par la moelle de l’épi¬ 
ne j & s’emparant des membranes du 
cerveau , elle les jette dans des con¬ 
trarions convulfives. Qu’il y ait au 
refte des parties internes fiijettes a cer¬ 
taines efpeçes de convulfions j c’eft ce 


. RAÏS o nne'é. tî 5 
qüe prouvent évidemment les coli¬ 
ques , les toux, les afthmes convulfifs, 
les palpitations du cœur, les vomiflTe- 
mens, & les hoçquets violens. 

XVIII. Les fpafmes qui fe fixent à 
certaines parties nerveüfes, ou mem- 
braneufes, caüfent les douleurs , qui 
ont difFérens noms, fuivant les diffé¬ 
rentes parties qui en font attaquées* 

ScHOl i E. 

L'on appelle cardîalgie la douleur 
qui réfide dans la membrane ncrveule 
du ventricule, ou de' fes orifices ; ilia 5 - 
que, ou colique, celle qui attaque les 
intcftins ; céphalalgie, migraine, cé¬ 
phalée , celle qui afflige les membra¬ 
nes de la tête ; fhémotrhoïdale a 
pour fiége l’inteftin reétum. Les arti¬ 
culations ont leurs douleurs particu¬ 
lières, toutes renfermées fous le nom 
de goûtes ; celle des pieds, connue des 
Grecs, & des Latins, par le nom de 
podàgrd s celle des mains, par celui de 
chiràgra , & celle des genoux, par cepii 
de gona.gr a ; une quatrième efpece atta¬ 
que les os ifchium s & s’appelle ifehia- 
dique , par corruption, fciatique ; 


nC La Medi-ci.nï 
©n appelle faufile pieu refie, la douleur 
qui attaque les membranes des côtes 
& rhumatifme, celle qui attaque celles 
des mufcles. 

XIX. L’extérieur de la peau, &les 
vaiftèaux excrétoires quelle recouvre 
font auffi fujets à une elpècé de Ipaf- 
me, qui fe connoît à une maniéré de 
friflonnement, & qui fait que les vaifi- 
feaux excrétoires fe ferment, que la 
franfpiration éft interceptée , & que 
cet excrement eft repoufifé vers l’inté¬ 
rieur du corps. 

XX. ' Non feulement le refiferrement 
fpaftique des inteftins y renferme les 
vents, & en empêche la farcie, mais 
il rend le ventre pareflètix& même 
retient les excremens qui doivent avoir 
iflue par ce canal. S’il attaque les vaif- 
feaux deftinés à la fécretion de l’urine r 
ilen empêche fécoulement, où bien 
il le rend difficile, & au moins doü-v 
loureux. S’il s’établit dans les canaux 
qui portent la bile du foie au duode- 
num , il empêche l’écoulement de cet¬ 
te liqueur dans les inteftins, & caufe 
promptement la jaunifîe, en obligeant 
la bile de regorger dans les vaiftèaux 
lymphatiques. 



. v . iif SOÎÎNÉ'è. ïly 

Xth II n’y a pas de parties plus fil¬ 
lettes aux contrarions fpaftiques, que 
le ventricule , & les inteftins , parce 
que ces vifceres font compofés de 
membranes extrêmement fenfibles, à 
caufe-de la quantité de nerfs qui s’y 
diftribuent. 

S CH o LIE. 

C’eft ce qui paroît évidemment dans 
les coliques, les affections hypochon- 
driaques, & hyftériques, & dans diffé¬ 
rentes maladies chroniques, & fpaf- 
modiques, dont le principal fiége, & 
comme le champ de bataille où ces 
maladies déploient leur fureur, efi le 
Ventricule, & les inteftins *, & comme 
cer parties ont une correfpondancc 
très-étroite avec la tête, la poitrine, 
les reins , le foie , & plufieurs autres 
vifceres très-nobles, au moïen du nerf 
intercoftal qui fe diftribuë dans toutes 
ces parties, il n’eft pas étonnant que 
les maladies fpafmodiques foient ac¬ 
compagnées d’une fi grande quantité 
de fymptômes, & même de fymptô- 
mes violens. 

XXÎL Comme la trop grande con¬ 
traction des parties fblides , ou leur 
L iii> 



îi§ La Médecins 
fpafme eft caufe de plufieurs maîadïes 3 
la foibleflè, & la langueur des parties 
folides, ou leur trop grand relâche¬ 
ment , & leur inhabileté-à fe mouvoir, 
que les Grecs nomment atonie , eft 
tres-nuifible aux fondions de l’écono¬ 
mie animale. 

XXIII. Autant l’augmentation de' 
fyftole eft-elle propre à accélérer le 
mouvement des fluides, autant l’ato¬ 
me l’empêche, & la retarde-t’eîle, ou 
dans tout le corps, ou dans certaines 
parties. 

XXIV. Comme il y a un Ipalme 
«niverfel , &: un particulier , il y a 
aüffi une atonie univerfelle , &: une 
particulière. L’extrême abbattement 
des forces, & furtout la fyncope, font 
des exemples de la première, & la fé¬ 
condé fe voit principalement dans les 
maladies chroniques, & héréditaires. 

XXV. L’empêchement , ou le re¬ 
tardement du mouvement des. liqui¬ 
des caufe des arrêts , des engorge- 
rnens, des obftruciions, des endurcil- 
ïèmens, & des corruptions des vifee- 
res ; la trop grande atonie des parties 
eft dont caule des pallions chroniques 3 
& opiniâtres. 



k À l S 0 N N,!^. 

X XXVI. Le retardement de la circu¬ 
lation du fang, & des liqueurs, difpofe 
beaucoup aux maladies ; parce qu’il oc- 
éafionne lepaiffiflement des liqueurs, 
qui ne peuvent d’ailleurs qu’être im¬ 
pures ÿ 8c en abondance, par rapport 
à la rétention d’une quantité d’impu* 
tétés excrémenteufes qui fortiroient 
par les vailïeaux excrétoires , fi leurs 
fondions fe fefôient d’une maniéré 
convenable. Ce retardement caufe 
donc la pléthore , 8c la cacochymie * 
deux fources fécondes de paffions chro¬ 
niques. 

XXVII. L’altération notable des 
mouvemens des bolides , 8c des liqui¬ 
des , caufe des iéfions r , & des déran- 
gemens de différentes efpeces dans les 
tondions du corps ; c’eft ce qu’on ap¬ 
pelle communément fymptômes. 

ScHOIIî. 

On ne voit dans les Auteurs que con- 
fufion entre lesmaladies,&les fymptô- 
mes : car ils regardent beaucoup de ma¬ 
ladies comme des fymptomes > & Beau¬ 
coup de fymptômes comme des : mala¬ 
dies. D’où l’on doit conclurre qu’ils 
p’avoient pas d’idées nettes des uns^ 




ï?ô La Medïcïne 
& des autres , ni de la maniéré donf 
chaque maladie eft produite. 

XXVIII. Il y a des fymptômes de 
deux efpeces ; car les uns font une fuite 
immédiate, & prochaine des mouve- 
rnens maladifs , & ils fe nomment 
fymptômes eiïèntiels ; les autres s ap¬ 
pellent fecondaires , & ce font ceux ' 
que' produit la complication , ou le 
concours d’autres caufes. 

SCHOLIE,- 

Les fymptômes eflentiels fuivent 
pas à pas la maladie , ou , pour mieux 
dire , les mouvemens maladifs parti¬ 
culiers à une certaine efpece de mala¬ 
die, dont ils ne peuvent être détachés, 
ni féparés ; aufli donnent-ils des indi¬ 
ces^ , & des figues certains pour con¬ 
coure les maladies, & les diftinguef. 
les unes des autres. A-infi les fymptô¬ 
mes de la fièvre , qui eft un mouve¬ 
ment trop accéléré des folides, & des 
fluides , font chaleur immodérée du 
corps, une foif infatiable, des veilles 
affiduës, & continuelles, la confomp- 
tion des forces , & des liqueurs , là 
perte d® lappetit, la refpiration plus 
haute, la rougeur dés urines ; car tout 


s : , RAlSUfINÏEt XJ f 

ces accidens font les fruits, & les effets 
de la trop grande accélération de la 
circulation. De même les fymptômes 
de l’inflammation , qui fervent auflf 
de fignes pour la connoître t font la 
douleur , l’enflure , la rougeur de la 
partie affe&ée , ôê la forte pulfàtion 
de fes-artères ; parce que toutes ces 
chofes font des fuites nécefîàires de 
l’embarras de .la circulation du fang, 
caufée par les ftafes qui fe font dans 
les vaiiïeaux, & la eontraébon fpaf- 
modique des parties nerveufes. 

XXIX. Les fymptômes fècondaires 
ne viennent pas immédiatement de la 
maladie, ou du mouvement maladif 
originâire 5 mais de quelqu’autre caufè- 
qui furvient. 

Scholie. 

On voit un exemple de cette efpece 
de fymptômes dans les inflammations 
du ventricule, des méninges, ou des 
poumons, qui furviennent aux fièvres- 
aigties & même aux exanthémati¬ 
ques , aux petites veroles, ou aux rou¬ 
geoles dans l’état de ces maladies. Car 
la maladie originaire peut bien fubfïf- 
ter indépendamment de ces aceidens*- 



73^ ê La Medecihê 
Mais il me lèmble qu’à le bien près-- 
dre , ces prétendus fymptômes font 
de vraies maladies , ou des mouve- 
mens maladifs, entièrement différent' 
des premiers , & qui ont leur fiégé 
dans des parties différentes ; mais on 
les appelle fymptômes, parce que ce 
font les effets, & les produétions de la 
première maladie. Rien n’eft plus or¬ 
dinaire dans nos pais, que de voir fur- 
v enir a la fin des fièvres aigues, des 
petites veroles, & des rougeoles, lé 
pourpre blanc ou rouge 5 - maladie 
fouvent fonefte à ceux qui en font at¬ 
taqués. ^ La railbn de cet accident nie 
paroît être , que les fucs excrémen- 
teux qu’a produits la diflolution fébrile 
du fang, que la longue fupprcfîîon 
du ventre a amafles dans les replis des 
inteftins , rentrent dans la maffe du 
fang, & caufent ces éruptions de mau¬ 
vais caraélere , accompagnées d’une 
nouvelle fièvre. 

XXX. Il ne faut pas confondre les 
lymptom'es qui furviennent dans les 
maladies avec les affrétions qui vien¬ 
nent-après que les premières font ter- 
.îïiinees. 



B. A I S 0 N N e'e. IJ j 

ScHOLIE. 

îî eft aflez commun que i’hÿdropi? 
■fie fuccede à la fièvre quarte, la pthy- 
fie à l’hémoptyfie , l’affedion hypo- 
diondriaque mélancholique, ou la co¬ 
lique convulfive à la tierce intermit- 
tente , des abfcês à la petite verole, 
bu à la rougeole, l’empyeme du pou? 
mon à la pleurefie ; car telle eft la na¬ 
ture des mouvemens maladifs qu’ils ne 
détruifent pas feulement, la tempéra¬ 
ture du fang, & des liqueurs, mais' 
qu’ils bleflent, détruifent , ou affoi- 
blilïènt la fubftance des parties : il eft 
donc fort aifé à caufè de la foiblefle 
des parties , & du dérangement des 
excrétions qui jen eft la fuite , qu’il 
s’amaffe une nouvelle matière qui pro¬ 
duit dejiouveîles maladies. Il n’eft pas 
encore rare que le mauvais traitement 
d’une maladie , qui nen détruit pas 
radicalement la caufe, donne lieu à 
la génération d’une nouvelle , & me? 
me de plus mauvais caraélere que la 
ppemiere. 

XXXI. G’eft par les iymptômes , 
$€ furtout les fecondaires qui furvien- 
pent pendant fon cours, qu’on peut 


3 34 Mebe:CIN£ 

principalement juger de la force , $£ 
: de la violence d’une maladie. 


SCHOLI ï. 

C’eft par les effets qu’on juge de U 
caufe, qui d’ordinaire eft cachée, & 
les fymptômes , qui font les effets de 
la caufe morbifique, fervent à la faire 
connoitre. Donc plus il furvient de 
-fymptômes violens., plus la maladie 
eft dangereufe. Il eft par conféquent 
du devoir d’un Médecin prudent, & 
.habile, foit pour établir fon prognof- 
tic, ou pour.diriger la cure, de donner 
la plus parfaite attention à la nature, 
au caradere, & aux effets des fymp- 
tômes. 


# A. îfè 



CHAPITRE III. 

pes loix des mmemens. qui fe font dans le 
corps humain , & de la maniéré dont ils 
'produifent les maladies , & les fympto^ 
mes . 

’Est la proportion des mouvez 
\^mems de notre machine , & 
leur tendance à la produdion des ex¬ 
crétions , qui entretient la vie , & la 
fanté -, & la maladie confifte dans le 
changement, rembarras, & l’inéga¬ 
lité de çes mouvemens ; enfin telle eft 
la nature des mouvemens maladifs , 
qu’ils vont à la deftrudion de la ma¬ 
chine , ou au recouvrement de la fan¬ 
té. Le Médecin qui veut être fur de fes 
démarchés, foit qu’il ait pour but la 
préfervation, ou le rétabliflèment, ne 
peut donc fe difpenfer de connoître 
exadement la nature , les loix , les 
effets des mouvemens qui règlent la 
vie, & la fanté. 

II. Comme les mouvemens de l’uni¬ 
vers font fournis à de? loix certaines , 




Ï3<£ La M-edecine 
& produifent des effets invariables ; 
ceux qui fe font dans l’homme, ou pour 
entretenir les fondions dans l’ordre na¬ 
turel , ou pour les troubler, & les dé¬ 
ranger , ou preferver la machine d’une 
corruption préfente , & de la mort j 
reflortiffent de loix immuables,. 

SCHOLIE. 

La fcience des loix de l’hydrauli¬ 
que , de la ftatique 3 de la méchani- 
que ; & du mouvement des, corps 
élaftiques, -répand un grand jour fur 
l’explication des phenomenes que pré- 
fente notre corps, & la connoiffance • 
de fon méchanifme. Car il ne faut pas 
douter que toutes fes opérations ne fe 
Faffent méchaniquement, c’eft-à-dire, 
que fes mouvemens ne foierit fournis â 
qne certaine mefure, & proportion. 
M eft bien vrai que la méchaniqne du 
corps animé eft beaucoup plus parfaite 
que celle que l’homme éclaire par les 
expériences, eft en état de mettre eri 
œuvre. Auffi le corps humain eft-H 
l’ouvrage d’un être dont les connoiflàn- 
ces font fans bornes. Cette maniéré 
d’envifager le méchanifme du corps 
•ne doit, pas cependant nous empêcher 



raisonne^ 157 

1 dè faire tous nos efforts pour recher¬ 
cher', &: même découvrir les loix de 
cette divine méchanique qui régie les 
corps animés, & des différens mouve- 
f mens qui font caufes des changemens 
aufquels notre corps eft fujet. 

. III. On peut regarder comme la 
première loi que fui vent les liqueurs 
de notre corps, qüe la liberté de leur 
liiouvement progreffif, & l'égalité de 
ce mouvement tond empêchés par la 
contradion fpafmodique des vaiffeaux 
qui portent ces liqueurs. 

SCHOÎIE. 

' Cette inégalité dans la circulation du 
laftg paroît confifter en ce qu’il fb por- 
te en moindre quantité aux parties at¬ 
taquées de Ipafme, & par confequent 
contradées, & qu’il le jette en plus 
grande abondance fur les autres vail- 
feaux où il a fon paffige libre , & fur-, 
tout fur ceux du voifmage. Hippo¬ 
crate connoiffoit parfaitement cette 
inégalité dans le mouvement pro¬ 
greffif du faog, comme il paroît par le 
paffage fuivant y fi le fang trouve des em¬ 
barras dans fon cours , & quil s'arrête dans 
quelque partie * '& pénétre plus lentemm 
Tome IIL M , 


138 La Médecine 
dans une autre , fon paffage devenant tnégd 
dans certaines parties du corps , le devient 
pareillement dans la totalité (a). Car no¬ 
tre corps eft une machine hydraulique' 
compofée d’un feul tuiau, qui prend 
différens noms s fuivant la différente 
maniéré dont Tes diverfes parties font 
tifluës ou arrangées, comme celui de 
glande, d’artere, de veine, de vaiffeau 
lymphatique 3 de vaiffeau excrétoire. 
S’il arrive donc que le mouvement 
progreflif des liqueurs fe trouve arrêté 
dans un endroit, il faut de néceffité 
qu’il devienne inégal dans un autre. 

« IV. Plus les Ipafmes, qui relïèrrent, 
les vaiffeaux font violens, plus ils sՎ 
tendent au loin, & plus encore les vaif 
féaux qu’ils affeédent font grands, plus 
lefang fe tranlporte avec impétuofité, , 
& s’amalfe en quantité dans les parties 
voilînes, & éloignées. 

Scholib. 

La vérité de ce théorème eft établie 

(a) Vrohïbetur fanguinis curfus , atque aile 
quidem loco çojijïfiit, alio lentius pénétrât, qua 
in&qualitdte fanguinis tranjitus per corpus 
jaêia , omnigeng. in&qualitates per omne corpus 
connngunt. Hipp. Lib. de Flatib. §. z i. 



. R À ï S O N N £ É, . Ï0 

fur cet axiome que les caufes produi- 
fent toujours des effets proportionnés 
à leurs forces. Ainfi un fpafme violent 
pouffe violemment le fang aux autres 
parties, en arrêtant puiffàmment la 
circulation dans celle qu’il occupe. 
Cette même vérité eft établie fur les 
ïoix de l'hydraulique, fuivant lefquel- 
le s les fluides pouffes par uneforce égale 
dans différens tuiaux, fi l’on vient à 
en boucher quelques-uns, augmen¬ 
tent de vélocité dans ceux qui réftent 
ouverts à proportion du nombre de 
ceux qui ont été bouchés. 

Y. L’interception de la circulation 
-dans quelque partie , & l’abord plus 
confidérable du fang qu'elle caufe dans 
une autre produifent différens fymptô- 
mes j & lymptômes affez graves. 

SCHOLIE. 

Il fe fait des inflammations y quand 
des fluides épais font pouffes dans des 
canaux étroits, où ils s’arrêtent fixe¬ 
ment s des écouîemens de fang, ou hé¬ 
morrhagies , quand les vaiflèaux trop 
gonflés viennent à fe crever 5 des tu¬ 
meurs quand le fang , & les humeurs 
s’amaffènt en trop grande quantité 


*4° La Mebecïne 
dans la fubftance poreufe , & vafcu-- 
leufe des parties, & la violente diftrac- 
tion des membranes nerveufes qu’y 
caufe cet amas produit des douleurs 
gravatives ; il arrive des catarrhes , 
fluxions, rhumatifmes, fi la ftagna- 
tion du fang caufe la réparation de fes 
parties aqueufes, ck féreufes ; enfin il 
îe fait des abfcès, & des exulcérations, 
li le fang extravafé dans la fubftance 
des parties ne peut être reforbé ; car il 
s’y change en pus, ou prend une na¬ 
ture fàlée, âcre, & corrofive. 

VI. Suivant la différence des par¬ 
ties où le fang s amafle après avoir été 
repoufîe de quelque endroit par le 
fpafme, il naît des effets différaisou 
differentes maladies. 

S c h o L 11 . 

La congeftion, & la ftagnation con- 
fldérables du làng dans la tête , & fes 
vaiffeaux caufe le faignement de nés j 
la rupture des vaiffeaux du plexus cho¬ 
roïde , l’apoplexie de fang ; le trop 
grand gonflement des vaiffeaux des 
méninges, l’apoplexieconvulfive, ou 
1 epilepiîe. La féparation de la férofité 
du fang., fijivie de fon épanchement 



RAISONNE^ 14 ï 

for les nerfs de la moelle de l’épine, 
produit les hémiplégies, ou les para- 
lyfies 5 :dans la fubftance corticale du 
cerveau , ou dans fes ventricules, les 
affe&ions foporeufes ; dans les envie¬ 
rons des couches des nerfs optiques * 
la goûte ferene f dans les environs de 
la feptiéme paire des nerfs, la furdité 5 . 
l’aphonie, ou la perte de la parole ; 
dans le voifinage de la neuvréme paire. 
Son arrêt fixe dans les méninges caufe 
la phrenefie ; il furvient des fongès 
pleins de terreur , & des paffions dé¬ 
moniaques , & mélancholiques, s’il a 
de la peine à circuler dans les vaiffeau;x 
du cerveau. 

VII, Le trop grand amas du fang 
dans les poumons en conséquence d’un 
fpafme violent caufe i’hemoptyfie, la 
pleurefie, la péripneumonie, l’afthme 
ianguin, la dyfpnée, & l’orthopnée. 
S’il aborde en trop grande quantité aux 
ventricules du cœur , & qu’il s’y ar¬ 
rête trop long - tcms , il caufe très- 
promptement d’extrêmes inquiétudes.» 
&.des défailknces.,& devient une occa¬ 
sion prochaine de palpitations confi- 
dérables, de production des polypes s 
& par conféquent de mort fubite. 



Medécïni 

- VIII- L’engorgement & l’amas du 
lang que les fpafmes caufent dans les 
vaiffeaux du bas ventre produit quel-* 
quefois des epanchemens de fang in- 
folites, & dangereux. 

SCHOLIE. 

En effet fi la courbure gauche du co¬ 
lon vient à être trop refferrée , & fait 
remonter le fàng avec impétuofité dans 
les vaiffeaux courts du Ventricule, leur" 
rupture ÿ qui fe fait aifément, caufe un; 
vomiffement de fang. Si la rupture fe 
fait dans les inteftins grêles, <5c furtoiit 
dans fileum, il s’en enfuit des déjec¬ 
tions fetides r & noires, ce qui s’ap¬ 
pelle par Hippocrate la maladie noire. 
Le trop grand refferrement des mem¬ 
branes des inteftins fêlant regorger le 
fang en trop grande quantité dans les 
vaiffeaux hemorrhoïdaux, & les obli¬ 
geant de s’ouvrir , il arrive une énor¬ 
me hémorrhagie hemorfhoïdaîe. L’ou¬ 
verture des arteres émulgentes , ou 
rénales, caufe le piftement de fang 5 la 
rupture des vaiffeaux de îuterus., -des 
pertes de fàng énormes , ou des avor- 
temens. 

IX. Lorfque les organes 3 & vaif- 


SÂÏSO'NNe'i!^ Ï 4 f 
feauX excrétoires font reflerrés , &. 
étranglés par le fpafme, les mouve- 
inens qui caufent les excrétions deve¬ 
nant mverfes, & prenant leur direc¬ 
tion du dehors au-dedans, il Te fait un 
tranfport des liqueurs liiperflues, ôc 
impures vers d’autres parties, au nom¬ 
bre defqüelies font les intérieures ; ce 
qui n’arrive qu’au préjudice de l’éco¬ 
nomie animale. 

Scn o l i e. 

Les vents de Nord qui fe lèvent 
tout-à-coup venant à relferrer , & 
étrangler les vaifféaux qui rampent 
fous la peau, & les tuiatix excrétoires 
par lefqueis il fort en forme de vapeur 
une liqueur très-lubtile, & infenfible s . 
elle reflué fur le champ ou , pour 
mieux dire, elle eft repouffée, vers la. 
poitrine, & les parties glanduleulès de 
la tête , & du gofrer, & il fe produit 
en même' tems des enchifrenemens, ôc 
des toux accompagnées de friflonne- 
mens des parties extérieures, & d’ar¬ 
deur des parties intérieures. Les fpaf- 
mes des inteftins qui affligent conti¬ 
nuellement les hypochondriaques, re- 
poufïènt 3 & font regorger vers le ven- 



*44 **'A Médecin® 

tricule la matière des excrétions de êé 
canal, & furtout les vents ; mouve¬ 
ment inverfe, qui y caufe des gonfle- 
mens confidérables 3 & très-incom¬ 
modes , des inquiétudes, & des diffi¬ 
cultés de refpirer, des inflammations, 
& des renvois continuels. L étrangle¬ 
ment que caufe le fpafme aux canaux 
qui portent la bile aux inteftins, re- 
pouflè cette liqueur dans la lymphe, 
& lamafïè du fang par les artères îym-- 
phatiques 3 & Te répandant fur le vifa- 
ge , & la peau , elle en gâte la cou¬ 
leur , & produit une cachexie. Là fup- 
prefîion opiniâtre de lurine 3 caufêe 
par un fpafme violent« fait regorger 
vers les vifeeres du dedans cette li¬ 
queur abondante, & faléequi 3 ^ar¬ 
rêtant dans la tête 3 caufe facilement 
des affeétions foporeufes 3 la paralyfié, 
les convulfions ÿdans les poumons, une 
difficulté de refpirer 3 & même une 

hydropifie de poitrine. 

. X. Un fpafme violent à tant de 
force qu’il repouflè quelquefois 3 non 
fans préjudice du corps 3 vers les parties 
intérieures 3 de confidérables tumeurs 
edemateufes des parties inférieures. 

ScHOÇIE» 



raisonne'e. ï4I 

SCHOLIE. 

Cefl ce que nous avons vu fbuvent 
-arriver à l’occafion d'une grande , èc 
fubite fraïeur, ou de l'application im¬ 
prudente des fûfFumigations, ou des 
aftringens ; & ce qui a été fubitement 
fuivi d'une affection des poumons, fur 
qui la férofité s’étoit jettée , affection 
dénotée par une refpiration pénible , 
<k embarraffée, fou vent avec un dan- 
ger preffànt de fuffocation 3 un abba- 
tement notable des forces, & la pe- 
titeffe, & la foibleffe du pouls. 

Xi. Les fpafmes font auffi que lès 
excrémçns qui avoient été dépofés à 
l’extérieur de la peau , font repouffés 
vers la maffe du fang , & les parties 
nerveufes au grand préjudice des Ma¬ 
lades. 

SCHOLIE. 

Il n’y a rien de plus pernicieux, ni 
de plus contraire à l'économie anima¬ 
le , & aux loix de fes mouvemens, 
que le reflux dans le fang d’un excré¬ 
ment tenu , & malin, qui a déjà été 
féparé de fa maffe, & dépofé dans la 
peau 3 comme celui de la galle 3 de la. 

Tome IIL ^ 



146 Là Medecine 
grotte vérole, du feorbut, de la tigne, 
de la petite verole , de la rougeoie, 
du pourpre 5 ce qui toute fois a cou¬ 
tume d’arriver très-promptement, à 
l’occafion du froid pris faute de ména¬ 
gement , de la fraïeur, des purgatifs, 
ou des rafraîchiflàns trop forts ; par¬ 
ce que cette matière excrémenteu- 
fe, devenuë encore de plus mauvais 
caractère qu’elle n’étoit, s’attache aux 
parties nerveufes, & caufe des inflam¬ 
mations , des convulfions , des dou-' 
leurs, des inquiétudes, des agitations 
involontaires * & des défaillances * 
tous accidens mortels. Ce qui fait con- 
noître évidemment combien il eft dan¬ 
gereux de traiter négligemment les 
excrétions qui fe font par la peau, & 
combien il eft téméraire d’appliquer à 
l’extérieur des remedes. répulfifs.- 

XII. Les contractions fpafmodiques 
n’empêchent pas feulement la circula-’' 
tion du fang' , mais celle de la lymphe* 
qti elles rendent de plus inégale. 

Scholie. V g: 

Les veines le reflentent plus que les 
autres vaifleaux de l’effet des fpafmes, 
parce qu elles ont moins de conflftan- 



ràisonne'e. 147 

oc. Âuffi le fang a-t’il de la peine à y 
pafîer dans ces circonftances , & les 
obftacles qu’il trouve à fa circulation, 
font-ils couler en plus grande quantité, 
fes parties féreufes, & plus fluides, dé¬ 
gagées des plus épaifles, dans les vaif- 
féaux lymphatiques, qui, venant à fe 
rompre , à caufe de leur trop grand 
gonflement ., répandent dans les cavi¬ 
tés une quantité confidérable de féro- 
fité. On voit aifément par cette ob- 
fervation , d’ou vient qu’on trouve 
dans les perlbnnes mortes d’afthme 
convulfif, une liydropifie de la poi¬ 
trine , ou même du péricarde, comme 
l’ouverture de ces fujets en fait foi. 
On trouve ordinairement une grande 
quantité de férolités amaffees dans le 
bas ventre de ceux qui font morts de 
douleurs cruelles des inteftins, produis 
tes par une caufe interne, ou par l’ulà- 
ge du poilon. Les grandes douleurs, 
& les convulfions violentes pendant 
le travail de laccouchement , font 
allez ordinairement fuivies de gonfle- 
mens du bas ventre après les couches. 
Nous avons vû plufieurs perlbnnes at¬ 
taquées d’enflures, & d’abfcès du mé- 
fentere , à l’occafion d’un émétique 



148 La Médecins 
trop violent qu’elles àvoient pris. Les 
reraedes mercuriels, furtout ceux qui 
font armés de pointes falines, font ré¬ 
pandre beaucoup de férofités ■; ce qui 
n’arrive prefque qu’à l’occafion des 
étranglemens lpafmodiques des veines, 
& des vailfeaux lymphatiques , qui, 
caufant un trop grand relâchement des 
vailfeaux excrétoires, procurent une 
effufion abondante des férofités. 

XIII. Lorfque le fpafme eft plus 
univerfel, c’eft-à-dire , qu’il attaque 
tout le fyftême des membranes, & des 
nerfs , ôç furtout lorfçju’il reffèrre la 
furface du corps, c’eft-à-dire, la peau 
dont il eft couvert, & les petits vail¬ 
feaux dont elle eft parfemée, le fang , 

les autres liqueurs Ibnt repoulfés de 
la circonférence au centre, ou des pe¬ 
tits vaifteaux de l’habitude du corps au 
cœur , qui eft le principe du mouve¬ 
ment circulaire, aux poumons, & aux 
grands vailfeaux ; ce qui eft accompa- 
gnéde friflonnement, de friflon, d’un 
affaiffèment de l’habitude du corps , 
éc du dégonflement des vaifîèaux de la 
peau. 

XIV. Le fàng repoulfé par le Ipaf- 
me des parties extérieures vers le cœur. 



R A I S O N N H. I49 

&£ les grands vaiffèaux, augmente, & 
rend plus vive leur contradion, & la 
pullàtion desarteres ; par cette raifon le 
fàng eft fouetté avec plus d’impétuofité, 
& la célérité de fon mouvement pro- 
greffif augmente partout le corps; ce qui 
ne peut fe faire fans une grande chaleur, , 
& ce qui continue jufqu’à ce que la 
rémiffion du fpafme des parties exté¬ 
rieures , &: membraneulès, laiflè ren¬ 
trer les mouvemens défordonaés dans 
l’ordre naturel. 

ScHOIIÎ, 

Ces mouvemens ordinaires de la na¬ 
ture, qui ont tant de force pour gué¬ 
rir , & détruire le corps, fe nomment 
fébriles. Ils font principalement l’effet 
des fpafmes qui attaquent les parties 
nerveufes, & extérieures, & repouf¬ 
fent en conféquence le fang, & les li¬ 
queurs vers les parties internes, & le 
cœur, qui eft le principe de la vie, où 
ils commencent d’abord par caufer des 
inquiétudes accompagnées d’un pouls 
petit, &: languifïànt ; mais la nature 
prenant peu de tems après le deflus, le 
mouvement du cœur augmente , ôc 
devient plus fort, quelle que foit la 



l $Or L'A Me D E 15 TN S ' 
eau fe de cette augmentation 5 f©3. 

pouffe le fang avec force, & impétuo¬ 
sité vers les parties extérieures, où le 
relâchement furvenu àjeurs vaifièaux, 
rend la liberté à la circulation ; de 
forte qu'il s'enfuit une tranfpiration 
& une Sueur beaucoup plus abondan¬ 
tes. Ce mouvement réciproque de la 
circonférence au centre, & enfliite du 
centre à la circonférence, n’eff point 
une découverte moderne. Nous de¬ 
vons a fantiquité la plus reculée la 
jüftice de convenir quelle le connoif- 
foit. En effet, c’eft ainfi que s'en ex¬ 
plique Hippocrate dans fon Traité des 
Feras, §. 3. lcrfque le corps fe trouve rem¬ 
pli d'alimens, Pair y entre auffi en grande 
■quantité, a caufe du long féjour qu'ils font 
obligés d'y faire , leur grande quantité les 
empêchant d'en fortir. Or les gros inteftins- 
étant fermés, les vents fe répandent par tout 
le corps., & fe coulant furtout dans les par¬ 
ties pleines de fang, ils les refroidirent. Or 
les parties qui contiennent les four ces du fang 
étant refroidies , le frifon attaque tout le 
corps. C ejl pour cette raifort que les fièvres 
font précédées de friffon, & plus les- vents fe .• 
trouvent froids, & en quantité ,plus le frif 
fon ef violent, & au contraire . Ces frijfons 



hâïsonn/e. , lyi 
font accompagnes de tremblement du corps , 
qui arrivent de la.maniere fuivantè. Le fang 
craignant le frijfon actuel , fe glijfe partout 
le corps , & fe rajjemble dans les parties 
les plus chaudes ; car ce font - la les fauts 
qu’il fait i & le fang fautant des extrémi¬ 
tés du corps vers les parties intérieures , les 
vifeeres 3 & les chairs tremblent.. Car il y a 
dans le corps des parties pleines de fang , & 
d’autres qui en font dénuées. Ces dernieres 
ne font point en repos a caufe du froid , mais 
elles font fecouêes , parce que la chaleur les 
abandonne ,, & celles qui font remplies de 
fang j tremblent a caufe de fon abondan.se , 
& excitent des inflammations ; car Une fi 
paspojjible que lamajfe du fang demeure en 
repos , & plus bas il dit, c’efi de cette ma¬ 
niéré que les fièvres fe font, (a) 

(a) Ouando igitur corpus cibis' expletum fue* 
rit, tiinc fpiritus quoque magna copia accédât , 
âiu immorantibus cibis, qui quidem cum pr mùl~ 
ûtudine exire nequeant. diutius immorantur. 
ObfiruBo autem inferiore ventre , in univerfmn 
corpus flatus percurrunt, & ad fanguine refer tas 
corporispartes illapfi, eas réfrigérant. Ht réfrigé¬ 
rât i s his locis y in quib us fontes rUdic es fangui - 
nis continentur , per univerfum corpus horror oc¬ 
cupât, Hanc igitur ob caufam pnrnum horror es 
ante febres oriuntur, & quo majore copia & fri- 
giditate flatns irruperint, taüs quoque rigor con- 

V - ' ' N'iüj " 


iyi La Medecini 

XV. On remarque un mouvement 
de îa circonférence au centre s & du 
centre à la circonférence, & par con« 
féquent la fièvre , dans les grandes 
douleurs, & les affedions fpafinodi- 
ques, qui font ordinaires aux hypo- 
chondriaques. 

SCHOLIE. 

En effet, il n’y a point de douleurs 
violentes où il n’y ait refroidiffement 
des extrémités, friffonnement, & ref- 
-ferrement des pores de la peau, fuivis 

fequitur, a pluribus quidem &frigidioribus, ve- 
bementior, àpaucioribus vero minufque frigidis? 
minus quoque vehemens. Cumhorroribus autem 
corporis quoque tremores ad hune moâum contin- 
gunt. S an gui s entrapr&fentem horrorem'metuens 
jper totum corpus perreptat, & ad maxime calidat 
partes concurrit. Atque hi faute]us faltus. Def- 
liente autem ab extremis corporis partibus fanguu 
rte , & 'vifeera & carnes contremifcunt. Ali A 
enim eorporis partes copiofo fanguine referta , alia 
exangues exifiunt. Atque exanguesquidem ob fri - 
gus minime conquiefcunt,fed concutiuntur, quod 
eas calor defiituerit ; qua -veto fanguine replentur, 
cb fanguinis copiam contremifcunt, inflamma - 
tionem excitant s nequit enim fieri ut fanguinis 

multitudo conquiefcat Ad hune ergo modum , 

quem dixi , febres contingunt. Hipp. Lib. de Fia* 
tib. §• 111, 




rÂïso^ne'é. i$3 

de -Taugmentation du mouvement du 
cœur , & d une chaleur, qui , empor¬ 
tant la convulfion, met fin aux dou¬ 
leurs. Et comme la nature de la terreur 
eft la même, c’eft-à dire, qu elle ref- 
ferre Fhabitude du corps, & repouffe 
le iàng vers le centre, auffi fe termine- 
t’elle par la chaleur de tout le corps, 
& enfin par la v lueur. . 

- XVI. Les fpafmes, ou convulfions, 
iie font point les feuls empêchemens 
que le fang, ck les liqueurs trouvent à 
l'égalité de leur circulation 5 l’atonie, 
& le trop grand relâchement, ou la 
trop grande foibleffe, à raifbn du re¬ 
tardement des fluides, qui en eft infé- 
parable, produit différentes inégalités 
dans la circulation, & différons déran¬ 
gement des fondions du corps animé. 

S CH OLI E. 

L'affoibliffement, & la diminution 
de la force de contradion, & du ref- 
fort des fibres, des membranes, & des 
vaiffeaux, dont les parties fblides de 
notre corps (ont tifîues , retardent né- 
cefîàirement le mouvement des li- 
V queurs, & produifent par conféquent 
des ftagnations dans les vaiffeaux> qui 



s54 Là Medeciné 
deviennent des caufes d’une infinité 
de maladies, de gonflement ? d'engor¬ 
gement j d’obftrudion , &: fonvent 
même d’endurçifîement, defcirrhe , & 
de putrefadion des vifceres. 

XVII. La. fkgnation du fang dans 
les vifceres , câufe la réparation de la 
férofité, qüi , pafîant en plus grande 
quantité par lçs vaiflèaüx lymphati¬ 
ques , les rompt à. la fin , & _donde 
naifiànce aux tumeurs œdemateufes, 
& afcites. 

S C HO LIE» 

Cette propofition eft fuftoüt Vraie 
s’il s agit de l’engorgement, de l’obf- 
frudion , ou de fendurciflèmeiit du 
foie, & de la rate, deux vifceres fpon- 
gieux, & compofés feulement de vaif- 
féaux fanguins , quand ces vices ont 
pour caufe la trop grande atonie de 
ces vifceres. Car c’eft-là que rëfide 
principalement la caufe de la cache¬ 
xie, & de rhydropifie. Or tel eft le 
paflàge dû fang par ces parties , telle 
eft la circulation de la lymphe dans les 
vaiflèaüx du bas ventre. 

XVIII. La ftagnation du fang dans 
le foie, & la difficulté qu’il trouve à 


RAI SÔNnVe. ' ï 5 5 
circuler par ce vifcere, l’oblige de re- 
gorger vers les vaifleaux, & les vifce- 
. res voiftns de la veine-porte, &' caufe 
' d’énormes inégalités dans la circula¬ 
tion du fang dans d’autres parties 
d’abondantes congédions de cette li¬ 
queur , qui engendrent beaucoup de 
maladies. 

S ch o LIE. 

ïl n’y a pas de vifcere où le laiig cir¬ 
cule plüs r difficilement que dans le 
foie , parce que les principaux vaif- 
feaux qui y apportent le iaiig s font 
des veines , & par conféquent defti- 
tués d’un reiTort fuffifant pour le faire 
avancer. Car il eft certain par l’Ana¬ 
tomie , que tout le fang qui fe diftri- 
bueà tout le canal inteftinal, au ven¬ 
tricule , à l’épiploon, à la rate, au pan¬ 
créas , eft porté aû foie par les rameaux 
de la veine-porte ; &c comme nous 
avons remarqué qu’il circule très-diffi¬ 
cilement par ce vifcere * il regorge ai- 
fémcnt vers le tronc de cette veine, ôs 
celles qui l’ont apporté , furtout dans 
les perionnes qui mènent une vie fé- 
dentaire.. Il n’eft donc point étonnant, 
vû la difficulté , & l’embarras de la 



25 s La Mibeciné 
circulation du fang par le foie, que le 
fang rétrograde vers les vifceres d où il 
vient j qu’il les engorge, qu’il les gon¬ 
fle, & les dérange notablement dans 
l’exercice de leurs fondions. Si le fang 
s arrête en trop grande quantité dans 
le méfentere , il s’y forme âifément 
des abfces, & il arri ve des fièvres len¬ 
tes , & méfenteriques. 11 arrive auffi 
très-fouvent des vomiffemens de fang,. 
& des déjedions noires, & fétides , à 
l’occafion de l’abftrudion du foie, & 
de la. rate.' La même eaufe produit 
auffi fréquemment des/éeoulemens im¬ 
modérés de fang par les veines hémor- 
rhoïdales, accident très-commun aux 
hydropiques, & aux cachediques. Et 
fi le fang arrêté en trop grande quan¬ 
tité dans les interftices des membranes' 
des inteflins, leur caufe trop de ten- 
fion, les perfonnes finjettes aux hémof- 
rhoïdes en reffentent quelquefois des 
douleurs très-aigues. 

XIX. La multitude, & les différons 
replis des vaiflèaux de luterus , font 
caufes que le fang a de la peine à en fbr- 
tir. Il y arrive donc fouvent des eng'or- 
gemens, qui canfent, ou la fuppreffion 
du flux menflruel, ou bien une perte 


R Al SONNE 7 E. * 57 

immodérée de fang, ou d une férofité 
vifqtieufe , &. blançfae. C’éft auffi h 
-raifon pourquoi l’uteriis s’enfle fou- 
vent , qu’il en fort en abondance une 
férofité fétide, qu’il fe forme des hy- 
dropifies de l’ovaire, & des abfcès, ou 
ulcérés de luteras. 

XX. La difficulté que le fang trou¬ 
ve à palier par les reins affe&és d’ato¬ 
nie, produit lepiffiement de làng, des 
tumeurs, des inflammations, des exuL 
cerations , & enfin des concrétions 
calculeufbs de ces parties, 

XXI. ' Le retardement de la circula¬ 
tion du fang dans les poumons, s’il eit 
trop confidérabîc , y produit des tu¬ 
bercules , des abfcès, la difficulté de 
refpirer, l’aftlime, la péripneumonie, 
rhémoptyfie , & l’exulcération ; & 
dans le cœur la ' palpitation , & de 
grandes inquiétudes. 

XXII. Un trop grand embarras de 
la circulation du fang dans fes vaif- 
feaux, contribue beaucoup à la géné¬ 
ration des polypes. Car la ftagnation 
du fang eft caufe que fes parties fluides 
fe féparent très-aifément ; ce qui fait 
que les folides, & les plus épaiffes s’ac¬ 
crochent avec le tems, & forment des 
concrétions tenaces. 


v ï|S La Médecins 

S CH O L I I. 

Les polypes qui fe forment dans les. 
grands vaiflèaux font beaucoup d’obfta- 
cle à la liberté de la circulation du 
fang , & d’ordinaire ceux qui s’engen¬ 
drent dans le cœur caufent de fréquen¬ 
tes fyncopes , des palpitations opini⬠
tres j & la mort fubite. S’ils font can¬ 
tonnés dans les grands vaiflèaux des 
poumons, ils caufent lafthme convul- 
fif, rhydropifie de poitrine, le catar¬ 
rhe fuffocant, ou des faémoptyiies énor¬ 
mes ; dans les linus de la dure mere, 
ils caufent l’épilepfie s les affedions 
apoplediques 3 & foporeufes, & les 
douleurs de tête opiniâtres ; dans les 
grands vaiflèaux du bas ventre des tu-' 
meurs œdemateufes , & l’hydropifie ; 
dans la matrice des pertes continuelles 
de fang, ou de férofités, ou une fup- 
preffion parfaite du flux menftruel. 
Ceft par une méchanique femblable 
que les jambes, & les cuiflès enflent 
aux femmes à la fo.de leur groflèfîe. 
Le gonflement de 1 utérus, caufant une 
compreffion des vaiflèaux iliaques^ 
oblige le fang de s’y arrêter. Mais l’ac¬ 
couchement guérit cet accident. 


RAISONS E^E'. I55 

XXIII. Le trop grand relâchement» 
& l’atonie des glandes^ y attirant la 
férofité, caufent beaucoup d’excrétions 
contre nature, 8 c même immodérées 
de cette liqueur. 

Scholie. 

C eft en effet à cette caufe qu’il faut 
rapporter les diarrhées , les écoule* 
mens abondans de férofités par les na¬ 
rines , par la toux, les pertes immodé¬ 
rées d’urine , èc de falîve, d’une féro¬ 
fité yicieufe, & même de la liqueur 
feminâle dans les fleurs blanches, & la 
gonorrhée, tant bénigne que virulente. 
C’eft auffi le trop grand relâchement 
des glandes des narines, & du gofîer 
qui eft caufe que les tumeurs qui s’y 
forment dans la verole, y caufent des 
érolions déplorables , & la plus Ms 
putréfaction. 

XXIV. L’obftruétion , & le gonfle¬ 
ment des glandes dont le reflort eft 
deftiné à accélérer la circulation de la 
lymphe dans les vaifleaux inftftués 
pour la porter, caufe dans leur voifî- 
nageunè ftagnation de cette liqueur, 
dont le féjour lui fait contrader un 
caractère âcre , 8 c corrolif, qui prc- 


i<jo La Médecins 
duit des érofions, & des exulcérations, 
des parties folides , des défluxions. ' 
âcres, des rhumatifmes 3 & des catar¬ 
rhes. 

ScHOLIE. 

Une exade, & fcrupuleufe obfer- 
vation nous a fait connoître que les 
maladies de la, peau qui reconnoiffent 
pour caufe une lymphe âcre, & cor- . 
rofive, comme font la galle, la lèpre, 
l’herpès', la tigne de la tête, les ulcé¬ 
rés çoulans de cette partie r les exulcé¬ 
rations dégoûtantes que produifent la 
veroîe, & le fcorbut, enfin les déflu¬ 
xions falées qui fortent par les ïeux , 
viennent du gonflement des glandes 
du col, de la peau, ou de differentes 
parties, & que l’on voit fouvent des 
tumeurs, ou des concrétions gîobuleu- _ 
fes, molles, mobiles , d un plus, ou 
d’un moins grand diamètre, quelque¬ 
fois de la groflèur d’un oeuf de pigeon, 
absolument indolentes , furtout dans 
la verole, & la galle maligne ; & tarît 
que ces tumeurs fubfiftent, on fe flatte 
yainement d’avoir emporté la caufe de 
ces maladies. 

XXV- Plus les glandes obffruëes 
font 



raîsonne'e. 161 
font confldérables, plus la circulation 
de la lymphe trouve d’obftacles , 8c 
plus les exulcérations , les abfcès, 8c 
les écoulemens de cette liqueur font 
confldérables. 

SCHOLIE. 

Une preuve palpable de cette vé¬ 
rité, eft le gonflement des glandes in¬ 
guinales , 8c axillaires, qui venant à.fe 
gonfler dans la pefte, la fièvre éryfipe- 
lateufe 5 ou la verole, caufent fouvent 
des-abfcès , ou des ulcérés malins. 
L’hydropifie afcite , 8c l’enflure confît 
dérable du bas ventre, eft encore une 
fuite de l’obftrudion, ou du trop grand 
gonflement des glandes du méfentere. 

XXVI. C’eft encore une loi fixe, 
8c invariable de la nature, qu’un fpaf- 
me'violent des membranes nerveufes 
communique fouvent ce mouvement 
déréglé a tout le fyftême des nerfs , 8c 
des membranes. 

ScHOLIE. 

On voit une preuve manifefte de 
cette vérité dans l’opération des poi- 
fons, par exemple de l’arfenic blanc, 
ou du mercure fublimé corrofif, qui 
Tme IIL Q 


tèt Là Médecins 

font à peine entrés dans le corps 3 qulfs 
caufent des douleurs cruelles du bas 
ventre , une foif dévorante, produite 
par le refîerrement conVulfif des glan¬ 
des de réfophage 3 & du gofier, le 
froid des extrémités 3 des fueurs froi¬ 
des , des inquiétudes infupportables 
des agitations involontaires , des dé¬ 
faillances , des vomiiTemens , des ref- 
ferremens des parties voifines du cœur, 
& des convuînons $ accidens produits 
par la violente contra&ion, & le fpaf- 
me des parties nef veufes 3 & la promp¬ 
te communication de ce mouvement 
déréglé des fibres à tout le fyftême des 
nerfs. Combien Tirritation feule 3 & 
4 a picqure des nefs par les dents qui 
veulent fortir, ne prodüifibnt-elles pas 
d’accidens fâcheux; Ne font-cepoint 
des caufes fubites de fièvres, de veilles, 
de terreurs, d’épilepfiês 3 d’inquiétu¬ 
des , de reflerrement du ventre 3 de 
tranchées 3 de déjeâions vertes , de 
diarrhées 3 de vomiflemens, d’aftlimes ? 
Eft-il rien de plus commun que de voir 
les tranchées qui accompagnent la fup* 
preffion du ventre, cauferaux enfans 
des fievres, & des épileplies funeftes ; 
Nous avons obfervé dans l’opération 


RAIS O-N NE'S. 

tliêmè du remede , que les purgatifs 
pris fans précaution, ou trop rréquem- 
ment, caufent des vents, des enflures 
timpanitiques du ventre, la fuppref- 
fion d’urine , la foif, la fièvre des 
fueurs froides. Aucun Praticien n’igno¬ 
re que les douleurs violentes des in- 
teftins fe terminent fbuvent en paraly- 
fie, ou en relâchement des nerfs ; que 
lé trop grand froid des pieds caufe la 
colique; que la douleur de la pierre 
des reiris caufe des naufées, & des Vo- 
miffemens, qu’elle concentre le pouls 
du côté attaqué, & le rend petit, & 
quelle produit fouvent une fuppreffion . 
totale d’urine , à caufe de la commu¬ 
nication de la convulfion de l’urethere 
malade a l’autre. 11 n’efl pas rare que 
îe fpafme foit fi grand, & fi fort dans 
cette maladie, qu’il fafle remonter le 
iefticule du côté malade , &: même 
caufe un reflerrement à la cuifïe. On 
voit fbuvent'en pratique la ftagnation 
du lait dans les mammelîes après l’ac¬ 
couchement caufer des fièvres, & une 
fuppreffion des vuidanges. Mais on ne 
voit pas mieux l’effet des mouvemens 
fpafmodiques , èc leur propagation 
par le moïen des nerfs, que dans les 




î <34 La Medecini 
hyftériques , où pour l’ordinaire ces 
ofcillations fpafmodiques commencent 
dans les inteftins, comme le prouve le 
reflerrement du ventre , & î’aquofité 
de l’urine j d’où elles fe communi¬ 
quent au plexus méfenterique , ce 
qu’indique la douleur qu’elles reflen- 
tent à la première vertebre des lom¬ 
bes , & de-là s’étendent au ventricu¬ 
le , au diaphragme, aux poumons, au 
gofier , & même à la tête , comme 
on le connoît clairement aux extrêmes 
inquiétudes des parties voifines du 
cœur, aux reffèrremens du diaphragr 
me , à l’étranglement du gofier, à la 
fyncope, à la difficulté de refpirer augr 
mentee jufqu’à la fuffocation , au ver- 
tige, à i’éblouiflcment, à la migraine# 
& enfin aux épilepfies, & aux fuffoca^ 
tions qui arrivent quelquefois. Ces 
contrarions , & commotions violen¬ 
tes, fpafmodiques des parties ner- 
veufes reviennent fouvent de la tête 
aux parties inférieures par lefquelles 
eiles.avoient commencé, par les mê¬ 
mes paires de nerfs qui les y avoient 
portées , & ordinairement ces retours 
font accompagnés de fymptômes plus 
violens, & d’un grand épuifement des 


raisonue'ë.' 16$ 
forces. Auffi avons-nous fouvent re¬ 
marqué qu’il venoit de la tête d’extrê¬ 
mes inquiétudes dans les parties voifi- 
nes du cœur , accompagnées de vo¬ 
mi fle mens , & de tranchées. 

XXVII. Le caradere, & le génie 
des fpafmes eft d’affoiblir extrême¬ 
ment les parties où ils pouffent le fang, 
& les liqueurs, en grande quantité éc 
avec beaucoup d’impétuofité, 

SCHOL I E. 

La trop grande quantité des liqueurs 
affoiblit extrêmement le reffort, & la 
tenfion des fibres ; de forte qu’il leur 
eft difficile de recouvrer leur vigueur 
originaire ; c’eft par cette raifon qu el¬ 
les font toutes difpofées à reprendre , 
& retenir les liqueurs qu’y pouffent les 
nouvelles convulfions qurpeuvent fur- 
venir. La veffie en eft un exemple. 
Quand elle a été trop tendue par l’uri¬ 
ne long-tems gardée, l’affoibliflement 
de fon reftort eft caufe quelle a plus 
de peine enfuite à la rendre. C’eft à 
cette raifon qu’il faut auffi avoir re¬ 
cours pour expliquer comment dans 
plu fleurs accès fou rechutes de mala¬ 
dies, les liqueurs que les convulfions re- 


%6é LA'MeDECINÉ 
pouffent fe rejettent fi promptement 
fur les parties quelles ont une fois oc¬ 
cupées , & par les mêmes chemins, & 
les mêmes paflàges,- - 

XXVIII. C’eft encore une loi de 
l’économie animale, que les convul- 
fions impriment Une telle difpofitioiï 
aux parties quelles ont attaquées une, • 
ou deux fois, que la plus légère occa- 
fion leur fait reprendre les mêmes 
mouvemens , & contrarions convul- 
fives, comme fi elles en avoient con- 
'tracté une habitude» 

ScHOIIEr . 

Üefi par cette raifon que toutes lés- 
maladies convulfives , & celles qui 
font fiijettes a des retours, comme les 
accès des lièvres, d’épilepfie, de con- 
vulfions , où les douleurs vives , re¬ 
viennent pour le plus, léger fui et-, & a 
la moindre occafiony comme on le re¬ 
marque fiirtput dans les hypochon- 
driaques, &: les fcorbutiques. 

XXIX. C’efi une loi confiante de la 
naturey que l’attaque que les fpafmes 
donnent à quelque partie 3 n’eft pas 
continuelle 3 <k qu ordinairement-leur 


ïiaisônné'e. 167 
violence fouffre une rémiffiorï > & mê¬ 
me une intermiffion parfaite pendant 
quelque tems, lequel paflê s ils revien¬ 
nent foiivent avec la même violence, 
ce qui produit des accès réglés, & dé¬ 
terminés. 

Scaoii % 

Ceft la nature 5 êz le caradere de 
toutes les maladies a tant aiguës que 
chroniques, qui reviennent par accès, 
retours* & redoüblemens, de ne point 
conftamment attaquer le corps avec 
le même degré de violence, mais de 
fe repofer , & , pour ainfi dire , de 
faire une treve de quelque tems. Cette 
proportion eft même vraie des plus 
cruelles tranchées des intéftins , des 
inquiétudes les plus infupportables , 
des vomiilemens , ou des déjedions 
les plus violentes que caufent les forts 
purgatifs, les émetiques, ou les poi- 
fous, qui 11e tourmentent pas continuel¬ 
lement , mais ont leurs réiîûffions 3 ôs 
leurs redoüblemens. 

XXX. Une des premières loix de h 
nature 3 & des plus autorifées par les 
obfervations, c’eft que les Ipafmes af- 
foiblifîènt 3 êc jettent dans 1 atonie les 


itô Là Médecins 
parties , fur lefquels ils Te font long- 
tems exercés. 

$ C H O I I É. 

Il paroît que la caufe de la foibîeffe 
qui refte aux.partics que lesTpafmes 
ont trop long-tems fatiguées, ne vient 
«que de la forte agitation , du choc ré¬ 
ciproque , & de la contorfion des' fi¬ 
bres , qui diffipe, & fait exhaler les 
molécules les plus fluides du fang , &: 
du fuc nerveux, qui donnent aux par¬ 
ties la tendon , & le refîort qui les 
rend propres à la vie. D’où il fuit, 
qu elles relient dans un état d’affoi- 
bliflèment, jufqu’à ce que peu à peu, 
& avec le tems, elles fe foient remplies 
de nouveaux fucs fpiritucux, & quel- 
lès s’en foient nourries. 

XXXI. La foiblcfiè , & l’atonie 
que la violence des fpafmes -a lailfées 
dansdes parties, fervent à rendre rai- 
fon de différens phénomènes patholo¬ 
giques. 

ScHOl ÏE. 

Il eft étonnant avec quelle facilité 
on explique beaucoup de phenomenés 
des plus difficiles , en partant de ce 
principe- 


ràisonne'é. ï^5> 
principe. C’eft une remarque trés-cu- 
rieufe , que dans les accès des-fièvres 
intermittentes le pouls foit très-vif, 8c 
très-vite, 8z la chaleur confiderable , 
& que les jours d’intermiffion le pouls 
foit foible, & lent, & les parties froi¬ 
des. Dans les affections fpafmodiquefc 
qui attaquent les hypochondriaques, 
les gouteux, les hyfteriques, le pouls 
eft très-dur, très-vite , avec inquiétu¬ 
des , & chaleur interne ; dans les ré- 
miffions de ces accès le pouls eft d’une 
lenteur, & d'une foibleflfe étonnantes. 
Dans les accès des fièvres, 8c dans les 
vives douleurs , la peau eft feche 9 
tendue , brûlante, ferrée , & deflè- 
chée, de maniéré qu'elle ne faille écha- 
per aucune humidité -, à la fin de l'accès 
elle fe relâche , elle s’enfle , devient 
mollette, 8c laiffe échapper une fueur 
abondante , avec un léger fentiment 
de froideur. Dans les convulfions, la 
chaleur de la fièvre, 8c les douleurs , 
on rend une urine très-aqueüfe , 8c 
lympide , qui ne dépofe aucun fëdi- 
ment j dans le déclin , 8c après que 
les fpafmes font finis , le trop grand 
relâchement des canaux fait rendre 
une urine épaifle , 8ç chargée , qui 
Tome ///. P 



v~o Là Mececinæ 
lâche beaucoup de fédiment. Rien n’eft 
plus commun que de voir fucceder à 
une inflammation violente de quelque 
partie , inflammation accompagnée 
d’une douleur très-aigue,une fi grande 
ibiblefle, une fi grande atonie, lorf- 
-que la douleur eft totalement paflee , 
que le fang s’y arrêtant , faute d’y 
avoir Ion mouvement accéléré , y con¬ 
çoit une putrefaéfionfphaceleufe. Dans 
toutes les douleurs violentes, il y a 
refierrement de la partie , & la mar¬ 
qué du rallentiflement de la douleur 
eft le gonflement de cette même par¬ 
tie. Lés inteftins, & le ventricule fouf- 
Frent les plus violentes contractions à 
J’occafion des poifions cauftiqtics, & 
•àprës leur operation, ou après la mort, 
le gonflement des inteftins fait auffi 
paroître le ventre fort gros. L’opera¬ 
tion trop violente des émetiques, ou 
des purgatifs cauiè ordinairement des 
vents, & l’atonie dans le ventricule, 
les inteftins ; & enfiiite la fupprel- 
ilon du ventre à cauiè de l’afFoiblifîè- 
ment du mouvement périftaltique. Il 
faut auffi revenir à notre théorème , 
pour expliquer la langueur, & l’abba- 
jement qui iiiccedeîit à la fièvre , & 


aux convulfions. On en voit encore 
une preuve dans la toux, où la con- 
tradion fpafmodique des glandes ne 
laide paffer qu’une matière très-déliée, 
au lieu que iùr le déclin de cette ma¬ 
ladie , le fpafme diminuant, on crache 
beaucoup , & d’humeurs vifqueufes , 
& mucilagineufcs. 

XXXII. Donc plus le fpafme eft 
violent, & plus long-tems il travaille 
une partie, plus grande eft l’atonie , 
& la foibldfè qui le fuit» 

Scholie. 

C’eft pour cela qu’une inflammation 
profonde , & violente, eft fui vie du 
iphacele. Et l’on voit que les mouve- 
mens épileptiques, & l’allhme con- 
vulfîf, affoibliflènt tellement le cer¬ 
ceau , & les nerfs, que la paralyfie , 
rhemiplegie , ou l’apoplexie , que la 
mort fuît promptement , en font' le 
dénouement. 

XXXIII. Lés parties reftant extrê¬ 
mement affoiblic-s âpres les accès , 
attaques des fpafmes , la ftagnation, 
ou l’arrêt des liqueurs qu’ils y ont ar¬ 
rêtées les rend la matière, & le foier 
de nouveaux accès, 

Pij 


La Medecike 

SCHOLIE. 

11 arrive fouvent dans les fièvres in¬ 
termittentes , que quoique toute la 
matière fébrile loit réformée , & dif- 
fipée , les accès ne laiflfent pas de re^ 
venir dans le tems accoutumé. C’eft ce 
que i explique ainfi, Je dis que chaque 
accès forme lui-même une matière qui 
devient la caufè de celui qui doit le 
fuivre, en produifant dans le lang , à 
raifon de 1’augmentation de chaleur 
qu 3 il lui donne , & de l’accélération 
de fa circulation, une quantité d’im¬ 
puretés excreinenteufes, falées, ôt bi- 
lieufe$ ÿ fruits de fa violente tritura¬ 
tion j lçfquelles s’arrêtent aifément 
dans les parties membraneufes , que 
l’accès a fort affoiblies , & les exal¬ 
tent à recommencer leurs contra&ions 
convulfives. Les accès fe reproduifent 
bien plus aifément dans les parties af¬ 
foiblies j s’il y a encore de la matière 
fébrile, ou qu’elle réfide tou jours dans 
les vifeeres du bas y entre- C’eft de la 
même maniéré que nous expliquons 
les rechutes en fait de fièvres, o.u d au¬ 
tres maladies, & je ne vois rien de 
plus naturel, fi I’qîî n’a pas eu foin.de 


&'A-I-SdftNË*2< Î7| 

fortifier les parties que la maladie à/ 
affaiblies, 8c énervées, fi Ion ne leur 
a pas rendu leur tenfion , & que l’on 
ait négligé d’évacuer la matière mor¬ 
bifique , que de voir la maladie re¬ 
commencer. On voit clairement par 
ce que je viens de dire , pourquoi lՎ 
corce de quinquina, 8c les autres mé- 
dicamens légèrement aftringens , 8c 
Fortifians, font des remedes li efficaces 
contre les accès des fièvres, & les au¬ 
tres affe&ions convulfives. 

XXXIV. Dans la jeuneffe , & l’âgé 
viril, & dans les corps vifs, 8c robuf- 
tes, le làng, 8c les liqueurs font plus 
d’efforts vers les parties fuperieures 3 
8c dans les vieillards, les infirmes, 8c 
les fuiets flalques , il fe jette fur les in¬ 
ferieures. 

SCHOLI E. 

Auffi remarque-don que les hémor¬ 
rhagies par les narines, èc par les pou¬ 
mons dans le crachement de fan g font 
très-communes dans la jeunefîe , de 
maniéré que le faignement du nez eft 
très fou vent la crife des fièvres arden¬ 
tes. Et comme l’impetuofité avec la¬ 
quelle le fang eft lancé dans les pou- 


s 74- La Médecins 
mons, efl une caufe toute naturelle de 
la pbthifie, on conçoit aifément qu’il 
n y a point d’âge plus propre que la : 
jçuneffe a la produire. Mais la rai Ion . 
qui fait qu'à cet. âge les humeurs fè ; 
portent avec tant d’impetuofité vers 
les parties fuperieures, eft fans contre^ 
dit la force , la tcnfion , & le grand 
reflbrt des fibres. Dans la. vieille®; au 
contraire, & l’état d’infirmité 3 les par¬ 
ties folides étant fiafqués , & rel⬠
chées , & aiant moins de force , l’im- 
peruofité du fang diminué du côté des 
parties fuperieures, & les humeurs vi- 
cieufes fe portent plutôt vers les infe¬ 
rieures , & s’arrêtant dans les vifceresà 
produifent des affeôfcions chroniques v , 
la cachexie , Fhydropifie, le fcorbut, \ 
la néphrétique, la colique , les he- 
morrhoïdes, & les maux qui font* les 
fuites de ceux dont nous venons de 
parler. Outre cela les jeunes gens ont 
le ventre plus rdferré, & les vieillards 
lont plus lâcher, parce que les pre-. 
miers ont le fuc nerveux en état de 
fe diftribuer librement de côté , & 
d autre , &c de donner aux parties do 
laJForce, oc de la tenfion , conforme¬ 
ment à l’mfiitution de la nature. Les 


^âisonne'e. 175 ' 
paffîons de Famé font aufîi plus , ou 
moins ennemies de certains âges, &: 
l'agitation des liqueurs dans la jeuneflè 
eft une çaufe toute naturelle du pré¬ 
judice que la colere lui caufe , en met¬ 
tant les jeunes gens très-aifément dans 
des hémorrhagies, même par le nez / 
des hemoptyfies , des phthi fies , des 
pleurefles , des fièvres ardentes > des 
douleurs de tête » ëz des délires. Et 
comme dans un âge avancé les parties; 
folides font naturellement relâchées , 
ôn conçoit fans peine que la triftefle, 
& les inquiétudes , ainfi que la ter¬ 
reur j font très-nuiîibles aux vieillards. 
Aufîi remarque-ton qu’elles leur cau- 
fent de grandes affections chroniques, 
Sé même quelquefois une mort très- 
prompte. En effet , la- trifteffe a une 
force prodigieulè pour affoihlir , oz 
détruire le ton du ventricule , & der 
inteftms 3 ce qui dérange en une infi¬ 
nité de maniérés la drgeftion des ali- 
mens , les fecretions , les excré¬ 
tions. ' 

XXXV. La répétition desades, & 
l’habitude , imprime aux folides, 
aux fluides un caradere , & une dif- 
pofition qui leur fait reprendre aife 
P iiij 


La Medecine 

ment les mouvemens qu’ils ont une 
(ois reçus. 

SCHOLIE. 

Ceft ici une loi univerfelle de la 
Nature , & qu’il ne faut jamais perdre 
de vue, parce quelle fert à l’explica¬ 
tion de beaucoup de phenomenesi II 
y a beaucoup de maladies, ou plutôt 
de mouvemens maladifs, dont l’effet 
«ff de tranfporter impetueufement les 
liqueurs d’une partie dans une autre » 
qui reviennent dans des tems déter¬ 
minés recommencer leur tragédie. Par 
exemple, a-t’on été une, ou deux fois, 
attaqué de colique, on eft fujet à la 
reprendre. Ceux à qui les hemorrhoï- 
des lluent ordinairement vers le tems 
des equinoxes, lorfque ce tems appro¬ 
che , commencent à fentir les Ipalmes 
feemorrhcïdaux dans les lombes , le 
dos , l’os facrum, ôc le bas ventre. Qn 
u’a point pris l’habitude de fe faire 
faigner, pu fcarifier dans certains tems 
de l’année , qii’au retour du même 
tems on relient une pelànteur, & une 
tenlion dans les parties où le fang fé- 
journoit lorfqu’on a été obligé de le 
faire làigner > & même on tombe ma- 


raisonne'®. 177 
kde , fi Ton néglige ce fecours. Ceu£ 
qui fe font accoutumés à des exercices, 
& des travaux pénibles, venant à fe 
livrer imprudemment à un trop long 
repos, tombent aifément malades, SC 
furtout de maladies qui attaquent les 
articulations -, & au contraire Hippo¬ 
crate remarque que ft l'on paffe fubite - 
ment d'un grand repos a un grand travail , 
on fera beaucoup plus incommodé qu’on tic 
feroit en paffant de la bonne chere a une vie 
très frugale , ou d'un grand travail a une 
rie oifive , & fainéanté. Hippocrate fait 
Cependant cette réflexion ; il faut pour¬ 
tant fe repofer après le travail , & l'abfii- 
nence ejlnéceffaire après la bonne chere ; au¬ 
trement tout le corps s'appefanîit , & devient 
la proie des douleurs, (a) Le même Auteur 
remarque encore cpaun lit trop mollet , 
quand on efi accoutumé à coucher durement , 

(a) Si qui s ex multa quïete ad ampliorem la - 
borem de repente perveniat , multo magis Ude- 
tur , quamfi ex multo cibo ad vaforum -vacuatio - 
nem tranfmutetur ; &fi ex multo labore âere- 
pente ad otium & fegnitiem exciderit. Oportet 
tamen & his corpus quiefcere ; oportet item 
illis ventrem a ciborum copia quiefcere ; fin mi¬ 
nus & dolorem in corpore inducet , & totius 
cerporis gravitatem. Hipp .Lib. de vift.irt Acut. 
J. 2 . 4 . 


iy% La Medeciuî 
caufe de la douleur , & que le changement 
d'un lit mollet en un dur fait au fie même 
effet, (a.) Ceux qui font accoutumés à 
coucher l’Hiver dans une chambre peu: 
échauffée fe trouvent fort mal de cou¬ 
cher dans un. poêle bien échauffé. 
Quand on s’accoutume à manger , ou: 
à s’éveiller.à une heure déterminée, 
on fent de l’appetit, &: l’on s’éveille 
au retour de la même heure. Quand 
on eft dans l’habitude d’uriner à une 
certaine heure de la nuit , on fe ré¬ 
veille pour le faire tous les jours à la 
même heure. 'On peut voir beaucoup 
de chofes très-utiles dans le même 
goût dans le Traité .d’Hipp.octâte- ^ 
VAncienne Médecine , §. ig. & dans 
celui dû Régime dans les maladies aiguës , 
§. 15. 16. - 

XXXVI. Tous les œouvemeos qui 
dérangent les fondions du corps ani¬ 
mé font nuifibles , & pernicieux en 
eux-mêmes, &: de leur naturel ; ils ne 
laiffcnt pas cependant de produire fou* 
vent des effets fàlutaires, de de rendre 

fa) Leclus prêter morem mollis dolontn inducit. 
itemque prater cmfuetudinem duras. Hipp. iïii. 


RAIS ON ne'E. Ïff-' 

Îâ' fanté , en détruifant les eaufes des 
maladies; 

S C H O L I E. 

Tout ordre, & ce qui fe induit en 
conséquence étant bon de fa nature, 
& Salutaire , Soit en morale, fait en 
phyfique, il faut conduire néceffaire- 
ftient que ce qui cft contraire à cet or- ; 
dre, & ce qui le détruit, eft .mauvais 
de fa nature. Et comme les mouve- 
mens réglés, proportionnés, Ôz fou- : 
mis à un jtifte équilibre, qui entre¬ 
tiennent la vie, &z la Santé, font ab¬ 
solument Salutaires y & avantageux , 
il s’enfuit neceffairement quetous cetm 
qui s’éloignent de la proportion, & de 
l’équilibre, qui par conféquent vi¬ 
cient , & dérangent: les fondions , 
font pernicieux par eux-mêmes, & de 
leur nature. Pourroit-on en effet s’i¬ 
maginer que le retardement du mou¬ 
vement circulaire des liqueurs , fon 
affoibliffement 3 la fuppreÔion des ex¬ 
crétions , les flagnations du lang , & 
de la ferofité , les engorgemenS des 
vifceres , les obftruétions, les putre- 
fadions qui en font les fuites, ôz qui 
font les principales eaufes des maladies 



î8o La Me DE GIN E 
chroniques , font falutaires ? On fie 
peut pas non plus dire abfolument des 
mouvemens accélérés , & fpafmodi- 
ques, qu’ils font utiles au corps , èc 
qu’ils les garantirent de la putréfac¬ 
tion , & de la mort'. Car il eft notoire 
que le naturel , & le caraélere des 
lpafmes eft d’arrêter les excrétions, de 
refterrer la peau , organe de la plus 
falutaire , puifqu’elle eft deftinée à 
faire fortir fans cefle les parties ufées 
du fang, Sc qu’ils repouflent les hu¬ 
meurs de la furracé du corps des 
extrémités aux parties internes * & au 
cœur -, au lieu que la confèrvation de 
la fan té , & de la vie demande que les 
mouvemens excrétoires foient libres y 
& que les liqueurs fe portent du cen¬ 
tre à la circonférence du corps.. Une 
autre preuve que les fpafmes font ef~ 
fentiellement contraires à la vie , c’eft ; 
que les fymptômes qui caufent la : 
mort, font produits par les fpafmes * 
ôc pendant qu’ils durent. 

XXXVII. Ce ne font pas les mou- . 
vemens fpafmodiques, mais les mou- 
vemens accélérés du fang à l’occafion 
de l’augmentation de vîteffe , & de 
force de la contraction du cœur ? 



RAI SONNE 7 £. îSl 

des arteres , mouvemens qui fuivent 
fouvent les fpafmodiques, & dont la 
diredion eft du centre à la circonfé¬ 
rence , mouvemens en un mot connus 
fous le nom de fébriles, qui font fbu- 
vent un efret falutaîre , en ce qu’ils 
dcbarraflènt le corps des caufes mor¬ 
bifiques , & de leurs mauvais effets» 

S C H O L I E. 

On ne peut même dire de la fièvre , 
bien que Ion effet (bit fouvent falu- 
taire, quelle eft de fa nature, & eflen- 
tiellement falutaire, ou qu’elle eft un 
effort de la nature pour parvenir à la 

f uérifon , puifqu’en confommant les 
3rces, comme il arrive fouvent, fur- 
tout dans les maladies chroniques, elle 
rend de plus mauvaife condition les 
ftagnations des humeurs, les corrup¬ 
tions , & les putrefadions des vifceres» 
Auffi la fièvre caufe-t’elle ordinaire¬ 
ment , $£ même prefque toujours la 
mort aux phthifiques, aux hydropi¬ 
ques, aux cachediques, aux fcorbu- 
tiques, aux vieillards, & aux tempe- 
ramens foibles. Ses effets ne font fà- 
iutaires que lorfque les mouvement 


ïSl La MEDECINE 
fpalmodîques qui la produifent font 
de nature à détruire la caufe qui leur 
a donné l’être , c’clt-à-dirc , à éva¬ 
cuer le fang vicié par fa. ftagnation, 
à réfoudre promptement les ftafes , 
&: les ftagnations qui fcroient per- 
nicieufes , & à diflbudre le làng qui 
pèche par la quantité, & Ion èpaif- 
leur. 

XXXVIII. Il cft donc du devoir 
d’un Médecin habile, & prudent d’é¬ 
tudier le caraélere des mouvemens 
qui arrivent pendant les maladies , 
afin de les faire fervir à la guerilbn 
du malade , en déterminant leurs ef- 
forts d’une maniéré avantageulè, 

S OH OL 1 1. 

Tout le fînde l’Art connfle donc à 
favoir djftinguer les mouvemens ma¬ 
ladifs pernicieux de ceux qui font 
falutaires , & avantageux au corps , 
,adn de déraciner promptement les 
caufes des premiers, & d’aider les au- 
tres par les moiens connus des grands 
.Maîtres de l’Art. Or c’eft à quoi l’on 
ne peut réuffir fans favoir exaéle- 
-ment les loix 3 & les eftW de .la Nà- 


R AI SONNE'E. ig 3 

ture, les differentes caufes qui entre¬ 
tiennent les mouvemeiis morbifiques, 
enfin la nature , &: la conftitution 
particulière des malades. Celui qui 
fera parfaitement au fait de toutes 
ces chofes, fera, à mon avis, un ex¬ 
cellent Médecin. 


Fin du troijiême Tome»